Les Relations franco-libanaises dans le cadre des relations internationales

Les Relations franco-libanaises dans le cadre des relations internationales
Préparé par: Rudyard KAZAN
Chercheur

A travers l'histoire, le Liban et la France se sont toujours connus et reconnus

Jacques Nantet([1])

L'objet de cette étude est de démontrer que les relations franco-libanaises ont été dictées par des intérêts (économiques, politiques, stratégiques) et non par les liens séculaires, amplifiés outre mesure par certains historiens, entre la France et une des communautés libanaises (en l'occurrence les maronites). Cette étude se subdivise chronologiquement en six parties: Des origines à la Première Guerre Mondiale; Le Mandat; L'indépendance; de l'indépendance à l'éclatement du conflit libanaise; la crise libanaise et Période actuelle.

 

DES ORIGINES A LA PREMIERE GUERRE MONDIALE([2]).

Les intérêts économiques et politiques que représentaient le Mont-Liban et la ville de Beyrouth pour la France, vont amener cette puissance à consolider et renforcer les liens déjà établis à partir du dix-septième siècle avec la communauté maronite. De ces relations, amplifiés outre mesure par des auteurs français et libanais du dix-neuvième et vingtième siècles (dont certains iront faire remonter à tort les liens privilégiés entre la France et les maronites au temps des croisades et même à celui de Charlemagne), naîtra la conception d'une entité libanaise indépendante de son entourage. Ces relations vont s'étendre au fil des décades qui suivront l'indépendance du Liban pour englober toutes les communautés qui constituent le Liban d'aujourd'hui mais vont se limiter toutefois- le Liban ne présentant plus une importance politique ou économique majeure- au domaine culturel.

 

Les origines des relations

L'importance économique (commerce extérieur) et politique (recherche d'un allié contre l'Autriche qui menaçait d'étouffer la France) que représentait l'empire ottoman pour la France va amener cette puissance à conclure en 1535 avec la Porte un traité d'alliance offensive et défensive contre la Maison d'Autriche et la première Capitulation (traité international garantissant aux sujets des nations chrétiennes résidant dans les pays dit hors chrétienté le droit d'être soustrait dans une large mesure à l'action des autorités nationales représentées dans le pays par les agents diplomatiques et les consuls). En vertu des capitulations, les Français obtenaient dans l'empire ottoman la liberté religieuse et la garde des lieux saints. Ces concessions, dont l'importance pour les sujets français était surtout d'ordre commercial, constituèrent la base de la politique impérialiste de la France en Orient. Ce protectorat concédé aux sujets français fut étendu, par la coutume plutôt que par des stipulations de traités, à tous les sujets catholiques du Sultan dont les maronites faisaient partie. En effet, la soumission de l'Eglise maronite à Rome fut renforcée au seizième siècle grâce aux missionnaires catholiques envoyés par Rome et dont le rôle ne pouvait être traité indépendamment des intérêts de la France puisqu'elle assumait la protection des chrétiens au regard de la Porte et qu'elle considérait que c'était un attribut essentiel de sa puissance en Orient. Mais bien que de caractère limité à cause principalement du manque d'intérêt économique de la région habitée par les maronites (Les villes musulmanes de Saïda et d'Alep étant à l'époque plus importantes que celle de Beyrouth et du Mont Liban à majorité chrétienne), les contacts franco-maronites du XVIIème et du XVIIIème siècles constituent néanmoins la base de l'intervention française au Liban. Aussi c'est sur instigation des ambassadeurs français que le libre exercice du culte catholique fut accordé aux maronites (1549 et 1553).

 

L'occupation égyptienne

L'invasion égyptienne de la Syrie était d'autant plus soutenue par l'Emir Béchir II que ce dernier recevait l'appui du clergé maronite qui considérait à juste titre que le souverain égyptien Mohammed Ali un allié de la France. Toutefois les exactions du régime égyptien imposées aux habitants du Mont-Liban (corvée, ramassage des armes de la population, conscription imposée aux druses,...) amènent ces derniers à la révolte, nonobstant les vaines tentatives exercées par les agents français (dont une partie, échappant au contrôle officiel de leur pays, se rallia aux insurgés) et à solliciter l'aide des puissances étrangères.

L'Angleterre, considérant l'importance économique et géopolitique de la Syrie (assurer la route des Indes en liant la Méditerranée à l'océan indien par la voie de l'Oronte et de l'Euphrate) et le danger de la pénétration française en Orient depuis l'expédition de Bonaparte en Egypte (lequel sollicita l'aide de l'Emir Béchir II, qui la lui refusa, durant le siège de Saint-Jean d'Acre en 1799) encouragea et aida les insurgés du Mont-Liban. Ces derniers adressèrent une proclamation "aux amis de la patrie" appelant à la "protection de la France et de l'Angleterre" dans laquelle ils souhaiteraient que le Mont-Liban soit placé sous la tutelle de ces deux puissances qui régleraient par un pacte les rapports égypto-libanais (8 juin 1840). Pour la première fois, l'application du protectorat maronite n'était pas du seul ressort de la France qui devait partager son influence avec - et à la demande des maronites - l'Angleterre.

Au niveau économique, l'occupation égyptienne permis l'ouverture du marché syrien aux produits européens et organisa son économie conformément à sa politique d'ouverture. Les effets de la révolution industrielle sur le transport maritime et sur l'industrie augmenta le rythme de contact entre l'Europe (importation de matières premières pour son industrie et exportation de produits manufacturés) et l'Empire ottomane. Le port de Beyrouth, grâce à la protection de l'arrière pays et de ses routes par l'Emir Béchir II, se trouva à partir du dix-neuvième siècle sur le point le mieux situé pour être à la fois le débouché du Liban chrétien et de Damas. Aussi c'est une société française, la Compagnie Ottomane de la Route Beyrouth-Damas qui, avec la participation de capitaux français (ceux de la Compagnie des Chemins de Fer de Paris-Orléans et les Chemins de Fer Paris-Lyon-Méditerranée) qui entreprendra la construction de la route Beyrouth-Damas (1859-1863).

L'essor de l'industrie textile en France (et surtout à Lyon) va l'amener à importer les matières premières nécessaires à cette industrie (cocons et soie grège) et à investir (ouverture de filatures de soie) à partir des années 1830 au Mont-Liban, région riche en cette matière. Cette importance économique du Mont-Liban va se répercuter au niveau politique puisqu'elle va jouer un rôle important dans l'intervention française de 1860-1861 au Liban(qui correspondait à une période de violente pénurie de soie en France) et dans l'institution du mandat français après la Première Guerre Mondiale.

Ainsi le commerce français se concentra sur certains points où il pouvait s'appuyer sur des traditions commerciales, morales et politiques acquises de longue date par la France.

 

Le Régime du double Caïmacamat.

La fin de l'occupation égyptienne et les troubles de 1841 (opposant druses et maronites) qui en résultèrent, le conflit étant plus social (la période égyptienne ayant favorisé les chrétiens - commerçants et paysans- au détriment des druses, fermiers de l'impôt) que politique ou religieux, aboutirent à des pourparlers entre la Porte et les puissances européennes (Russie, France, Angleterre, Autriche, Prusse) à Constantinople en vue de régler le sort du Mont-Liban (1842).

L'ambassadeur de France à Constantinople, le baron de Bourqueney, demandait en conformité avec le désir des maronites, le rétablissement pur et simple de l'ancienne principauté maronite par les émirs de la famille Chéhab. Le régime du double caïmacamat (scission du Mont-Liban en deux secteurs druse et maronite) proposée par le prince Clemens de Mettercnich d'Autriche apparut aux négociateurs comme un compromis entre le désir de la France de protéger les droits de la communauté maronite avec un prince chrétien et la volonté de la Porte d'exercer sa souveraineté dans le Mont-Liban.

Soutenue par l'ambassadeur britannique, Sir Straford Canning, la Porte va amputer du territoire maronite les districts de Ftouh, Jbeil, Batroun et Jobbet Bécharré qu'elle rattache au Pachalik de Tripoli et soumet à la loi commune de l'Empire. Le clergé et les notables maronites s'opposèrent d'autant plus à cette division du pays qu'au sein du caïmacamat sud accordé aux druses, environ 75 pour cent de la population était composée de maronites.

La cause des maronites fut embrassée, à la demande du clergé, par le baron de Bourqueney. La Porte finit par céder et remit entre les mains du caïmacam chrétien tous les cantons soustrais à son autorité le 7 décembre 1842. Un projet fut élaboré par ailleurs par le consul de France à Beyrouth, Eugène Poujade, proposant de permettre aux habitants des villages mixtes, situés dans l'un ou l'autre district, de choisir des représentants (wakils) de leur classe et de leur confier la défense de leurs intérêts auprès du caïmacam non de leur district, mais de celui de leur communauté respective. Le projet français fut adopté par la Porte favorisant ainsi les maronites aux dépens des druses. Cette mesure, qui était une promotion populaire aux dépens du pouvoir féodal druse fut la cause des troubles de 1845 opposant druses et maronites et au cours desquelles, pour la première fois, des biens français (les couvents d'Abey et de Salima) furent dévastés et des sujets français (le père Charles de Lorette) furent lynchés publiquement par les druses sous le regard passif des troupes ottomanes.

Cédant à la pression des ambassadeurs européens, qui voyaient en ces incidents une atteinte au protectorat concédé aux sujets européens, la Porte envoie son ministre des Affaires Etrangères, Chékib Effendi, pour arrêter les massacres et réorganiser l'administration du Liban. Dès son arrivée, afin d'éloigner les témoins compromettants et avoir les coudées franches à la montagne, le ministre ordonne à tous les agents, commerçant et missionnaires européens de regagner la ville de Beyrouth. Cédant à contrecœur à ces demandes la France exigeait :

- La réintégration immédiate des sujets français dans leurs établissements avec dommages et intérêts pour ceux qui ont été contraints de les quitter, par suite du refus de protection de la part de Chékib Effendi.

- L'appel, à Constantinople, du responsable de l'assassinat du père Charles de Lorette, et la recherche de ses complices.

- Le paiement des indemnités dues pour les couvents d'Abey et de Salima.

Dans une atmosphère tendue entre la France et la Porte(arrestation du premier drogman du consulat français à Beyrouth, Médaouar, qui ne sera relâché que sous la menace française concrétisée par le débarquement de la frégate Bellepoule au large de Jounieh), celle-ci finit par céder aux demandes françaises ainsi qu'à celles des cinq puissances réunies en élaborant un nouveau système administratif pour le Mont-Liban.

Le Règlement de Chékib Effendi (octobre1845) consacra le régime du double caïmacamat (délimitation définitive des frontières), consolida le statut communautaire du Mont-Liban (formation dans chaque caïmacamat d'un conseil mixte composé de membres appartenant à toutes les communautés du Mont-Liban) et affaiblit le régime féodal en supprimant les inégalités fiscales(soumission des fermiers de l'impôt- les cheikh- et des paysans aux mêmes contributions). En outre, ce régime consacra implicitement le droit d'intervention des puissances européennes dans les affaires du Mont-Liban.

