Interview exclusif avec le Commandant en chef de l’armée le Général Joseph Aoun au magazine «el-Jaych» après avoir passé un an à la tête du commandement de l’armée

Mercredi, 07 March 2018

Le trajet se poursuit avec toute confiance

Le Commandant en chef de l’armée: la sécurité, l’Institution et le sang des martyrs sont notre cher gage

Introduction

Il est le fils du territoire qui sait très bien comment faire face aux difficultés et à franchir les obstacles. Il est le fils du champ grâce à ses expériences diversifiées et ses missions importantes. Allant des frontières du Sud en faisant face à l’ennemi israélien, arrivant aux hauteurs des jurds de l’Anti-Liban en faisant face aux terroristes et leurs complots.

Il est le commandant robuste qui dirige ses hommes dans le champ de la bataille. Il assure qu’il a une grande confiance en leur compétence et en leur courage et assure qu’il tient à chacun d’eux: «Prenez garde de vous-mêmes». La consigne de base.

Victorieux, ils rentrent. Il tient à féliciter chacun d’eux, mais la joie ne cache pas une larme chère comme celle qu’il n’a pu retenir lors des funérailles des martyrs exécutés par les terroristes de «Daech».

Le Général Joseph Aoun est à la tête du commandement de l’armée il y a un an. Une année comblée de phases importantes au niveau de la sécurité et de l’Institution. Quel sera son opinion vis-à-vis des exploits réalisés et quelles seront ses prochaines étapes?

 

Les priorités

Au début de l’interview, le Général Aoun a dit que les priorités étaient nombreuses, et il les a envisagées selon leur importance, comme le suivant:

Premièrement, la libération des jurds est des terroristes, et dévoiler le sort des militaires enlevés par les organisations terroristes.

Deuxièmement, se consacrer pour traiter les affaires internes de l’Institution, notamment:

  • Revoir l’organigramme interne de l’Institution, que ce soit au niveau de la formation des unités, l’établissement de nouvelles unités, ou au niveau du pyramide de la hiérarchie.
  • Renforcer l’entrainement dans les académies et les instituts militaires, comme à l’Académie Fouad Chéhab pour le commandement et l’état-major, l’Académie militaire, l’institut d’enseignement, l’école des sous-officiers, le camp Araman pour l’entrainement…. Vu leur rôle essentiel au niveau de l’instruction et la formation offertes aux officiers, aux sous-officiers et aux soldats.
  • Etre ferme quant à l’adoption de la compétence comme étant le seul critère pour les nominations et les permutations.
  • Eloigner l’Institution militaire des tiraillements politiques.
  • Renforcer le rôle de la femme à l’armée.
  • Lutter contre la drogue qui sape la société, et dont le danger est égal à celui du terrorisme.

 

Au niveau de la sécurité: les exploits furent nombreux et le travail continue

En ce qui concerne les exploits de l’armée au niveau de la sécurité lors de l’année passée, le Général Aoun a signalé que l’armée appuyée par une confiance populaire et un appui politique, a réussi dans un temps record, à achever de nombreux buts militaires importants. Et d’ajouter: «L’exploit le plus important fut la bataille «Aube des jurds». C’est ainsi que nous avons mis fin au phénomène des organisations terroristes de «Daech» et de «Nosra» au Liban. Nous avons récupéré notre territoire et nous avons dévoilé le sort de nos soldats enlevés, tout comme nous avons réussi à démanteler des dizaines de réseaux et de cellules terroristes dans des opérations de prévention».

Et d’ajouter: Malgré les exploits réalisés, surtout l’opération «Aube des jurds», il reste encore beaucoup à faire. L’effort au niveau de la sécurité ne s’arrête jamais. Les défis sont nombreux et le futur de la patrie dépend de sa stabilité sécuritaire en premier lieu.

En réponse à la question concernant le secret de l’armée d’avoir accompli l’opération «Aube des jurds» dans un temps record et à l’aide de moyens modestes dans le temps où les grands pays trouvent des difficultés à faire face au terrorisme, le Commandant en chef de l’armée assure que cela remonte à plusieurs raisons, notamment: «La volonté et le courage du soldat Libanais, sa foi enraciné en son droit sacré de défendre le Liban face au terrorisme. Avoir bien utilisé les capacités et les moyens disponibles de la meilleure façon et selon un plan militaire bien précis. Sans oublier le grand ralliement du peuple autour de l’armée, le soutien officiel offert à l’armée et l’appui militaire que l’armée a reçu des pays amis».

