L'ue est-elle capable De devenir une force politique stabilisatrice Au Moyen- Orient ?

L'ue est-elle capable De devenir une force politique stabilisatrice Au Moyen- Orient ?
Préparé par: Dr. Walid Ramez ARBID
Professeur d’Histoire des Relations internationales A l’Université Libanaise, Institut des Sciences Politiques à l’USJ Et à L’Ecole d’Etat Major de l’Armée libanaise.

Les évènements du 12 juillet 2006 qui se sont produits au Liban sud  montrent que le rôle de l’UE est devenu très important dans le règlement du conflit israélo-arabe[1]. C’est pourquoi, l’évolution de la construction européenne au cours de ces dernières années, à la lumière des transformations qui se sont produites sur la scène internationale, au Moyen-Orient en général et en particulier au Liban, a été marquée par un nouveau type de relations entre l'Union européenne et cette région.

Que la France s’intéresse au Liban, n’a rien d’étonnant. En effet, plus que tout autre pays européen, elle a toujours été concernée dans tout ce qui relève de la souveraineté, de la sécurité et de la prospérité de notre pays. Le Président Jacques Chirac a rappelé à plusieurs reprises que le Liban est « la clé de voûte » de la politique française au Moyen-Orient. Cette assertion prend tout son sens, si l’on rappelle successivement l’importance politique du Liban pour la France et le rôle d’avocat du Liban que tient la France au sein de l’Union européenne[2].  

Rappelons-nous  que tous les présidents et gouvernements français, toutes tendances confondues, ont œuvré, à quelques différences près, dans cette direction, surtout durant les dix-sept annèes de guerre, condamnant toute hégémonie d’où qu’elle vienne, particulièrement celle exercée sans vergogne, par Israël sur le tiers de son territoire. Quant à la politique européenne à l’égard du Liban, elle a connu des hauts et des bas. En dépit de multiples condamnations émanant du Conseil de Sécurité et des instances européennes, Israël maintient sa politique expansionniste dans les territoires qu’il occupe en Palestine, en Syrie et au Liban[3]. La question qui se pose est la suivante: l'Europe peut-elle contribuer à la stabilisation du Moyen-Orient ?

 

L’espace stratégique de l’Europe ?

Le Moyen-Orient se définit aujourd’hui par trois conflits centraux : le conflit israélo-arabe, la guerre en Irak et la crise iranienne. La fusion du programme nucléaire iranien (et des ambitions iraniennes) et de la situation en Irak, ainsi que du Hezbollah au Liban, débouchera sur un « nouveau Moyen-Orient » qui, selon toute probabilité, provoquera une confrontation majeure[4].

L’importance géographique du Liban sur l’échiquier régional et international lui a donnée une place dans l’espace stratégique de la France. Lorsque la deuxième guerre mondiale éclate en Europe à la fin de l’été 1939, les responsables militaires français estiment que le front occidental est temporairement « gelé » par les systèmes fortifiés mis en place de part et d’autre du Rhin. A Paris, on envisage alors de prendre une initiative sur un théâtre d’opération périphérique qui permettrait d’acquérir un avantage sur l’ennemi allemand. Le Proche-Orient devient ainsi un espace stratégique, c'est-à-dire un espace de manœuvre, selon l’historien français Vincent Joly[5].

L’Histoire nous rappel que le Moyen-Orient occupe une importance place stratégique pour l’Europe en général et pour la France en particulier.  Vincent Joly, par ailleurs, a expliquée, lors de son intervention, que la région présente une double importance pour la France. D’abord, « elles est le lieu de transit, via le terminal de Tripoli au Liban, de 45% du pétrole brut qu’elle importe en 1939 d’Irak. Ensuite, elle apparaît comme une escale essentielle dans les communications impériales, en particulier vers l’Indochine. Cependant, ce double intérêt doit être nuancé. En effet, d’une part les acheminements pétroliers transitent par la Méditerranée qui se trouve sous la menace de la flotte et de l’aviation italiennes. L’entrée en guerre de Rome, le 10 juin 1940, entraînera la fermeture du trafic maritime en Méditerranée orientale »[6].