 

Le Moutassarifat.

Les causes des troubles de 1860 au Mont-Liban (déclin d'une féodalité minoritaire druse au profit d'une petite bourgeoisie naissante majoritaire et maronite) et à Damas (massacre des chrétiens, minoritaires, par les musulmans, majoritaires, mécontents des réformes-le Hatti Hamayoun de 1856- qui prônaient l'égalité entre tous les sujets du sultan), bien que de nature différente furent interprétées de la même manière par la France (massacre de chrétiens orientaux par des musulmans) qui alerta l'Europe.

En effet, suite aux démarches entreprises par le ministre français de Affaires Etrangères, Edouard Thouvenel et conformément au traité de Paris de 1856 (rendant la sécurité des chrétiens du ressort du concert des puissances européennes), lesdites puissances (Angleterre, Autriche, France, Prusse, Russie), contournant l'article 9 dudit traité (interdisant aux puissances le droit de l'immiscions "dans les rapports de Sa Majesté le Sultan avec ses sujets ni dans l'administration intérieure de son empire"), signèrent à Paris (3 août 1860) un protocole prévoyant l'envoi de troupes dont la moitié serait fournie par la France afin de pacifier les régions troublées, en accord avec la Porte et pour une durée de six mois. Un autre protocole fut également signé afin de rassurer le sultan sur le fait de l'absence de toute intention expansionniste. L'expédition qui fût exclusivement française et sous le commandement du Général le Marquis Charles de Beaufort d'Haupoul, comprenait 6000 soldats qui débarquèrent à Beyrouth à la fin du mois d'août 1860. Le rôle des troupes françaises consistait à :

- étouffer complètement les émeutes;

- reconduire les chrétiens dans leurs villages;

- châtier les coupables.

Mais les troupes turques sous le commandement du commissaire turc Fouad Pacha avaient déjà pacifié Damas et le Mont-Liban. Le rôle de l'expédition française fût ainsi réduit à des úuvres humanitaires et de reconstruction.

C'est durant cette période que l'armée française, en conformité avec le désir des maronites, dessina une carte géographique du Liban - dont les frontières correspondent à celles du Liban d'aujourd'hui (rapport du 15 février 1861 du Marquis de Beaufort d'Haupoul au ministre de la Défense, le Maréchal Randon) - que le patriarche maronite Elias Howeik évoquera à la conférence de Paix (25 octobre 1919).

Par son action interventionniste, l'empereur français Napoléon III:

- effaçait l'échec diplomatique de 1840 reprenant pour la France la place protectrice des chrétiens d'orient;

- tempérait les ardeurs de l'opposition des catholiques français qui s'était desserrée après son hostilité avec le Pape ;

- et donnait, par la couverture européenne de l'expédition, satisfaction à l'Angleterre (avec laquelle il voulait maintenir des liens économiques et politiques).

 

Le règlement de 1861

A la suite de l'intervention française au nom de l'Europe, une commission internationale créée pour l'élaboration d'un nouveau régime se réunit à partir du 5 octobre 1860 à Beyrouth. Cette commission était formée des commissaires Beclard (France) Lord Dufferin (Angleterre), Novikov (RUSSIE), Weckbecker (Autriche) et Rehfues (Prusse).

Les 29 séances tenues par la Commission (5 octobre 1860-4 mai 1861) étaient consacrées en grande partie au châtiment des coupables et à la question des indemnités.

La réorganisation de la Montagne qui n'a fait l'objet que de deux séances, fut l'objet de deux projets: le projet élaboré en grande partie par le délégué russe et prévoyant la division de la Montagne en trois caïmacamats (Druse, Grec-Orthodoxe et Maronite)se heurta au refus français qui insistait sur l'unité du Mont-Liban sous le pouvoir unique d'un chrétien autochtone.

La commission clôtura ses travaux le 4 mai 1861. Ses membres transmirent ces projets à leurs ambassadeurs respectifs auprès de la Porte qui saisit l'occasion pour transférer le siège de la commission et les pourparlers en cours à Constantinople. Les représentants des Puissances se réunirent le 31 mai chez le Premier ministre turc Aali Pacha.

Alors que la Porte et l'Angleterre se prononçaient contre l'indigénat, et la Russie, l'Autriche et la France y étaient en faveur, un compromis fut adopté sur proposition de la Prusse selon lequel le gouverneur du Liban sera chrétien et nommé par la Porte, solution qui n'impose ni n'exclut l'indigénat.

Un premier protocole fut établi le 9 juin 1861 avec en annexe le statut organique du Mont-Liban lui conférant le caractère de statut international sous l'appellation de "Moutassarifat du Mont-Liban" (dérivé du terme Moutassarif qui serait la traduction arabe du mot français plénipotentiaire).

Le projet adopté qui reconnaît le maintien de la souveraineté ottomane sur la Montagne sous le contrôle des cinq puissances signataires représentées à Beyrouth par leurs consuls respectifs était ainsi une déformation, opérée par la Porte et l'Angleterre, du projet français prévoyant le rétablissement d'un émirat autonome.

 

L'époque du Moutassarifat (1861-1915).

Durant le Moutassarifat la France intervient:

- pour modifier le règlement (6 septembre 1864) augmentant le nombre des maronites au conseil représentatif et abolissant les privilèges de la féodalite;

- dans la nomination des moutassrif tentant vainement d'imposer un gouverneur indigène;

- dans le règlement des différends notamment entre le clergé maronite (qui voyait dans la nomination d'un moutassarif, une mesure temporaire) et le moutassarif en faveur (dans la plupart des cas) de ce dernier.

- dans le dénouement de la révolte de Youssef Karam(notable libanais qui cherchait à devenir gouverneur du Mont-Liban)qui jouissait d'une popularité considérable parmi les officiers français et certains cercles catholiques en France;

- dans la formation d'une milice pour le Mont-Liban (conformément à l'article 14 du règlement) en envoyant des officiers de l'armée française (Léon Fain) - dans les affaires du clergé maronite puisqu'elle favorisera l'élection du patriarche Elias Howeik qui demandera lors de la conférence de paix de Versailles que le Liban soit soumi au Mandat français).

 

LE MANDAT([3])

Les intérêts français au Levant

Les intérêts français en Syrie et au Liban étaient très puissants. Depuis le début du mandat la France y avait considérablement augmenté ses investissements déjà importants avant la Première Guerre Mondiale. Mais les intérêts économiques ne justifient pas en eux même l'acharnement des gouvernements successifs à vouloir la perpétuation du mandat. La principale motivation était d'ordre stratégique. En effet, la France voulait se maintenir comme puissance méditerranéenne: La présence à l'est de la Méditerranée semblait nécessaire à la protection des lignes maritimes vers l'Indochine et l'Extrême-Orient. En outre, sa présence en Syrie et au Liban assurait la pérennité de son empire dans le Maghreb arabe. En effet, en refusant l'indépendance aux populations de la Syrie et du Liban elle empêchait par le fait même cette indépendance de s'étendre aux populations du Maghreb arabe([4]).

Sur le plan économique le Levant commandait en outre le ravitaillement en pétrole irakien à travers le pipe-line Kirkouk-Tripoli, et, en sens inverse, la garantie des intérêts de la Compangie française des pétroles en Irak. Pour réussir son entreprise coloniale la France misa sur la traditionnelle protection des chrétiens par laquelle elle s'était introduite dans l'empire ottoman constituant ainsi le seul fondement de la présence française.

 

Les traités de partage

Au cours de la Première Guerre Mondiale, la Grande Bretagne participait de concert avec ses Alliés (France, Russie, Italie) à la conclusion de traités destinés à régler le sort de l'Empire ottoman après la victoire. L'acte majeur qui pourvoit à ce partage était l'accord anglo-franco-russe du 26 avril 1916 (du nom de ses négociateurs François Georges Picot pour la France et Sir Mark Sykes pour la Grande Bretagne). L'accord accordait à la France la Syrie et le Liban. Suite à l'occupation du Levant par les Alliés et à la reddition de l'Empire ottoman (30 octobre 1918), le Liban et la Syrie furent considérés comme des "territoires ennemis occupés" et placés sous l'autorité militaire britannique. Ils conserveront cette qualification juridique d'"ennemi" jusqu'aux futurs traités de paix. Mais déjà, Fayçal, fils du Chérif Hussein d'Arabie (conformément aux promesses faites par les Anglais en contre partie de sa participation à la guerre et ignorant tout des accords de Sykes - Picot) avait proclamé à Damas, au nom de son père, un gouvernement arabe militaire (présidé par Rida al-Rikabi), le premier octobre 1918, c'est-à-dire le jour même où la ville tombait entre les mains des britanniques. Le "gouvernement arabe de Damas" tente d'installer à Beyrouth et au Mont-Liban ses représentants en vue du rattachement du Liban à la Syrie au sein d'un vaste royaume arabe.

Afin de rassurer les chrétiens du Mont-Liban, l'Emir Fayçal envoie son délégué Al Ayoubi pour proclamer le maintien de l'autonomie libanaise et nomma Habib Pacha Saad gouverneur de la Montagne. Ce dernier entre aussitôt en fonction après avoir prêté serment de fidélité au Roi Hussein du Hijaz. Mais la diplomatie française, ayant tout à craindre d'une telle évolution, et qui avait tissé d'excellentes relations avec les maronites qui voyaient arriver l'heure de la formation d'un Liban indépendant sous l'égide de la France, soutint activement le courant libanais anti chérifien.

L'occupation du Liban par l'armée de Hussein ne dura que quelques jours. Le 7 octobre 1918, un contingent français arrivait à Beyrouth et le lendemain le général britannique Allenby faisait, à la tête de ses troupes une imposante entrée dans la ville, ayant à ses côtés le colonel français De Piepape, qui fut nommé aussitôt gouverneur militaire du pays.

L'ancien "Conseil administratif" du régime du "moutassarifat" qui s'était reconstitué et qui s'était à nouveau réuni à l'arrivée des troupes "chérifiennes" fut maintenu. Le 14 octobre 1918, les différentes communautés libanaises, vinrent faire acte d'allégeance et de soutien au colonel De Piepape, en sa qualité de gouverneur militaire. A la fin du mois d'octobre 1918, des unités britanniques avaient occupé la ville de Tripoli au nord de Beyrouth.

Le Général Allenby dressa les grandes lignes du gouvernement militaire de la Syrie et du Liban et procéda à la répartition des territoires occupés par les Alliés en trois zones: la zone du nord-ouest fut confiée aux Français. Elle comprenait le littoral du Liban ainsi que Lattakieh et le nord de la Syrie. De même cette zone comprenait les territoires de l'ancien moutassarifat du Mont-Liban.