Le Général Aoun a signalé que l’armée a également pris plusieurs mesures, notamment: «La fermeture de tous les passages illégaux sur les frontières est, le contrôle ferme des frontières pour empêcher l’infiltration des individus armés de la Syrie vers le Liban et la contrebande et le trafic d’armes. Le travail assidu de la direction des Renseignements à traquer les cellules terroristes et les membres suspects dans le cadre de la politique de la sécurité de prévention. Suivre de près la situation des camps des déplacés Syriens et des camps Palestiniens. L’intervention rapide quant à toute tentative visant à porter atteinte à la sécurité et pour empêcher les agressions contre les citoyens et les propriétés publiques et privées. Continuer à lutter contre toutes sortes de crimes organisés».

Quant à la possibilité de l’infiltration de terroristes encore une fois à travers les frontières Libano – Syriennes après leurs défaites en Irak et en Syrie, le Général Aoun a signalé que ces tentatives existent, mais «l’armée est toujours prête à faire face à ces tentatives».

 

La situation au Sud: Nous faisons face à deux défis

Quant à son évaluation de la situation actuelle au Sud à l’ombre des menaces israéliennes contre le Liban et les tentatives de l’ennemi de construire un mur de séparation sur un territoire libanais et de s’emparer d’une partie des ressources pétrolières Libanaises dans le bloc 9, le Général Aoun a signalé que l’armée au Sud fait face à deux défis; le défi de l’infiltration de terroristes de la partie syrienne à travers Chébaa et le défi des violations et des menaces israéliennes. Et d'ajouter: «Notre position est stable dans ce domaine et nous l’avons transmise à la FINUL, qui l’a transmise à son tour à l’ennemi israélien: ne pas construire un mur sur un territoire Libanais. Lors de la démarcation de la Ligne bleue, il est resté 13 points que nous considérons comme étant un territoire Libanais, et le Conseil supérieur de la défense a mis l’accent sur le droit du Liban de défendre son sol et ses frontières terrestres et maritimes, et sur la disponibilité de l’armée à assumer cette mission sur le terrain. Nous sommes prêts à faire face à toute agression israélienne et à défendre la souveraineté du pays. Et comme j’ai déjà dit, les forces de l’armée furent renforcées dans la région du Sud du Litani après l’achèvement de l’opération «Aube des jurds». Un régiment exemplaire fut créé pour défendre cette région en addition aux autres unités. Nous nous engageons aux décisions prises par le gouvernement vis-à-vis des différents développements et nous les appliquons à la lettre».

Il a signalé que la situation sécuritaire au Sud est stable, et la relation avec la FINUL est excellente. Il existe une coopération et une coordination quotidienne pour traiter les violations de l’ennemi, sans oublier les manœuvres, les entrainements et les patrouilles mixtes. Le Général Aoun a mis l’accent sur la création de la direction de la coopération militaire – civile (CIMIC) à Marjayoun, suite à un financement offert par la FINUL.

Quant aux missions à l’intérieur, il a signalé que la mission principale de l’armée consiste à préserver les frontières et défendre la souveraineté du Liban. Or l’armée assume la mission de la préservation de la sécurité à l’intérieur en coopération et coordination avec les services sécuritaires, suite à une décision prise par le Conseil des ministres. Et d’ajouter: «Nous aspirons à ce que les forces sécuritaires deviennent complètement capables de maintenir la sécurité à l’intérieur, c’est alors que l’armée se consacre entièrement pour défendre les frontières».

 

La sécurité des élections et la confiance locale et internationale en l’armée

Le Commandant en chef de l’armée a insisté que l’Institution militaire n’intervient jamais dans les affaires politiques ni électorales. Elle est juste concernée par la préservation de l’opération électorale tout en garantissant son déroulement d’une manière pacifique, civilisée et démocratique. L’armée s’apprête à dresser un plan pour assurer la sécurité de cette opération.

Quant à la confiance locale et internationale en l’armée, le Général Aoun a dit: «L’armée fait partie du peuple, les Libanais lui offre leurs fils et ils ont confiance en son objectivité, son intégrité et sa capacité à préserver leur sécurité, leur stabilité et leur liberté, tout en garantissant la force de leur pays et en protégeant leurs institutions et leur système démocratique».

Quant à la confiance internationale, elle émane de la performance de l’armée et de la conviction que toute aide qui lui sera offerte est un bon investissement. Et d’ajouter: «Cette confiance s’est renforcée suite aux grands succès réalisés par l’armée en faisant face au terrorisme, à l’aide de capacités modestes, sans oublier les autres exploits au niveau de la lutte contre la drogue et la coopération sécuritaire avec la communauté internationale. Il est important de signaler ici que la stabilité au Liban est un besoin international aussi».

En réponse aux menaces que représentent les camps des déplacés syriens et les camps palestiniens, le Général Aoun a assuré que l’armée prend au sérieux ses menaces et persévère à prendre des mesures sécuritaires pour que ces menaces ne se traduisent pas en faits. Il a clarifié que les camps palestiniens sont contrôlés vu la présence de comités mixtes et le déploiement de l’armée autour de ces camps. Quant aux camps des déplacés syriens, la situation est différente. Il n’existe pas de comités mixtes, et les terroristes peuvent user de ces camps comme refuge pour eux.