D’autre part, la France se trouve sous une double dépendance : dans le domaine de la production, puisqu’elle ne contrôle que moins d’un quart de l’Iraq Petroleum Company et dans celui du transport, car sa flotte pétrolière est dramatiquement insuffisante, ce qui la contraint à utiliser les services des navires étrangers. Les mêmes restrictions pèsent sur les communications. Damas est bien la tête de ligne de la route aérienne en direction de Saigon mais les compagnies aériennes françaises s’intéressent peu au Levant. En 1938, il n’y a qu’une seule liaison hebdomadaire avec la métropole et le courrier est plutôt acheminée par des vols étrangers qui transitent par la Palestine sous mandat britannique.

Vincent Joly explique, également, en disant : En fait, un espace stratégique conçu comme un espace de manœuvre suppose que l’on ait les moyens et la volonté de l’exploiter comme tel. Ce n’est pas le cas de la France en 1939 qui, à ce moment, a opéré des choix stratégiques conformes à sa puissance réelle. Sa priorité va à la métropole, car même si l’on envisage une guerre longue, militaires et hommes politiques pensent que c’est là que se décidera le sort du conflit. La seconde priorité est la Méditerranée occidentale et plus précisément, l’axe stratégique Alger – Toulon, par lequel doivent venir les hommes et les ressources nécessaires à l’effort de guerre. La construction de la base navale de Mers el-Kébir, près d’Oran en Algérie, à la fin des années trente, souligne l’importance de cet axe. La troisième priorité est constituée par les approches atlantiques de la France, l’axe Dakar- Casablanca – Brest qui doit être garanti pour les mêmes raisons que le précédent. Dans ces conditions, le Proche-Orient, sans être tout à fait un cul de sac stratégique, est largement confié à la protection de la Grande-Bretagne ce qui témoigne du statut secondaire de la France dans la région[7].

Actuellement et après la guerre des Balkans dans les années 1990, le Moyen-Orient est la région voisine à la fois les plus dangereuse et, du point de vue de la sécurité, la plus importante pour l’UE aujourd’hui. Pourquoi ? Parce que les principales menaces à la sécurité européenne au début du XXIe siècle viennent précisément de cette région. Les menaces émanant du Moyen-Orient sont diverses : conflits régionaux, idéologies religieuses totalitaires, terrorisme, programmes d’armement nucléaire, barrage à la modernisation, régimes instables et ambitions hégémoniques. Si quelqu’un se demande quels intérêts l’UE et ses États membres peuvent avoir dans cette région secouée par des crises, la réponse est qu’il est certain que des intérêts énergétiques et économiques de l’Europe sont en jeu, ainsi que les intérêts vitaux des partenaires et des alliés de l’Europe (Israël notamment). Cela dit, les premiers sur la liste sont ceux de l’Europe. La façon dont le Moyen-Orient va se développer déterminera l’étendue des risques, ou des défis probables, pour la sécurité de l’Europe. Si l’Europe parvient à contenir, voire à résoudre le conflit qui y fait rage, les conséquences pour sa sécurité seront extraordinairement positives.

A cet égard, Joschka Fischer, ancien ministre allemand des Affaires étrangères écrit[8] : « La prétendue « politique européenne de voisinage » est pour l’instant une chose bien curieuse. On en parle beaucoup dans l’Union européenne, mais elle n’a que peu d’effets sur le plan pratique. Elle a été conçue pour servir d’alternative au nombre croissant de cycles d’accession, impliquant par exemple les pays du Caucase du Sud ». Il ajoute : « Mais la guerre au Liban et ses conséquences ont provoqué un changement soudain et fondamental dans la tranquille poursuite de cette politique. En effet, la guerre au Liban a cruellement rappelé à l’Union européenne qu’elle a des « intérêts stratégiques », qui sont avant tout des intérêts sécuritaires, et que si elle choisit de les ignorer, elle risque de le payer cher »[9]. En outre, la division du travail entre les États-Unis et l’Europe ne fonctionne plus comme au bon vieux temps : la guerre en Irak ronge les capacités militaires américaines, et a débouché sur une crise de légitimité morale et politique des États-Unis dans le monde arabo-islamique. En décidant d’envoyer plusieurs milliers de soldats au Liban pour mettre en œuvre la résolution 1701 de cessez-le-feu de l’ONU, les États membres de l’Union européenne ont pris la décision la plus significative dans le cadre de leur politique de voisinage. La question qui se pose : l’Union européenne est-elle capable de devenir une force politique stabilisatrice dans la zone de conflit la plus dangereuse du voisinage géopolitique immédiat de l’Europe ?[10]