Le régime institué par les Alliés fut celui de l'occupation militaire, qui laissa subsister l'administration en raison du caractère "non hostile" des populations libanaises et syriennes. Des officiers français remplissaient les postes naguère tenus par des Turcs.

 

La Conférence de paix

A la conférence de paix (18 janvier 1919 à Paris), une décision fut prise de dissoudre l'empire ottoman permettant aux alliés d'appliquer les traités de partage antérieurement conclu dont le plus important était celui de Sykes-Picot.

La conférence de paix fut le signal du déchaînement général de revendications dans les milieux politiques des populations émancipées.

Au Liban il existait trois courants principaux:

- Le courant favorisant une confédération avec la Syrie (projet présenté par le Comité central syrien);

- le courant favorisant la création d'un empire arabe (projet du Chérif Hussein);

- et le courant (à majorité chrétien) favorisant la formation du Grand-Liban; c'est à dire l'élargissement de la frontière du Mont-Liban.

 

La thèse "Libanaise"

La conception d'un Liban indépendant dans ses frontières actuelles avait commencé à prendre concrètement forme dans la vie des Libanais quelques temps avant la Première Guerre Mondiale. Le comité de "l'alliance libanaise" installé au Caire fit paraître un manifeste demandant l'indépendance du Liban dans ses "frontières historiques" sous la garantie des puissances de l'Entente. La "ligue nord américaine pour la libération du Liban et de la Syrie" installée à New York présenta un manifeste au président américain Woodrow Wilson (10 mai 1918) demandant, outre la revendication d'un Liban indépendant et souverain, la France comme puissance mandataire. Au Mont-Liban, le conseil administratif se réunit le 9 décembre 1918 pour réclamer "l'extension du territoire libanais à ses limites historiques et géographiques et conformes à ses besoins économique "l'autonomie du pays et l'appui du gouvernement français. Le conseil forma une délégation libanaise présidée par Daoud Ammoun qui exposa devant le conseil de la conférence, le 17 décembre 1918, les revendications susmentionnées. Face au refus anglais d'une "collaboration" franco-libanaise, la délégation n'obtint que des promesses verbales. Mais les divergences de vue entre les diverses organisations œuvrant pour l'indépendance amènera le conseil administratif du Mont-Liban à adopter à l'unanimité de ses membres une déclaration d'indépendance portant sur la formation d'un Etat du Grand Liban indépendant de son entourage et sur l'établissement de relations étroites avec la France.

La confusion crée par la diversité de ces événements et projets, amena le président Wilson - fidèle à son principe du droit des peuples à disposer d'eux même - à former une commission d'enquête. La commission King-Crane(du nom de Henry King et Charles R. Crane, deux de ses membres les plus actifs) séjourna 44 jours au Liban. Après avoir recueilli les avis de toutes les communautés libanaises il apparut que les musulmans dans leur grande majorité manifestèrent leur désir de s'unir avec la Syrie alors que les chrétiens et la plupart des druses étaient en faveur de la formation d'un Grand Liban.

La formation de cette commission américaine amena la Grande-Bretagne et la France à mettre en sourdine leur rivalité traditionnelle dans cette région et à consentir à des concessions mutuelles. Un accord fut conclu entre la France et la Grande-Bretagne le 15 septembre 1919 portant sur le remplacement en Syrie et au Liban des troupes britanniques par les troupes françaises et, en conséquence, sur une présence plus marquée de la France dans ces deux pays. La Grande-Bretagne confia à la France la mission et la charge de régler en Syrie l'affaire du "Grand Chérif" et de son fils Fayçal lequel s'était proclamé roi de la Syrie et du Hijaz.

Se fondant sur les principes de la déclaration du 20 mai 1919, une deuxième délégation fut envoyée par le conseil administratif du Mont-Liban présidée par Mgr Elias Howeik (22 août) qui demandait "la restitution au Liban de ses limites Historiques telles qu'elles ont été tracées par l'état-major français en 1860" et que le Liban soit placé sous mandat français. Bien qu'elle n'obtint pas une réponse définitive, une lettre fut adressée par le président du conseil français Georges Clémenceau au patriarche maronite répondant aux vœux des libanais concernait l'indépendance du Liban en collaboration avec la France. Transféré à San Remo, le Conseil de la Conférence attribuait à la France la région de la Syrie et du Liban (25 avril 1920).

Une troisième délégation libanaise présidée par un évêque maronite, Mgr Abdallah Khoury se rendit à Paris pour obtenir des engagements formulés par Georges Clémenceau dans sa lettre.

Le 19 mai 1920 Alexandre Millérand, le nouveau président du conseil et ministre des affaires étrangères, communiqua au président de la délégation libanaise la décision prise à San Remo le rassurant sur l'avenir d'un Etat libanais sous mandat français.

Entre-temps, les troupes françaises chassaient celles de Fayçal (24 juillet 1920) à Meissaloun mettant fin au Royaume uni. Le premier septembre 1920 le Général Gouraud, commandant des troupes françaises en Orient, proclamait l'Etat du Grand Liban.

 

L'organisation de l'Etat libanais

La déclaration du mandat (24 juillet 1922) fut l'outil principal de l'action de la France au Liban. Le mandat sur le Liban entra en vigueur le 29 septembre 1923. Un haut commissaire désigné par la puissance mandataire le représentait et exerçait en son nom les prérogatives du mandat. Il n'était responsable de ses actes que devant son gouvernement auquel était réservé (avec le droit de le nommer) celui de le révoquer. Il était assisté d'un grand nombre de fonctionnaires français et libanais qui étaient chargés de mettre en marche les institutions publiques. En outre une armée régulière était mise à la disposition du commissaire qui siégeait à Beyrouth.

Mais l'activité de la France n'avait pas attendu l'entrée officielle en vigueur de la déclaration du mandat dont le texte mentionnait pour la première fois le nom du Liban (l'accord de San Remo ayant attribué la Syrie à la France sans mentionner le nom "Liban").

Le 8 mars 1922 Robert de Caix (Haut Commissaire par intérim) promulguait un arrêté "portant création et organisant le fonctionnement du Conseil représentatif de l'Etat du Grand Liban". Le texte de cet arrêté prévoyait également la nomination par le haut commissaire d'un gouverneur pour le Liban "dépositaire du pouvoir exécutif dans l'Etat" et la création d'un "conseil administratif central" du moutassarifat élu au suffrage universel et dont l'objet est d'assister le gouvernement dans ses nombreuses tâches. Le Liban fut divisé en cinq grandes mohafazats chacune divisée à son tour en cazas. Ce régime demeure en vigueur jusqu'à nos jours.

 

La constitution de 1926

La déclaration du mandat prévoyait dans son article premier l'élaboration d'un statut organique "dans un délai de trois ans à dater de l'entrée en application du présent mandat". De plus, en réaction aux revendications nationales syriennes qui réclamaient l'indépendance, la France va octroyer au Liban une constitution. Une "commission du statut organique" composée de 13 membres fut élue par le conseil représentatif (10 décembre 1925) et assisté par un juriste français (Paul Souchier) qui avait pour tâche d'établir le texte du projet de constitution. Ce dernier était en consultation permanente avec Léon Duguit, doyen de la Faculté de Droit à Bordeaux ainsi qu'avec Michel Chiha et Moussa Nammour respectivement rapporteur et président de la commission. Le projet, fortement inspiré des lois constitutionnelles françaises de 1875, fut approuvé à l'unanimité le 23 mai 1926.

Immédiatement après la promulgation de la constitution le grec-orthodoxe Charles Debbas est élu à la présidence de la république (26 mai 1926). A l'expiration de son second mandat, en 1932, un musulman sunnite, Cheikh Mohammed Jisr, alors président de la Chambre, décide de poser sa candidature à la présidence de la république. En plus de l'appui des musulmans, cheikh Mohammed Jisr jouissait du soutien de certains députés chrétiens. Son élection semblait donc possible voire même certaine. A l'instigation du patriarche maronite Mgr Arida, la puissance mandataire intervient et suspend la constitution le 9 mai 1932.

Le 18 janvier 1932 un congrès groupant des représentants des communautés sunnites, chiites et druses se tient à Beyrouth et revendique pour les citoyens musulmans le droit d'accéder à la présidence de la république et la moitié des fonctions administratives.

 

Le traité franco-libanais de 1936

Des thèses vont s'opposer entre chrétiens attachés à leur indépendance et musulmans attachés à l'union avec la Syrie. Le patriarche maronite Mgr Arida convoque le 6 février 1936 des évêques et prélats de sa communauté, qui adopte à l'adresse du haut commissaire français une résolution dont les principaux points sont:

- Le maintien de l'entité libanaise dans ses frontières.

- L'indépendance effective du Liban et la reconnaissance de sa souveraineté nationale sans préjudice de la consolidation de ses rapports fraternels avec la Syrie sœur sur le plan notamment de la coopération économique et sociale.

- L'établissement d'une nouvelle constitution fondée sur l'indépendance réelle.

- La conclusion d'un traité avec la France.

Les musulmans libanais, de leur côté, expriment leurs revendications au "Congrès du Sahel" (octobre 1936 ) en publiant un manifeste qui définit comme suit leur position politique:

- La revendication de la souveraineté dans le cadre de l'unité syrienne, étape préliminaire en vue de l'unité arabe.

- L'adhésion au principe des négociations avec la France en vue d'un traité franco libanais qui devra préparer la voie à la réalisation de l'unité politique, économique et sociale de la Syrie. Ces revendications qui paraissent subversives aux chrétiens et dénuées de fermeté aux yeux d'un grand nombre de musulmans, sont refusées par le haut commissaire qui souligne l'engagement du gouvernement français de respecter l'indépendance du Liban dans ses frontières naturelles. Le dualisme dans la position libanaise n'empêche pas la négociation et la signature à Beyrouth à l'instigation du président libanais Emile Eddé, d'un traité franco libanais(13 novembre 1936).

Le traité, qui ne sera jamais en vigueur faute d'être ratifié par la France, comporte un volet militaire (acceptation par le Liban de la présence sur son territoire de troupes françaises) et un volet politique (une autonomie interne, des pouvoirs et des garanties accrues pour les autorités nationales mais dans le cadre du maintien du mandat français). Pour les chrétiens en général et les maronites en particulier, il apporte, du fait qu'il prévoit la présence de l'armée française, la garantie de la France en ce qui concerne le statut du Liban et frontières contre toute tentative de subversion ou de coup de force à l'intérieur ou de l'extérieur, à l'initiative des musulmans. En revanche l'islam accueille avec hostilité un traité qui ruine ses espoirs de retour à la "Syrie mère".

La constitution, rétablie en 1937, fut à nouveau suspendue en septembre 1939 à cause de l'éclatement de la Seconde Guerre Mondiale.