 

L’équilibre entre le rôle militaire et le rôle humanitaire

En ce qui concerne l’équilibre au niveau du rôle militaire et du rôle humanitaire lors de l’exécution de perquisitions dans les camps des déplacés syriens, le Commandant en chef de l’armée a assuré que des directives strictes et claires sont livrées aux soldats et qui insistent sur la nécessité de respecter la droit internationale humaine, malgré que les personnes envisagées d’être arrêtées pourraient être munies de ceintures explosives et de grenades à main. Et d’ajouter: «L’armée a créé la direction de la loi internationale humaine car elle tient à s’engager aux applications de cette loi. Parmi les missions de cette direction figure l’enseignement des militaires les principes et les bases de la façon de traiter les civils non-armés, notamment les enfants, les femmes et les vieux. A cause de notre grande prudence, nous souffrons de beaucoup de difficultés. C’est ainsi que nos soldats sont obligés parfois de se sacrifier pour sauver un civil que les terroristes prennent en tant que bouclier humain. C’est ce qui s’est passé à Tripoli lors de l’arrestation d’un terroriste. Un soldat est donc tombé martyr et d’autres furent blessés, alors qu’aucune blessure ne fut enregistrée dans les rangs des civils malgré que le terroriste était entouré par sa famille. Malgré tout, au moment de n’importe quelle dérogation, une enquête interne aura lieu et la personne qui déroge aux directives sera punie».   

 

Le renforcement des capacités de l’armée

En réponse à une question concernant le renforcement des capacités de l’armée, le Général Aoun a assuré que de nombreux pays amis ont offert l’appui à l’armée à travers des aides de qualité qui ont contribué à renforcer ces capacités, notamment les États-Unis (armes et entrainement), la Grande Bretagne (renforcer les capacités des régiments des frontières terrestres fait qui aide à acquérir une haute capacité de défense), l’Allemagne (renforcer les capacités des forces de mer à l’aide de radars et de navettes), en addition à d’autres pays comme la France, le Canada, la Chine, les Émirats Arabes Unis et la Jordanie. Et d’ajouter: «Ces aides ne sont pas suffisantes pour répondre aux besoins de l’armée, mais nous œuvrons à assurer un appui militaire davantage et nous poursuivons nos contacts avec les pays amis. A signaler que l’armée a reçu depuis l’an 2006 et jusqu’à présent, des aides valant près de 1,7 milliards de dollars. Le plan de l’armement de l’armée est bien étudié, et nous œuvrons pour améliorer le niveau de compétence et de professionnalisme à travers l’entrainement de qualité, le bon investissement des équipements et des armes jusqu’au maximum.

Nous réalisons que l’ennemi israélien possède une armée considérée comme étant une des armées les plus importantes de la région, et possède des armes développées, c’est pour cela que l’équilibre militaire avec lui est difficile. Mais nous allons assumer complètement notre devoir malgré nos capacités modestes, armés par le ralliement de notre peuple autour de l’armée et le support moral qu’il offre, ainsi que le support des forces politiques et la résolution du Conseil des ministres qui accorde au peuple Libanais le droit de la résistance face à toute agression israélienne».

Concernant la conférence de Rome, le Général Aoun a assuré que cette conférence représente une occasion précieuse pour l’armée pour obtenir le support international, surtout que l’armée est un partenaire efficace en faisant face au terrorisme, «Nous espérons que nos différents besoins et demandes représentés seront acceptés».

 

L’intérieur

En rencontrant les élèves officiers ayant réussi au concours d’entrée à l’Académie militaire, le Commandant en chef de l’armée s’est adressé à ces élèves en leur disant: «Soyez fiers de vous-mêmes car c’est grâce à vos capacités, à votre persévérance et votre compétence que vous avez réussi». En réponse à une question sur le message qu’il voulait transmettre à travers ce discours, le Général Aoun a assuré que «le message est claire, nous désirons transmettre aux générations futures une armée forte, car les personnes qui sont en train de s’affilier à l’Académie militaire sont les futurs commandants. C’est un message clair aussi à chaque jeune Libanais qui aspire à joindre l’Académie militaire: sa compétence est le seul critère. Aussi, c’est un message à toute personne concernée: l’armée ne permettra à quiconque d’intervenir dans ses affaires. Nous avons réussi à empêcher toute intervention et nous avons ressenti que la position des personnalités politiques en était favorable».