 

Le Moyen-Orient est un carrefour stratégique entre l'Europe, l'Asie et l'Afrique. C'est aussi un conflit régional qui s'éternise, le conflit israélo-palestinien et israélo-arabe L'Union européenne se voit de plus en plus portée à jouer un rôle politique de première importance sur la scène internationale, où les liens d'interdépendance que le commerce tisse autour de la planète ne sont pas seuls à faire d'une politique commune des quinze Etats membres une réelle nécessité[11]. L'Union européenne est désormais un "géant économique" qui n'est pas encore parvenu à se doter, sur la scène internationale, d'une influence politique à la mesure de sa puissance économique et financière. Elle souffre en effet d'un décalage immense entre ce qu'elle a réussi, au bout de quarante ans d'efforts, en matière d'intégration économique avec la réalisation de l'unité de son marché et de sa monnaie et une politique étrangère et de sécurité commune qui à dû affronter, en 1993, dans les Balkans, le conflit le plus grave qu'ait connu l'Europe depuis la fin de la deuxième guerre mondiale[12].

 Le Moyen-Orient est également un ensemble régional dont les contours sont imprécis aussi bien pour les géographes que pour les historiens et les diplomates. Quoi qu'il en soit, en raison de sa position géographique, de ses richesses énergétiques, de ses dimensions spirituelles et de ses turbulences politiques, le Moyen-Orient a une importance cruciale pour l'équilibre stratégique et économique du monde. Il est également la scène du premier grand conflit de l'après-guerre froide (guerre du Koweït). La présence militaire, diplomatique et économique des puissances industrielles dans cette région ne cesse d'augmenter. Pour ceux-ci la clef est, sans doute, l'approvisionnement en pétrole qui se trouve au Moyen-Orient, particulièrement dans le Golfe arabo-persique où se concentrent 66% des réserves mondiales trouvées. Face à cette question, l'Union européenne tente de dégager une position commune en vue de parvenir à la paix[13].

L’ancien ministre allemand Joschka Fisher nous rappelle encore une fois : « Avec sa décision en faveur de la mission au Liban, l’UE a franchi un Rubicon militaire. Elle doit à présent soutenir son poids croissant au Moyen-Orient à l’aide d’initiatives politiques. Celles-ci doivent inclure trois éléments-clés : une solution négociée pour la Syrie, la reprise de négociations entre Israël et les Palestiniens, et un accord stratégique commun avec les Etats-Unis, quant à la stratégie politique occidentale dans la région (qui concerne le désaccord le plus dangereux de la région, l’Iran) »[14]. Cette approche commune constituera le défi essentiel pour l’avenir des relations transatlantiques. Pour l’Europe et ses soldats, l’enjeu au Liban est très important. Il s’agit des intérêts vitaux de l’Europe. La guerre et le chaos au Moyen-Orient, ou simplement un vide moral ou politique affecteront directement, et perturberont la sécurité de l’UE et de tous ses États membres. L’Europe se devait donc d’agir, bien que cette décision ait de toute évidence été difficile à prendre. La question primordiale à court terme sera de savoir si l’Europe a réellement les capacités militaires et politiques, la puissance suffisante, pour rester et la volonté commune d’agir en accord avec ses intérêts essentiels au Moyen-Orient. On verra bien. Quoi qu’il en soit, on peut déjà dire : bienvenue dans la réalité.

 

La paix israélo-arabe restera-t-elle fragile ?

Depuis plus de cinquante ans le Moyen-Orient est en état de belligérance plus ou moins ouverte et plus ou moins généralisée. Malgré les conditions d’application des trois accords de paix entre l’Egypte, l’Autorité palestinienne et la Jordanie, avec Israël, la paix est et sans doute restera fragile. Quelque soit la modalité des progrès du processus de paix, toute initiative économique sérieuse exige l’abandon complet des rapports de belligérance et l’instauration d’un climat  de paix véritable et non révisable  entre les Etats de la région, qui doivent reconnaître un Etat souverain palestinien. Toutefois, le véritable danger au Moyen-Orient ne réside pas tant dans la rupture d’un processus de paix. La paix apparaît aujourd’hui menacée avec l’arrivée au pouvoir d’Ariel Sharon. En revanche, la vraie menace demeure dans le risque d’évacuations des Palestiniens de leur terre et de l’application de la stratégie israélienne traduite par la droite et l’extrême droite.