 

La vie économique sous mandat

Le développement économique du Liban à l'époque du mandat était considérable. La puissance mandataire contribua largement à cet essor qui se manifesta dans les domaines:

- des services et du commerce extérieur (création de zones franches, conclusion d'accords douaniers avec les Etats voisins, création des chambre de commerce, introduction du système métrique);

- monétaire (introduction de la monnaie unique: la livre libano-syrienne

- de l'industrie (disparition de l'industrie artisanale, due principalement à la compétition de produits étrangers, au profit de l'industrie manufacturière encouragée par la puissance mandataire qui instaura un protectionnisme douanier);

- de l'énergie électrique (construction d'usines électriques) et pétrolière(construction du pipe-line Kirkouk-Tripoli dont le quart appartenait à une société française);

- des transports aériens(construction des aéroports de Rayak et de Beyrouth), maritime (développement des ports de Beyrouth et de Tripoli), routier(2900 km de routes en 1939 contre 700 en 1920 en Syrie et au Liban) et ferroviaire (restauration et amélioration du système des chemins de fer);

- des télécommunications(création de la station Radio-Orient en 1922; introduction des lignes téléphoniques et du télégraphe);

- des services postaux( 411 bureaux de poste en 1939 contre 68 en 1919 en Syrie et au Liban;

- agricole (amélioration du système d'irrigation, création d'une régie de cadastre, extension de la surface cultivable).

 

L'INDEPENDANCE([5])

    Le 8 juin 1941, le jour même où les "forces de la France libre" attaquaient aux côtés des troupes britanniques, les troupes "vichystes" au Liban et en Syrie, des avions larguaient dans le ciel des deux pays un document écrit émanant du Général Catroux, commandant en chef, délégué général et plénipotentiaire de la France Libre au Levant, aux termes duquel il reconnaissait expressément leur indépendance. Le Général Catroux, occupa, à la suite de l'armistice de Saint-Jean D'acre (14 juillet 1941), le siège du Haut Commissariat à Beyrouth prenant possession de tous les postes de commande que détenaient ses prédécesseurs.

Dans l'intention de régler leur collaboration dans les pays du Levant et d'interpréter la convention d'armistice du 14 juillet 1941, de manière à prévenir entre elles les causes de friction, la France Libre représentée par le Général De Gaulle et la Grande-Bretagne représentée par le Capitaine Oliver Lyttleton se réunirent le 25 juillet 1941 au Caire.

L'accord qui en sortit fut interprété différemment par les Anglais (pour qui l'indépendance devait être immédiatement réalisée) et les Français (qui selon eux ne les engageaient que pour l'avenir). Cette ambiguïté dans les deux textes anglais et français de l'accord pesa lourd dans les rapports entre la France (soucieuse de garder ses privilèges au Levant et de ne pas laisser la lutte contre le colonialisme atteindre l'Afrique du Nord) et la Grande-Bretagne (qui, voulant chasser les miasmes de la propagande allemande et l'exécution de la déclaration B, cherchait l'appui des populations autochtones).

Ce conflit se transposa au Liban entre les représentants de la France (le général Catroux) et de la Grande-Bretagne(Sir Edward Spears).

Le 26 novembre 1941, le général Catroux confia à Alfred Naccache la présidence de la république et proclame, pour la deuxième fois, l'indépendance du Liban. Mais cette proclamation n'apporta aux Libanais ni le rétablissement de la constitution (suspendue depuis 1939)ni la réalisation de l'indépendance, tandis qu'il n'y avait qu'un président de la République nommé et que le parlement était dissous. Cette proclamation fut l'objet de gestes diplomatiques de la part de la Grande-Bretagne (message de félicitations du roi George VI le 27 décembre 1941 à Alfred Naccache) signifiant clairement qu'elle reconnaissait l'indépendance du Liban.

 

La réalisation de l'indépendance

L'opposition politique libanaise prit l'offensive. Pour la première fois depuis la formation du Grand Liban, le patriarche maronite Mgr Arida, revendiqua une indépendance sans réserves, conditions ou restrictions d'aucune sorte (25 décembre 1941). Dans les milieux politiques (parti chrétien des Kataëb, parti musulman des Najjadé, parti Destourien) le mouvement indépendantiste prenait corps. L'appui non dissimulé du Général Edward Spears constituait un facteur important de durcissement du ton de l'opposition. Toutefois, la France continuait à manifester d'autant plus ses réticences que l'unanimité était loin d'être faite au Liban, sinon sur les principes même de l'indépendance, du moins sur les moyens et la procédure à mettre en œuvre pour l'obtenir et sur la nature des futures relations franco-libanaises.

Le 28 août 1942, le général De Gaulle, de passage à Beyrouth, déclara, dans un discours prononcé au Cercle de l'Union Française, que la réalisation de l'indépendance du Liban et de la Syrie restait soumise à la France.

Le rétablissement de la constitution (mars 1943), la nomination de Ayoub Tabet à la tête de la Présidence de la République, l'organisation d'élections législatives(29 août-5 septembre 1943) portant à la chambre de députés une majorité d'élus appartenant au parti Destourien, l'élection de Béchara Khoury à la tête de la présidence de la république (qui affirma solennellement sa détermination à réaliser l'indépendance) et la nomination de Riyad Solh comme Premier ministre, précipitèrent l'indépendance effective du Liban.

Prenant appui sur les deux déclarations d'indépendance, le gouvernement adressa au délégué général de la France Libre Jean Helleu une lettre en date du 25 octobre 1943 aux termes de laquelle il lui demanda de transformer sa délégation en représentation diplomatique et de remettre aux autorités libanaises les administrations et services relevant des intérêts communs dont la France s'était jusqu'alors réservée la direction.

Le gouvernement de la France Libre refusa de remettre à l'Etat libanais les pouvoirs exercés jusque-là par la France ainsi que les services gérés par elle aussi longtemps qu'un règlement contractuel ne serait intervenu pour fixer les rapports franco-libanais.

Le 8 novembre 1943 la chambre des députés adopta à l'unanimité le projet de révision constitutionnelle élaboré par le gouvernement et qui élimine tout ce qui a rapport avec le mandat(modification des articles 1, 5, 11, 52 et 102; abrogation des articles 90, 91, 92, 93 et 94).

Le 11 novembre 1943 des agents appartenant à la Sûreté Générale prirent d'assaut le palais présidentiel ainsi que les demeures du chef de gouvernement et de certains ministres (Camille Chamoun et Philippe Takla) les emmenant vers le village de Rachaya dans la région de la Békaa, où il furent consignés dans une ancienne citadelle ottomane.

Par des arrêtés pris le même jour, Jean Helleu déclara illégale la révision constitutionnelle, nomma Emile Eddé, chef de l'Etat et suspendit la constitution.

Aux manifestations populaires vinrent s'ajouter l'activité diplomatique britannique qui, ne pouvant en aucun cas tolérer des troubles alors que la Guerre Mondiale se poursuivait, insista que l'avenir des relations entre la France et la Grande-Bretagne dépendrait du règlement de la crise libanaise.

Face aux pressions anglaises, le gouvernement français libéra les prisonniers (22 novembre 1943) date à laquelle les opérations nécessaires à la liquidation du régime du mandat commencèrent. La vérité oblige à dire que si le général De Gaulle désapprouva les mesures de Helleu il ne les désavoua pas ouvertement. Aussi décida-t-il d'envoyer Catroux sur le champs avec pour fonction de rétablir le fonctionnement régulier des institutions.

 

L'achèvement de l'indépendance

Le 20 décembre 1943 un accord avec les autorités mandataires concernant le transfert au gouvernement libanais les administrations dites "services d'intérêt public" est conclu.

Le 23 mars 1944, à la suite de multiples tractations, un accord est conclu aux termes duquel le gouvernement français s'engageait à retirer l'ensemble de se troupes du territoire libanais, au plus tard le 31 décembre 1946. de son côté le gouvernement libanais s'engageait à fournir au commandement français tous le concours nécessaire de la part des services de l'armée et de la gendarmerie pour assurer les bonnes conditions des opérations d'évacuation.

 

DE L'INDEPENDANCE A LA CRISE LIBANAISE([6])

Si les mandats des présidents Béchara Khoury (1943-1952) et Camille Chamoun (1952-1958) se caractérisent par l'effacement de la politique française au profit de la politique américaine, ceux du général Fouad Chéhab (1958-1964) et de Charles Hélou (1964-1970), qui coïncident avec le retour de Charles de Gaulle au pouvoir en France (1958-1969), vont connaître une reprise des relations entre la France et le Liban notamment dans les domaines économiques et culturels.

L'élection de Suleiman Frangié à la présidence de la république(août 1970) va d'autant plus perturber les relations entre les deux pays que la France, dans sa politique d'ouverture vers le monde arabe, va concevoir le Liban dans une nouvelle stratégie consistant à considérer l'importance du Liban à travers les pays arabes.

 

Effacement du rôle de la France (1946-1958)

Le second mandat de Béchara KHOURY(1948-1952) se caractérise par l'effacement des relations franco-libanaises au profit de l'ouverture du Liban vers les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, la libération de l'économie libanaise de tous les liens qui l'enserraient au temps du mandat et la réduction des échanges commerciaux entre les deux pays; la France venant après la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et la Syrie.

L'effacement des relations entre la France et le Liban va se perpétuer durant le mandat du président Chamoun (1952-1958) pour atteindre son paroxysme lors de la crise de 1958 puisque le Liban, pour la première fois, sollicitera l'aide d'une puissance autre que la France (en l'occurrence les Etats-Unis). En fait lors de son entretien avec le secrétaire d'Etat américain John Foster Dulles, le Général De Gaulle avait reçu la promesse que les Etats-Unis n'interviendraient pas au Liban sans l'aviser([7]). Dulles était contre une intervention française car selon lui la France était trop liée Israël et la Guerre d'Algérie; en d'autres termes, elle était l'ennemi des Arabes. Mais de Gaulle refuse cette argumentation: S'il y intervention, la France y prendra part que ça plaise ou non à ces alliés([8]). Dix jours après cet entretien les événements du Liban s'étendent à tous le Moyen-Orient: en Irak le général Abdel Karim Kassem renverse la monarchie et proclame la République. Le roi Fayçal, le régent Abdallah et le Premier ministre Noury Saïd sont assassinés. Pour protéger les régimes pro-occidentaux, 5.000 Marines de la VIème flotte américaine débarquent le 15 au Liban et des paras britanniques sont envoyées le 17 en Jordanie. De Gaulle n'a même pas été avisé de l'intervention. Il ne pourra que tenter de sauver la face en le Croiseur De Grasse en rade de Beyrouth([9]).