 

Le Commandant et l’être humain

Concernant l’expérience personnelle du Commandant en chef de l’armée sur le terrain, surtout que lors son trajet militaire il s’est déplacé dans beaucoup de brigades et de postes militaires, en passant par les frontières du sud et est et arrivant au commandement de l’armée, le Général Aoun a signalé que son trajet militaire l’a aidé à acquérir l’art du commandement et de combat, et à accorder une importance aux besoins des soldats. Par exemple, son service à la 9ème brigade d’infanterie au Sud l’a aidé à mieux comprendre la nature du sol et la situation sur les frontières, ainsi que la relation avec la FINUL, comment la développer, améliorer le niveau de disponibilité de l’armée au Sud et comment faire face à l’ennemi israélien. Et quand il fut commandant de la même brigade à Ersal, il est devenu plus informé sur la situation sur le terrain, fait qui a contribué par la suite à la bonne planification de l’opération «Aube des jurds» et à la prise des mesures adéquates pour mettre fin au cas des terroristes.

Les personnes qui étaient près du Général Aoun lors de la cérémonie rendant hommage aux martyrs à Yarzé suite à l’opération «Aube des jurds», ont vu les larmes couler de ses yeux plus d’une fois. Et en réponse à la question concernant les moments et les positions où les sentiments humaines deviennent plus fortes que les sentiments militaires, il a répondu: «Les moments les plus fortes et intenses sont en la présence du martyre. J’ai ressenti la douleur lors de l’adieu des martyrs à Yarzé. Ainsi la rencontre avec les handicapés et les blessés de guerre, les familles des militaires et leurs enfants fut distinguée et a eu une place spéciale dans mon cœur».

Il poursuivi en disant: «Le destin de tout militaire est d’être un martyr potentiel pour défendre la patrie. Le martyre est une médaille qui nous sera décernée. Nous nous inclinons devant les sacrifices des militaires. Leur être fidèle nous pousse à porter le flambeau de la cause pour laquelle ils se sont sacrifiés».

Comment la décision est prise lors des phases critiques? Le Commandant en chef de l’armée a signalé que pour prendre n’importe quelle décision importante, il faut avoir une idée claire de la mission, consulter l’avis de l’état-major du commandement, afin de prendre la bonne décision, toujours sous le titre de la préservation de la paix civile et défendre le pays. Il a signalé que le commandant idéal doit être à la fois robuste et flexible. La robustesse se traduit par les décisions fermes et les positions difficiles, quant à la flexibilité, elle apparait en écoutant les différentes opinions, surtout l’avis des commandants et de l’état-major, et en prenant en considération la critique constructive.

 

La femme à l’armée

En ce qui concerne le rôle de la femme à l’armée, le Général Aoun a assuré que la femme a tant joué un rôle efficace dans les armées tout le long des siècles. A l’armée Libanaise, elle a joué aussi un rôle essentiel quant à la défense nationale. Elle est présente dans les secteurs de l’administration, de la logistique, de la médecine, de la Police militaire et des Renseignements… Cette expérience a fait preuve de réussite quant à l’accomplissement d’importants exploits. «Nous aspirons à renforcer ce rôle pour arriver à sa participation dans les rangs des unités de combat».

 

Le gage précieux

Le Général Aoun a conclu en  rassurant les libanais malgré les incendies de la région, et d’ajouter: «Cette armée à laquelle vous avez accordé votre confiance, est à la hauteur du gage précieux, et n’épargnera aucun effort pour assurer la sécurité, la tranquillité et la dignité nationale, comme elle l’a toujours fait. Aujourd’hui elle est devenue plus forte que jamais».

Aux jeunes plus spécifiquement je dis: «Restez attachés à l’amour de votre patrie, éloignez-vous de la drogue et des idées terroristes. Attachez-vous aux valeurs nationales. Le Liban est notre patrie et vous aussi vous êtes invités à la défendre».

Quant aux fils de l’Institution je leur dit: «La force de l’armée émane de votre foi en votre patrie, en votre devoir, en votre professionnalisme, en votre discipline, en votre éloignement de la politique et du confessionnalisme et en la préservation de l’honneur de votre uniforme militaire. Aucun choix n’existe devant vous autre que l’Institution pour défendre le Liban».

Le dernier mot adressé par le Général Aoun fut aux martyrs de l’Institution, à ses blessés et aux membres de leurs familles. Et d’ajouter: «Nous vous promettons que l’armée ne gaspillera jamais ses exploits nationaux réalisés grâce à vos sang et sacrifices. Elle restera la soupape de sécurité de l’unité du pays, de sa sécurité et sa stabilité. Elle n’hésitera jamais à frapper avec un bras de fer toute partie visant à investir la difficulté politique que le pays connait actuellement pour porter atteinte à la paix civile et à l’unité nationale.  

Le sang qui a arrosé le sol de la patrie ne sera pas en vain, il est un gage qui nous incitera à poursuivre le trajet avec des pas fermes».