Faut-il songer à restaurer la paix gelée sans un accord de coopération et l’arrêt immédiat des hostilités exercées par l’armée israélienne contre les populations civiles des territoires palestiniens et même libanais ? La haine peut-être sera réduite par la mise en place d’une zone de coopération qui, d’une certaine manière, contournerait l’épine palestinienne pour se déployer en une stabilité économique prometteuse. A cet égard, la politique américaine dans cette zone, dont la conférence de Casablanca est la manifestation la plus évidente, semble s’inscrire dans un schéma que pourrait ne pas renier une partie de la classe politique en Israël. Il y a donc un devoir très sérieux de vigilance de la part de l’Europe, afin de ne pas laisser le peuple palestinien au bord de la marginalisation, car les injustices d’aujourd’hui feront le lit des violences de demain.

La situation du gouvernement d’Ismail Hanieh, à l’heure actuelle privé de ressources et de moyens, est confrontée à une contestation populaire qui trouve sa légitimité dans la frustration d’une population qui n’a vu aucun changement dans sa situation depuis la création de l’Autorité palestinienne ; c’est une situation très inquiétante. L'impasse politique de la Feuille de route a entraîné, en effet, une perte de légitimité du Fatah, également à cause de la déliquescence de l’esprit (sinon de la lettre) du dernier plan de paix international. La fameuse « Feuille de route », dont l’esprit est en effet mort depuis que le gouvernement d’Ariel Sharon a opté pour l’action unilatérale, incarnée par le désengagement des colonies de la bande de Gaza et de quelques colonies isolées de Cisjordanie, à l’été 2005, et par la construction de la « Barrière de sécurité ».

Ce choix stratégique a entraîné à la fois l’humiliation (du Fatah) de l’Autorité Palestinienne, déchue de facto de son rôle de partenaire officiel du règlement du Conflit, et la légitimation du Hamas, qui a bien sûr présenté le retrait des colonies de Gaza comme sa victoire. Le Hamas qui entre-temps était propulsé au pouvoir municipal au cours de l’année 2005.   

On assiste à une paralysie pratiquement totale du processus de paix. Peut-on dire, après le succès du parti Qadima aux élections israéliennes, que la voie est ouverte vers une reprise d’escalades militaires dans la région, ou bien vers des pourparlers dans le cadre d’une conférence internationale ? Un certain nombre d'interventions des responsables de la région laissent à penser que, quoiqu'il en soit, quelque chose va bouger ; l'évacuation du sud Liban après l’agression israélienne en est un signe annonciateur. Outre cette question du sud Liban, le problème du Golan s’inscrit dans le nouvel ordre stratégique, depuis la fin de la guerre du Golfe.

La création de l'Etat palestinien est sans doute le plus urgent, afin d’arrêter les escalades de la violence dans les territoires. Le problème de Jérusalem pourrait être l'objet de nouvelles négociations, qui ne peuvent être que globales, car ce problème s’inscrit dans une plus large discussion entre les trois religions. Quelles que soient les étapes du progrès du processus de paix réanimé, toute initiative économique et politique sérieuse exige d’abord l'abandon complet des rapports de violences entre Israéliens et Palestiniens et l'instauration d'un véritable climat de paix entre les deux peuples. Pour notre part, nous n'envisageons pas de commenter une situation qui se perpétuerait sur la base du statu quo de la non-existence d'un Etat palestinien ; cette paix partielle et boiteuse correspondrait à une logique qui ne relève pas d’une perspective d’avenir.

Un certain nombre d'hypothèses fortes sont à retenir concernant la démarche à proposer pour la construction politique et économique de la région, une fois la paix restaurée. La paix ne signifie pas seulement un bouleversement total des relations entre les pays arabes et Israël, y compris l'Egypte, qui pourrait passer de la froideur méfiante au partenariat. L'Union européenne, au fur et à mesure de ses déclarations sur le sujet - Venise en 1980, Madrid en 1991 ou celle de la conférence euro méditerranéenne de Barcelone en 1995, Malte en 1996, Amsterdam en 1997 et Cardiff en 1998 - a montré une évolution prudente et déterminée, marquée par la nomination d'un envoyé spécial pour le processus de paix en 1996. Si l'intervention politique de l'Union européenne reste nécessairement limitée (participation aux accords d'Hébron en 1998), l’effort économique en revanche est d'envergure.