 

La Guerre d'Algérie et le développement des relations économiques

Un conflit va éclater entre les deux pays dans l'affaire algérienne. En effet en décembre 1960 les forces de l'air françaises interceptèrent un avion appartenant à la Compagnie libanaise TMA transportant des armes, destinées aux insurgés selon la France / au Maroc selon le Liban. En outre le Liban reconnaîtra non sans mal (à cause de l'opposition des chrétiens) le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne (GPRA) mais refusa toutefois, à la différence des autres pays arabes, d'interrompre ses relations avec la France.

Paradoxalement, la reconnaissance du GPRA semble avoir suscité plus de remous dans les rangs des Libanais eux-mêmes, qu'entre le Liban et la France, avec lequel le gouvernement ne cesse de renforcer sa coopération. Peu de temps après la reconnaissance du GPRA, il confiera à l'IRFED([10]), sur les directives du président de la République Fouad Chéhab, une étude sur les besoins et les possibilités de développement du Liban; elle débouchera sur le premier plan quinquennal (1964-1968) de développement intégré et harmonisé du Liban.

Ainsi au niveau économique les relations vont se développer de manière considérable. Ce qui se concrétisera par:

- Une convention entre les deux pays dans laquelle est réalisée la libanisation du port de Beyrouth mettant fin au litige opposant les deux pays.

- La conclusion d'un accord monétaire garantissant les avoirs libanais investis en Francs français contre toute dévaluation du Franc(juin 1959). En, outre, les actions des sociétés françaises opérant au Liban et détenues par des citoyens étaient exemptées de taxes et d'impôt en France.

- La construction par l'Electricité de France d'une usine hydro-électrique alimentée par le fleuve du Litani au pied du barrage Karaoun .

- La planification urbaine (plan Ecochard pour l'aménagement urbain de Beyrouth).

- L’achat par Air France de 20% du capital de la MEA qui signa à Paris un contrat pour l'achat de deux avions supersoniques.

- L’achat de 150 autobus de la société française Saviem Chausson pour le transport en commun.

L'impact du conflit israélo arabe

A partir des années 1960 les relations entre les deux pays vont aller en s'améliorant. D'aucuns pensent que la France, dans son rapprochement avec l'Egypte de Nasser et dans sa politique d'ouverture vers le monde arabe, va considérer le Liban comme la base de sa politique au Proche-Orient([11]).

La politique française au Liban avait trois objectifs principaux:

- Confirmer le Liban comme "centre de gravité" de l'influence française dans le Proche-Orient, face à Israël considérée comme étant la base naturelle des Etats-Unis et face à l'Egypte considérée comme étant la base des soviétiques dans la région.

- Orienter le Liban dans une région "active en gestation" dont De Gaulle prévoyait l'éclatement, alors que le problème du Proche Orient prenait de plus en plus d'importance et faire comprendre aux Etats bélligérants de la région que la France était la protectrice de ce pays.

- Poursuivre la reconstruction et la modernisation du Liban qu'elle avait déjà commencé avec Chéhab.

Lors de sa visite historique à Paris, le président de la République libanaise Charles Hélou avait trois projets à réaliser lors de sa visite en France (5 mai 1965):

- Pousser la France à jouer un rôle de catalyseur dans une région en vive tension, et où son pays en voie de développement "se veut à la fois membre actif de la ligue arabe et un trait d'union entre elle et le monde occidental".

- Inciter la France à poursuivre l'aide technique décidée lors de son mandat selon un plan quinquennal pour la modernisation du Liban.

- Demander au Général De Gaulle une aide militaire indispensable aux forces armées libanaises.

Les conversations franco-libanaises ont abouti à une aide militaire qui s'est manifestée notamment par:

- la livraison au Liban d'avions militaires (12 Mirages III E et 2 biplaces Mirages III B) équipés de missiles Matra.

- livraison par la France de missiles sol-air Crotales (septembre 1969).

- l'envoi d'une délégation militaire française à la suite du raid israélien sur l'AIB (28 décembre 1968 ).

A la nouvelle de ce raid israélien sur l'AIB le Général de Gaulle explose: "Des hélicoptères français pour détruire des caravelles fabriquées chez nous dans un pays qui est notre ami, tout ceci a été calculé"13. Pour lui, Israël, sous couleur de punir le Liban pour l'aide qu'il donne à la Résistance palestinienne, veut en réalité l'obliger à se distancer du monde arabe, au risque de briser son unité nationale. Il dépêche à Beyrouth Georges Gorse, ancien ministre de l'Information qui déclare: "En raison de la profonde amitié qui lie la France au Liban, la France ne resterait pas indifférente devant une menace contre lui"14. Et surtout De Gaulle décide, dès le 3 janvier 1969, d'appliquer à Israël l'embargo total sur les livraisons d'armements.

Parallèlement, sur le plan économique l'aide française s'est manifestée notamment par un protocole financier (14 novembre 1967) prévoyant l'octroi de crédits par la France au Liban d'un montant global de 126 millions de Francs (25 millions prêtés par le Trésor français et 101 millions par des sociétés privées françaises) et la construction d'un cable téléphonique sous-marin de 3200 Km reliant Beyrouth à Marseille.

 

Les scandales

Dans le contexte général de sa politique d'ouverture sur le monde arabe, la France voulait pousser à la présidence libanaise un candidat convenant d'une part à sa politique arabe d'ouverture et d'autre part à son groupe politique au Liban. L'élection de Soleiman Frangié (17 août 1970) à la tête de la présidence de la République face à son adversaire chéhabiste soutenu par la France Elias Sarkis influa considérablement sur les rapports entre les deux pays. En effet la politique libanaise va se caractériser par l'ouverture sur le monde occidental et non pas seulement sur la France.

Le début du mandat de Soleiman Frangié se caractérise par une série de scandales économiques et militaires entre les deux pays.

Au niveau économique le député Michel Murr va dénoncer trois "scandales" concernant de grandes entreprises françaises qui devaient perturber fortement les relations franco-libanaises (3 novembre 1970).

Le premier "scandale" concerne les travaux d'agrandissement de l'AIB entrepris par la société Batignole à un coût plus élevé qu'il n'aurait dû l'être .

Le deuxième "scandale" concerne les accords liant la société Radio Orient au Liban et qui aux dires du député Michel Murr n'était pas une concession mais une convention à caractère non exclusif.

Le troisième "scandale" concerne l'inutilité du câble sous-marin Beyrouth-Marseille (construit à un coût plus élevé qu'il dû l'être par une société mixte libano-française) du fait que le satellite Intelsa pouvait suffire à assurer l'acheminement des communications.

A ces "scandales" vont s'ajouter les décisions des ministre des Finances Elias Saba (augmentation des impôts sur les marchandises" de luxe" importées, dans les but de limiter l'importation) et de la Santé le Dr Salah Bitar (relatives à l'abaissement des prix des médicaments dans le but de faciliter leur achat poussant ainsi les commerçant libanais à acheter des médicaments d'autres pays). Ces décisions amenèrent les fournisseurs français (dans le but de maintenir le volume de leurs exportations au Liban et d'éloigner toute concurrence au Liban) à soutenir les commerçants libanais qui forcèrent les deux ministres précités à la démission.

Au niveau militaire le scandale de la Fusée "Crotale" (non livraison des missiles sol air Crotale achetées par le Liban aux sociétés françaises Thomson CSF et Matra dues aux irrégularités commises par les Libanais notamment par le commandant en chef de l'armée libanaise Emile Boustani qui, pour échapper à l'interrogatoire se réfugie à Damas) et l'accusation à juste titre par le président Chamoun et le président de la commission parlementaire de la défense Fouad Lahoud, du gouvernement d'avoir acheté des armes à la France démodées et inutilisables, va accroître la tension entre les deux pays nonobstant la visite du Premier ministre Saëb Salam à Paris (21 janvier 1972 et 25 mars 1973) et au cours de laquelle des discussions d'ordre politique (position de la France quant à la menace israélienne envers le Liban à la suite d'incursion des Fédayines en territoires israélien) et économique (équilibrer la balance commerciale entre les deux pays et participation française au plan de développement sexénnal, règlement des litiges économiques et financiers entre les deux pays) vont avoir lieu.

 

LA CRISE LIBANAISE([12])

La politique de stricte neutralité

La France adopte une position de stricte neutralité durant la première et deuxième phases de la crise (1975-1976 et 1978-1982) en raison de ses relations étroites avec le monde arabe et amicales avec le camp chrétien.

Cette politique se concrétisa par:

- l'envoi d'une médiation française (19 novembre 1975) formé par Maurice Couve de Murville, président de la commission des Affaires Etrangères de l'Assemblée Nationale et de Monsieur Georges Gorse. C'est grâce aux efforts entrepris par la médiation française qu'un accord est réalisé entre le président Frangié et le Premier ministre Rachid Karamé (29 novembre 1975) et que fut facilité la visite du chef des Kataëb Pierre Gamas à Damas (6 décembre 1975).

- la proposition d'envoyer "5000 soldats français" au Liban pour régler la crise (déclaration du président Valéry Giscard D'Estaing le 20 mai 1976). Mais le projet français était refusé à la fois par la légalité libanaise (qui voulait l'approbation préalable de toutes les parties en conflit), le camp chrétien (en raison de son alliance avec la Syrie) et les palestino-progressistes (qui voyaient dans le projet une ingérence dans les affaires arabes et du pays).

Durant la bataille d'octobre 1978 opposant les Syriens de la Force Arabe de Dissuasion (F.A.D.) et les chrétiens des Forces Libanaises (F.L), la France propose par la voie de son ministre des affaires étrangères, Louis de Guirangaud, un redéploiement de la F.A.D. et la mise en place d'une force tampon entre la F.A.D. et les milices chrétiennes. Cette force tampon serait constituée d'éléments chrétiens et musulmans de l'armée libanaise et placée sous un commandement mixte libano-syrien (3 octobre).

Le lendemain, Washington et Londres annoncent leur soutien à la proposition française. Mais Damas la rejette rappelant que la F.A.D. est au Liban conformément à la volonté des autorités légales de ce pays et qu'elle ne s'en retirera qu'à leur demande. Le président Valéry Giscard D'Estaing indique que la tenue d'une conférence des pays participant aux effectifs et au financement de la F.A.D. est à l'étude (5 octobre). Louis de Guiringaud rend les F.L. responsables des actes de violence à Beyrouth (16 octobre).

Durant la crise de Zahlé (2 avril -30 juin 1981 ) le président Giscard D'estaing délègue Louis de Guiraingaud à Damas (4 avril 1981) et Hubert argod à Beyrouth (7-8 avril).

La France annonce qu'elle "envisagerait favorablement la constitution d'une force d'interposition internationale (...) dans le cadre de l'O.N.U. (...) si les autorités libanaises en font la demande".

Le Quai d'Orsay définit le champ d'action de la France au Liban (13 avril) et annonce qu'il va "provoquer des consultations" à l'O.N.U. avec un "objectif précis": l'envoi d'un "représentant spécial" chargé d'une mission d'information et de bons offices. Le communiqué précise que cette démarche est fondé sur un "principe central", à savoir que "le retour à la paix (...) ne peut se faire qu'autour des autorités légitimes (libanaises)" représentées par "le président, le gouvernement et l'armée". L'initiative française reste cependant sans suite, le gouvernement libanais ne pouvant, sans indisposer Damas, agréer l'internationalisation de la crise. Damas accuse Paris de "provocation délibérée de la Syrie" et "d'ingérence dans les affaires intérieures libanaises" (13 avril).

C'est dans ce contexte que l'ambassadeur de France au Liban, Louis Delamare est assassiné (4 septembre 1981).

Sur le plan humanitaire la France dépêche un avion hôpital qui transporte des blessés graves évacués de la ville de Zahlé (10 avril).

Sur le plan militaire la France participe à la Force Intérimaire des Nations Unies au Liban (F.I.N.U.L.) formée à la suite de l'invasion israélienne du Liban sud (mars 1978).

L'invasion israélienne du 6 juin 1982

La France condamne par la voie de son ministre des affaires étrangères Claude Cheysson l'invasion israélienne du 6 juin 1982 (8 juin) et envoie à Beyrouth l'émissaire Francis Gutman (15 juin) qui rencontre les dirigeants libanais et de l'O.L.P. (Hani Hassan).

Face à l'escalade militaire et à la menace d'occupation israélienne de Beyrouth-Ouest, la France décide de saisir le conseil de sécurité d'un projet de résolution concernant la crise libanaise.

Le projet, qui prévoit notamment "le retrait immédiat des forces israéliennes à une distance de 10 km. de Beyrouth (...) le repli simultané des forces palestinienne dans les camps", est favorablement accueilli par les Palestinien mais violemment rejeté par les Israéliens.

Soumis au conseil de sécurité, il est bloqué par un veto américain (26 juin). Estimant que le "règlement du problème libanais doit aider à promouvoir l'amorce d'un processus pour le rétablissement d'une paix stable dans la région", la France et l'Egypte informent le Conseil de Sécurité d'une initiative dépassant le strict cadre de la situation libanaise pour englober la crise du Proche-Orient (2 juillet). Le plan franco-égyptien reprend, dans son volet libanais, les grandes lignes du projet français présenté le 26 juin, et préconise, dans son volet régional, un complément à la résolution 242 du Conseil de Sécurité affirmant le droit légitime du peuple palestinien à l'autodétermination.

Ce plan est présenté au Conseil de Sécurité (27 juillet) sans toutefois être soumis au vote pour éviter un nouveau veto américain.

Parallèlement aux démarches devant l'O.N.U., la France poursuit ses contacts dans la région: Gutman et un second émissaire, Bruno Delaye, se rendent en Israël (2 juillet), au Liban (3 juillet) où ils rencontrent Arafat et Hani Hassan, en Syrie (4 juillet), en Jordanie (5 juillet) et en Arabie Saoudite ( 6 juillet).

Après cette tournée, qui intervient alors que les négociations conduites par l'émissaire américains Philip Habib s'orientent vers la formation d'une Force Multinationale d'Interposition (F.M.I.) qui superviserait l'évacuation des Palestiniens de "Beyrouth-Ouest", la France donne son accord pour participer à la F.M.I. (10 juillet), quatre jours après que les Etats-Unis aient annoncé qu'ils contribueraient à la constitution de cette force nonobstant les réticences israéliennes au déploiement des troupes françaises.

L'opération d'évacuation débute le 21 août au port de Beyrouth où les premiers éléments de la F.M.I. ont débarqué à l'aube et se poursuit jusqu'au premier septembre.

Le retrait de la F.M.I. commence prématurément et sans explication par le départ des marines américains (10 septembre) et s'achève par celui du contingent français(13 septembre).

Après l'assassinat du président élu Béchir Gemayel (14 septembre), immédiatement suivi de l'occupation israélienne de Beyrouth-Ouest (dans la nuit du 14 au 15 septembre) et du massacre des camps palestiniens de Sabra et Chatila (16 septembre), Cheysson effectue une visite éclair au Liban (16 septembre).

Evitant de se prononcer sur l'avance israélienne, il se contente d'exprimer " le témoignage de solidarité de la France avec le Liban à nouveau cruellement éprouvé".

Le lendemain, le chef de la diplomatie française "dénonce et condamne" l'occupation israélienne de Beyrouth-Ouest et souligne que son pays "juge indispensable" le retrait immédiat des forces israéliennes de Beyrouth -Ouest. La découverte des charniers dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila (18 septembre) où près de 1500 civils palestiniens et libanais ont été massacrés provoque une réaction particulièrement vive en France.

 

La Force Multinationale([13]).

Le retrait de la F. M. I. à la suite de l'évacuation des combattants palestiniens de Beyrouth-Ouest (14 septembre), l'assassinat du président élu Béchir Gemayel (14 septembre) et le massacre perpétré contre les civils palestiniens (et Libanais) des camps des réfugiés de Sabra et Chatila dans la Banlieue sud de la capitale (15-16 septembre) par des élément de la milice chrétienne des Forces Libanaises venus venger la mort de leur chef (Béchir Gemayel), va conduire le gouvernement libanais à demander officiellement l'intervention d'une F. M. (20 septembre). Le lendemain les trois pays ayant constitué la F. M. I. acceptent de participer à la "Force Multinationale de Sécurité de Beyrouth" (F. M. S. B.) plus connue sous le terme de " Force Multinationale "(F.M.) dont le rôle serait "d'aider le gouvernement libanais à rétablir son pouvoir sur l'ensemble de la capitale et à assurer la sécurité de la population de Beyrouth-Ouest et de sa banlieue".

Le contingent français est le premier à se déployer (24 septembre) alors que le repli israélien (22-29 septembre) n'était pas encore achevé. Il installe son Q. G. à la "Résidence des Pins" (demeure de l'Ambassade de France à Beyrouth) et prend position dans la quasi-totalité de Beyrouth:

- A l'est (axe Tabaris-tour Rizk- Sodeco- Ras el Nabeh- Musée).

- A l'ouest (de l'ambassade de France à l'entrée est des camps de Sabra et Chatila).

Toutefois, la France qui, dans cette politique d'intervention, suit celle des Etats-Unis, voit ses intérêts au Liban d'autant plus menacés que, pour la première fois est nommé au Liban un ministre des Affaires étrangères anglophone (Elie Salem).

Si les activités de l'armée française était importantes que ce soit au niveau du déminage du centre ville de Beyrouth ou à celui de l'entraînement de l'armée libanaise, cette réalité doit être nuancée si on les compare avec celles de l'armée américaine.

La conclusion de l'accord israélo-libanais du 17 mai 1983 parrainé par les Etats-Unis, modifie radicalement la situation de la F. M. agréée jusque là nonobstant les attentats perpétré à son encontre dans l'ensemble du Grand Beyrouth qui constitue son champ d'action. En effet, la F. M. va être désormais contestée puis combattue par l'opposition libanaise liée à Damas.

Durant la "Guerre de la Montagne" opposant les Druses du parti Socialiste Progressiste aux Chrétiens des Forces Libanaises (septembre 1983) les F. M. participent de manière limitée (bombardements navals et raids aériens) pour riposter contre le bombardement de ses positions et masse ses navires au large de Beyrouth.

Concernant le contingent français, 4 super-étendards des forces de l'air française détruisent les batteries d'artillerie dans le Haut-Metn (en territoire libanais sous contrôle syrien), après que 4 soldats français eurent été blessés dans le bombardement de leurs positions à "Beyrouth-Ouest".

Les attentats et attaques contre la F. M. vont se perpétuer pour atteindre leur paroxysme le 23 octobre: un double attentat au camion suicide détruit simultanément le Q. G. du contingent américain à l'aéroport de Beyrouth (241 tués et 112 blessés) et le poste de Drakkar du contingent français à Beyrouth-ouest (58 tués et 15 blessés). La première réaction des Etats-Unis et de la France est de proclamer leur détermination à maintenir leurs forces au Liban. Le président français François Mitterrand se rend sur les lieux le lendemain de l'attentat et y déclare l'affirmation de la présence française au Liban et "sa volonté de faire face au terrorisme aveugle". En guise de représailles l'aviation française lance un raid près de Baalbeck mené par 8 Super Etendards (17 novembre) mais qui devait être très controversé. Selon le ministre de la Défense, Charles Hernu, la cible, dûment touchée, est une caserne de miliciens iraniens et pro iraniens. Mais la presse libanaise, photos à l'appui montre que celle-ci n'a été qu'éraflée et que le raid n'aurait fait qu'un mort (un berger) et deux blessés. Des journaux français avancent la thèse du raid de semonce.

Le harcèlement continu de la F. M. va obliger celle-ci à se retrancher à l'intérieur de sa position puis se retirer. Mais ce n'est qu'au lendemain de la "bataille de Beyrouth " (6 février 1984 : occupation de Beyrouth-Ouest par les forces islamistes de l'opposition) que la décision du retrait est prise par les gouvernements respectifs de la F.M.

Premier arrivé dernier parti le contingent français est maintenu par son gouvernement jusqu'au 31 mars, dans l'espoir qu'une force de paix de l'ONU. remplace la F. M.: le chef de la milice chiite d'Amal, Nabih BERRY l'avait proposé mais les temps ont changé et la démarche se heurte à un veto soviétique du conseil de sécurité.

Dans cette ultime phase, particulièrement en mars 1984 alors qu'il se trouve seul sur place et qu'il est clair que la F. M. appartient au passé, un modus vivendi s'établit entre Paris et le camp des vainqueurs en secteur musulman après que le président Mitterrand eut déclaré que "le contingent français de la F. M. n'est pas là pour empêcher la guerre civile" (8 février) et que "les forces de Nabih Berry se sont comportées avec un grand sens des responsabilités" et invité Berry à Paris (16 février).

La neutralité de la France est saluée par l'opposition et son contingent mieux toléré, ce qui n'empêche pas des attentats du "Jihad Islamique" qui ne font pas toutefois de victimes.

Le contingent français participe durant l'ultime mois de sa mission à la réouverture d'une voie de passage entre les deux secteurs de Beyrouth. Un groupe d'observateurs français (40 au départ, puis 80) lui succède (31 mars) pour surveiller le cessez le feu. Sans subir le même harcèlement que la F. M., il devait perdre 7morts et 5 blessés avant de se retirer (3 avril 1986).

Durant son séjour au Liban (544 jours) le contingent français de la F.M. a subi 27 attaques. Le bilan des victimes s'élève à 77 morts et 74 blessés.

 

Les otages français([14])

Le rapt d'otage français à Beyrouth-Ouest commence en 1985 (un an après les Américains). Le premier enlèvement est celui dont sont victimes le même jour, le 22 mars, mais en deux endroits différents, deux diplomates français: Marcel Fontaine et Marcel Carton, ce dernier en même temps que sa fille Danièle Perez, qui sera quant à elle relâchée le 31 mars. Deux mois plus tard (22 mai), le chercheur Michel Seurat et le journaliste Jean-Paul Kauffmann sont enlevés sur la route de l'aéroport. Les quatre hommes se retrouvent entre les mains du Jihad islamique.

Les exigences initiales du Jihad islamique à l'adresse de la France portent sur:

- l'arrêt de l'aide militaire française à l'Irak dans sa guerre contre l'Iran;

- le remboursement d'un prêt d'un milliard de Dollars contracté par le consortium nucléaire européen EURODIF et garanti par la France;

- la libération d'Anis Naccache, condamné à la détention à vie en France avec 4 de ses complices pour tentative d'assassinat de l'ancien Premier ministre iranien, Chahpour Bakhtiar. Bien que souvent réclamée par le Jihad dans des communiqués relatifs aux otages français, la libération de 17 détenus au Koweit semble plutôt liée à l'affaire des otages américains.

L'expulsion de France vers l'Irak de deux opposants irakiens idéologiquement rattachés à l'Iran (19 février 1986) va déclencher la première crise liée aux otages français; crise aggravée par un rapport d'Amnesty International faisant état de la liquidation probable de l'un de ces deux hommes. (28 février).

A la même époque, deux autres rapts de Français connaissent relativement un dénouement heureux:

- enlevé le 23 mars à Beyrouth par les F. A. R. L. (Fractions Armées Révolutionnaires Libanaises) qui réclament la libération de leur chef présumé, le Libanais Georges Ibrahim Abdallah, détenu en France, Gilles Peyrolles, directeur du Centre Culturel Français de Tripoli, sera relâché au bout de dix jours.

- Enlevé le 27 juin, le photographe français d'origine iranienne Alfred Yaghozadeh reparaît le 18 août sans que son enlèvement ait été revendiqué.

Affirmant d'une part qu'en livrant les opposants aux autorités irakiennes le gouvernement français "commet une complicité de crime" et, d'autre part, que le chercheur Michel Seurat "fournissait aux services de renseignements français des études et des analyses sur le Proche-Orient et les mouvements islamiques au Liban", le Jihad islamique annonce l'exécution de Seurat (5 mars). L'organisation menace d'exécuter un des diplomates français qu'elle détient (8 mars). Ce même jour l'équipe D'antenne 2 est interceptée et enlevée alors qu'elle revenait de la banlieue sud de Beyrouth. Le premier communiqué relatif à cette nouvelle affaire d'otages est diffusé le lendemain au nom du jihad islamique mais le 10 mars cette organisation nie y être mêlée et menace ceux qui utilisent abusivement son nom. L'OJR (Organisation de la Justice révolutionnaire) annonce alors le 14 mars, détenir l'équipe d'Antenne 2. Ce qui n'empêche pas le Jihad d'accentuer sa pression sur la France pour régler l'affaire des opposants irakiens, lançant à cet effet un ultimatum d'une semaine expirant le jour des législatives françaises. Réagissant ensuite aux doutes émis quant à l'authenticité de la mort de Seurat du fait que son corps n'a pas été retrouvé et aussi en raison du traitement de faveur réservé au chercheur (il avait été autorisé à se rendre auprès de sa famille le 30 août 1985), le Jihad islamique diffuse des clichés censés prouver la mort de Seurat (10 mars). Ils sont considérés comme "peu concluants" et ce n'est que deux ans plus tard que cette mort sera confirmée par le compagnon de détention de Seurat , Kaufmann à sa libération (4 mai 1988).Ce dernier révélera en outre que Seurat est mort de maladie à la mi-janvier 1986.

Parallèlement, Bagdad assure que les deux opposants irakiens sont vivants (7 mars) puis, cédant aux pressions de Paris, annonce leur amnistie (12 mars). Ce qui met un terme aux menaces du Jihad contre les otages qu'il détient. L'organisation revient toutefois à la charge pour réclamer le retour en France de deux opposants (cassette vidéo de Jean-Paul Kaufmann du 2 septembre ). Elle obtient gain et cause (26 septembre) après de nouvelles interventions françaises de l'Irak.

L'OJR revendique ensuite (23 septembre 1986) le rapt de Marcel Coudari, intervenu en février de la même année. Bien que l'enlèvement de l'octogénaire Camille Sontaq (9 mai 1986) soit revendiqué par les Forces unifiées de la justice (29 août) et que celui du journaliste Roger Auque (13 janvier 1987) ne soit pas revendiqué, ils seront tous deux relâchés par l'OJR. Celle-ci menace d'exécuter Normnandin dans les 48 heures (12 mars 1987) suite à une déclaration de Mitterrand refusant l'échange d'un "criminel" (Anis Naccache) contre des "innocents" (les otages), et assurant que "la France maintiendra son aide militaire à l'Irak sans pour autant être l'ennemi de l'Iran". Après l'annonce d'un sursis de 48 heures (le 14) puis d'une semaine (le 17), l'affaire se tasse grâce à l'intervention de Cheikh Mohammed Hussein Fadlallah, guide spirituel du Hezbollah, et de Mgr Hilarion Capucci, évêque en poste à Jérusalem, proche des Palestiniens.

Etroitement lié à l'évolution des tractations menées par la France avec l'Iran et, dans une moindre mesure avec la Syrie, le calendrier des libérations est le suivant:

- Rochot et Hansen (20 juin 1986) sont relâchés à Beyrouth-Ouest mais sont emmenés à Damas avant d'être remis aux autorités française et de regagner Paris. La France remercie la Syrie, l'Algérie et l'Iran pour leur coopération. Cette libération avait été précédée par:

* une visite à Paris (20-23 mai) du vice-Premier ministre iranien, Ali Reza Moaeri, qui se solde par un accord-cadre sur le règlement du contentieux financier franco-iranien relatif à la dette d'Eurodif;

* le "départ volontaire" de France ou il vivait en exil depuis 1981, en Irak (7 juin) de Massoud Rajaoui, chef des Moujahidine du peuple (opposition au régime iranien), dont l'expulsion était réclamée par Téhéran.

- Coudari et Sontag (10 novembre 1986): même processus de libération que dans le cas précédent. Cette fois, la France remercie la Syrie, l'Arabie Saoudite et l'Algérie. Cette libération intervient:

* quelques heures après une réunion de la CEE à Londres au cours de laquelle la France adopte une position modérée, ce qui se traduit par des mesures "minimum" à l'encontre de la Syrie , alors en conflit avec la Grande- Bretagne.

* une semaine avant la signature d'un accord franco-iranien sur le paiement de 300 millions de $ à l'Iran dans le cadre de la dette d'Eurodif (17 novembre)

- Cornea (24 novembre 1986), libéré à Beyrouth-Ouest, est emmené à Beyrouth-Est (secteur chrétien) et de là à Paris sans passer par Damas. La France remercie l'Algérie, les Palestiniens, la Syrie et le Liban. Cette libération, qui se produit au lendemain de la reprise à Téhéran des négociations franco-iraniennes sur le solde de la dette d'Eurodif, suscite une vive déception à Paris : le chef de la diplomatie française, Jean-Bernard Raimond, souligne clairement que "la France attendait mieux de l'Iran" (7 janvier 1987).

- Normandin et Auque (27 novembre 1987), également libérés à Beyrouth-Ouest, y sont récupérés par des fonctionnaires de l'ambassade de France. La France remercie la Syrie et son Premier ministre, Chirac, affirme que cette libération "fait progresser la France sur la voie du règlement des contentieux avec l'Iran". Effectivement, 48 heures plus tard, Wahid Gordji, rattaché à l'ambassade d'Iran, quitte Paris. Simultanément le diplomate français Paul Torry bloqué à Téhéran regagne son pays. Ce qui met fin à la "guerre des ambassades" déclenchée entre Paris et Téhéran suite au refus de Gordji de comparaître pour interrogatoire devant la justice française dans le cadre des enquêtes sur les attentats perpétrés à Paris en 1986, refus qui entraîne la rupture par la France de ses relations diplomatiques avec l'Iran (17 juillet 1987) et un siège imposé aux ambassades des deux pays. Le Quai d'Orsay révèle alors (1er décembre) que le " règlement final " du contentieux d'Eurodif "pourrait intervenir rapidement " et la presse annonce " un nouveau paiement de 330 millions de dollars à l'Iran; mais ce pays évalue désormais la dette française non plus à un mais à 2 milliards de dollars en raison des intérêts.

 

La France et l'épopée du Général Aoun

Le 23 septembre 1988 est formé un cabinet militaire présidé par le commandant en chef de l'armée le général Michel Aoun qui serait chargé de préparer les élections présidentielles. Le 14 mars, au cours d'une conférence de presse, Aoun se déchaîne contre la Syrie et proclame le début de la bataille de la libération. C'est surtout l'opinion publique française qui soutient l'action du Général Aoun contre la Syrie. Ceci s'illustre surtout le 4 avril lorsque, au cours d'une cérémonie émouvante à l'ambassade du Liban à Paris, 862 français demandent la nationalité libanaise. Par la suite la France, par le biais de son secrétaire général au Quai d'Orsay, tenta d'intégrer Michel Aoun dans le processus de réconciliation nationale de Taef. Le 13 octobre1990 une opération éclair de l'armée libanaise soutenue par l'armée syrienne contre le fief du général Aoun, oblige ce dernier à capituler " pour éviter un bain de sang " et trouver refuge à l'ambassade de France. La France lui accordera l'Asile Politique par la bouche de son ministre des Affaires Etrangères Roland Dumas. Et le 29 août 1991le général Aoun et les ministres Edgard Maalouf et Issam Abou Jamra quittent l'ambassade de France. Un sous-marin les attend à Dbayé pour les transporter d'abord à Chypre et ensuite à Marseille.

PERIODE ACTUELLE (1991-2001)([15])

Le rôle de la France dans la reconstruction du pays va être déterminant. Tout aussi important va être son rôle dans le conflit israélo libanais.

 

La reconstruction du Pays

Le rôle de la France dans la reconstruction du pays se manifeste notamment par:

- Le déblocage de l'aide (45 millions de Francs) pour la reconstruction du Liban. (19 septembre 1991)

- Un accord entre l'Eléctricite de France (EDF) et l'Eléctricite du Liban (EDL) pour la reconstruction de réseaux électrique.

- Un contrat de 100 millions de dollars avec France Télécom: réparations, installations de 800 nouvelles lignes, centrale souterraine (4 octobre 1991)

- La signature, le 4 décembre 1992, par le président du Conseil du Développement et de la Reconstruction (CDR) d'un accord de prêt (85 millions de francs dont une grande partie pour les réseaux téléphoniques et électriques)

- Un prêt français à faible intérêt de 65 million de Francs et un don de 10 millions de francs (26 juillet 1992 lors de la visite du Premier ministre Rachid Solh à Paris)

- Un accord entre le CDR et la société française Sofretu pour l'amélioration des transports. (5 février 1994)

- Un contrat avec le groupe français Alcatel pour la modernisation et l'extension du réseau de télécommunication. (23 avril 1994)

- Une convention avec France-Télécom pour l'installation de 3000 lignes téléphoniques cellulaire (2 juillet 1994)

- Une assistance technique de la bourse de Paris à la bourse de Beyrouth. (24 février 1995)

- Un accord de 60 millions de dollars avec la société Gec-Alsthom: construction de deux usines pour la production d'énergie électrique à Tyr et Baalbeck (16 mai 1995)

- La Signature à paris d'un Protocole financier de 306 millions de dollars pour financer divers projets d'infrastructure: électricité, traitement de l'eau potable et des déchets, réforme de l'administration, rénovation de la bourse de Beyrouth. (12 juillet 1995)

- La signature d'une série de contrats entre l'EDF et le CDR: réhabilitation du secteur électrique et accroissement de la capacité de production. (Premier septembre 1995)

Au niveau culturel, le soutien français se manifesta notamment par:

- Une visite à Beyrouth de secrétaire générale à la Francophonie C. Tasca: signature de 3 accords dans le domaine audio visuel. (27 janvier 1993)

- L'attribution du Prix Concourt à l'écrivain libanais Amine Maalouf pour son livre Le rocher de Tanios (8 novembre 1993)

- Une visite du ministre de la Culture Jacques Toubon : aide à la reconstruction de la Bibliothèque Nationale et création d'une cinémathèque. (28 avril 1994)

- Une visite du ministre français de l'Enseignement supérieur et de la Recherche François Fillon: Coopération scientifique et universitaire; prêt de 9,75 millions de francs pour l'équipement de 9 instituts techniques; inauguration de 5 laboratoires équipés par la France. (7 juillet 1994)

- L'attribution par l'Académie française du Grand prix de la Francophonie (80 000 dollars) au diplomate libanais et écrivain Salah Steitié. (20 octobre 1995)

- La signature d'une convention de coopération entre l'Université Libanaise et le centre Pompidou (6 octobre 1997)

- Ouverture par la Mission laïque française d'un Lycée français à Nabatiyé (30 décembre 1997)

Au niveau politique la France va lancer par la voix de ses dirigeants un appel aux chrétiens pour qu'ils réintègrent dans la vie politique libanaise. Ceci s'est manifesté surtout lors de la visite historique du président français Jacques Chirac au Liban (4 -6 avril 1996). Chirac va prononcer un discours devant le parlement libanais dans lequel il appelle les Libanais à retourner au pays et y investir, à se réconcilier et à participer aux élections parlementaires. Il soutiendra l'application de la résolution 425 du Conseil des Sécurité relative au retrait israélien du Liban.

 

La France dans le conflit israélo-libanais

La France a toujours soutenu l 'application de la résolution 425 du conseil de Sécurité. Et lorsque Israël par la voix de son Premier ministre Benjamin Netanyahu accepta ladite résolution assortie de conditions (assurer la sécurité de ses frontières), le ministre français des Affaires étrangères Hubert Vedrine affirma que la résolution 425 doit être appliquée sans condition et sans délai. (10 janvier 1998).

La France joua un rôle déterminant dans l'arrangement d'avril 1996 entre le Hizbollah et Israël. Cet arrangement écrit non signé annoncé simultanément par le ministre français des Affaires étrangères Hervé de Charrette et Rafic Hariri à Beyrouth et le secrétaire d'Etat américain Warren Christopher et le Premier ministre israélien Shimon Perez à Jérusalem, stipule dans son point 2 que "Israël et ceux qui coopèrent avec lui ne procéderont pas à des tirs avec aucun type d'armement contre des civils ou des objectifs du Liban"; et le point 3 énonce que "les deux parties s'engagent à faire en sorte qu'en aucune circonstance des civils ne soient la cible d'attaques et que les zones habitées par des civils et les installations industrielles ne soient pas utilisés comme point de lancement des attaques". L'accord d'avril avait également reconnu de facto le droit de la résistance à poursuivre ses actions contre des objectifs militaires. Un comité de Surveillance composé de cinq membres (Etats-Unis, France, Israël, Liban et Syrie) chargé de contrôler le cessez-le-feu siégera à Nakoura. La France et les Etats-Unis se succéderont tous les cinq mois à la présidence du comité. Outre sa participation au règlement du conflit, la France envoie deux avions d'aides humanitaires et une mission de dix experts d'EDF pour évaluer les dégâts subis par les centrales électriques.

 

La gaffe de Jospin

Le 8 février 2000, Israël violait l'arrangement d'avril lorsque son aviation lança une série d'attaques contre des objectifs civils. Le Premier ministre français Lionel Jospin qualifia les attaques du Hezbollah contre les soldats israélien (stationnées au Liban) de terroristes et affirma à tort que "les répliques israélienne, et que nous pouvons comprendre, frappent aussi peu que possible les populations civiles". Les déclarations de Jospin ont soulevé une vague d'indignation au Liban et dans le monde arabe. L'ensemble de la presse et des partis libanais toutes tendances confondues ont condamné ces propos, d'autant que le Hizbollah s'est contenté de viser des soldats sur le territoire libanais et n'a pas bombardé le nord d'Israël. Finalement, après les explications entre le présidents Chirac et son Premier ministre, la France a proclamé que sa politique dans la région n'avait pas changé. C'est-à-dire une politique qui ne mette pas sur un même plan l'occupant et l'occupé. En effet en 1967 De Gaulle condamna l'occupation: "Israël organise sur les territoires qu'il a pris, l'occupation qui ne peut aller sans oppression, répression et expulsions; et s'il s'y manifeste contre lui une résistance qu'à son tour il qualifie de terrorisme"([16]).

 

CONCLUSION

Le Liban fait partie du monde arabe, c'est-à-dire d'une région proche des frontières de l'Europe et dont l'importance est vitale pour la sécurité de la Méditerranée. Pour cette raison, les relations entre les deux pays, au-delà des sentiments affectifs entre les deux peuples, sont dictées par des considérations d'ordre économiques t politiques et stratégiques. Et quelle que soit la politique adoptée par la France vis à vis du Liban, il faut toujours concevoir ces relations dans le cadre des intérêts français au Moyen-Orient. Ainsi, et à titre d'exemple, on a vu que le mandat français était dicté surtout par des intérêts stratégiques, le rapprochement de la France avec le Liban durant les années 1960 coïncidait avec l'amélioration des relations avec les Etats arabes, et l'enlèvement des Français durant la crise libanaise avait une dimensions régionale.

 

[1] Michel CHEHDAN KALIFE, Les relations entre la France et le Liban. 1958-1978, Paris, PUF, 1983, p. 19

[2] Dans cette partie nous nous sommes inspirés des ouvrages suivant: Dominique CHEVALLIER, La société du Mont Liban à l'époque de la Révolution industrielle Europe, Paris, Geuthner, 1972; Antoine KHAIR, Le Moutaçarrifat du Mont-Liban, Beyrouth, Université Libanaise, 1973; Boutros LABAKI, Introduction à l'histoire économiqe du Liban, Beyrouth, Université Libanaise, 1984 ; Paul NOUJAIM, La question du Liban, Paris, Librairie nouvelle de Droit et de Jurisprudence. Arthur Rousseau, 1908; John P. Spagnolo, France and Ottoman Lebanon, London, Ithaca Press, 1977; Toufic TOUMA, Paysans et Institutions féodales chez les Druses et Maronites du Liban, 2 tomes, Beyrouth, Université Libanaise, 1971. Sur les liens entre la Frane et les maronites, lire l'article de Joseph MOUAWAD, "The image of France in Maronite Lebanon", Beirut Review, N° 4, Fall ,1992, pp. 85-95.

[3] Dans cette partie nous nous sommes inspirés des ouvrages suivants: Denise AMMOUN, Histoire du Liban Contemporain, Paris, Fayard 1997; Gérard D. Khoury, La France et l'Orient arabe. Naissance du Liban moderne 1914 -1920, Paris, Armand Colin, 1993; Stephen Hemsley LONGRIGG, Syria and Lebanon under French Mandate, London, Oxford Unviersity Press, 1958; René O'ZOUX, Les Etats du Levant sous mandat français, Paris, Librairie Larose, 1931; Edmond RABBATH, La formation historique du Liban politique et constitutionnel, 2e édition, Beyrouth, Université Libanaise, 1986

[4] Samir KASSIR et Farouk MARDAM-BEY, Itinéraire de Paris à Jérusalem, 2 tomes, Paris, Les livres de la Revue d'Etudes palestiniennes, 1993, T. 1, p. 47

[5] Dans cette partie nous nous sommes inspirés des ouvrages suivants: Denise AMMOUN, op.cit; Edmond RABBATH, op.cit; Ghassan TUENI, Kitab Al Istiqlal, Beyrouth, Dar el Nahar, 1998.

[6] Dans cette partie nous nous sommes inspirés des ouvrages suivants: Camille CHAMOUN, Crise au Moyen-Orient, Paris, Gallimard, 1963; Michel CHEHDAN KALIFE, op. cit.; Roger GEAHCHAN, Hussein Aoueini. Un demi-siècle d'histoire du Liban et du Moyen-Orient, Beyrouth, FMA, 2000; Roland PRINGUEY, Quarante ans de vie au Liban, Beyrouth, FMA, 1996; Edmond RABBATH, op.cit.

[7] Jean LACOUTOURE, De Gaulle, 3 tomes, Paris, Point, tome 2,Le Politique, p.632

[8] Ibid., p. 633

[9] Ibid., p. 634

[10] Institut international de recherches et de formation en vue du développement , basé à Paris et dirigé par l'abbé Lebret.

[11] Michel CHEHDAN KALIFE, op. cit. , p. 26

[12] Dans cette partie nous nous sommes surtout inspirés des Fiches du Monde Arabe (Fonds de documentation publié à Beyrouth). On s'est également référé aux ouvrages suivants: René CHAMUSSY, Chroniques d'une guerre, Paris, 1978; Georges CORM, Géopolitique du conflit libanais, Paris, La découverte; Carole DAGHER, Les paris du Général, Beyrouth, FMA, 1991.

[13] Pour cette partie nous nous sommes uniquement inspirés du Fond de documentation les Fiches du Monde Arabe: "La Force Multinationales Lbn-1309"

[14] Pour cette partie nous nous sommes uniquement inspirés du Fond de documentation les Fiches du Monde arabe: "Les Otages occidentaux Lbn-1115"

[15] Dans cette partie nous nous sommes surtout référés aux informations tirées de la presse libanaise et de la chronologie du périodique français Maghreb Machreq.

[16] Alain GRESH, "La France affaiblie au Proche-Orient", Le Monde Diplomatique, mars 2000.