Notons que la conférence de Barcelone, de novembre 1995, a établi un partenariat entre l’Union européenne et douze pays méditerranéens, pour éliminer le risque d’instabilité qui menace le bassin méditerranéen, entre un nord riche et vieux et un sud pauvre et jeune. Le Nord, en voie d’implosion démographique, passerait de 375 millions d’habitants en 2000 à 370 millions en 2020 et à 333 millions, selon les projections démographiques de l’ONU, tandis que le sud,  en voie d’explosion démographique, passerait de 200 millions à 340 millions d’habitants en 2020[15].

Ce partenariat global fondé sur des volets politiques, économiques et culturels, a offert une perspective de stabilisation et de développement de la région suffisamment attractive pour rassembler, pour la première fois, autour de cet objectif israélo-palestinien, les Européens et les Méditerranéens. Le blocage du processus de paix israélo-palestinien peut-il enrayer la dynamique du processus de Barcelone ?

L’Union européenne, qui a réussi à définir une position commune sur le processus de paix, souhaite contribuer au bon déroulement des négociations, dans la mesure où son assistance financière aux autorités palestiniennes et à l’ensemble de la région a fortement soutenu ce processus. Toutefois, en reconnaissant le rôle prépondérant des Etats-Unis dans ce processus, et malgré la désignation à cette fin d’un envoyé spécial, l’influence de l’Union européenne n’est manifestement pas à la mesure de son assistance[16].

 

 L’Europe est-elle un acteur viable pour une solution globale ?

Que signifie la paix au Moyen-Orient ? La paix ne signifie pas un plus, c'est une transformation complète et radicale de la situation internationale de la région. Cela implique la création d'un Etat nouveau (Palestine) et la reconnaissance complète d'un autre Etat (Israël), avec la complète satisfaction territoriale du Liban (sud Liban) et de la Syrie (le Golan). Cela suppose des liens de confiance entre tous les Etats de la région et l’ouverture d’une sincère et durable coopération, tant politique qu'économique. Dans l'ensemble, il y a un consensus dans l'Union européenne pour l'existence d'un Etat palestinien, prévu d'ailleurs par l'accord d'Oslo. Dans la réalité, deux éléments, entre autres, avaient montré que l'Autorité palestinienne en 1999 portait pleinement son nom et constituait donc de fait un Etat :

        1- L'acceptation par Arafat de ne pas proclamer l'Etat palestinien, le 4 mai 1999, comme prévu par les accords ;

        2- Le calme remarquable, qui a perduré dans les territoires occupés et à Gaza, lors des élections israéliennes, qui ont donné la victoire aux travaillistes.

N’oublions pas la crédibilité gagnée par la résistance islamique, peut être, Elle était bien  perçue à travers le retrait de la ville Chrétienne  de Jezzine de l'armée du sud Liban (ALS), alliée d'Israël, qui sans doute a été un test piège. Cet événement ponctuel a fait l'objet d'une attention toute particulière des autorités libanaises et du Hezbollah. On a observé que ce parti a évité toute tentative de bouleversement confessionnel dans cette localité. Il est également important de lire attentivement la position politique de la résistance islamique lors de retrait de l’armée israélienne du territoire libanais, le 25 mai 2000. Les fermes de Chabaa restent un litige dangereux, qui pourrait rallumer les hostilités entre la résistance et les Israéliens. Sans aucun doute cela aurait des conséquences sur toute la région du Moyen-Orient[17]. Aujourd’hui, l’Europe tente de dégager une position non seulement au sud Liban, mais avec la frontière syrienne. Selon l’Agence France presse, « Les chefs de la diplomatie européenne se penchent sur un projet italien de surveillance de la frontière syro-libanaise conjointement avec les forces de Damas »[18]. Le président du Conseil italien Romano Prodi avait annoncé s'être mis d'accord avec le président syrien Bachar el-Assad pour "un effort conjoint de l'Union européenne pour aider et former les forces syriennes contrôlant la frontière". Il a précisé que le projet impliquerait des personnels non-armés, vêtus en civil. L'ONU, par ailleurs, a demandé la sécurisation de cette frontière pour éviter tout trafic d'armes destiné aux combattants du Hezbollah, via la Syrie[19].

Damas a rejeté avec véhémence le déploiement de Casques bleus armés du côté libanais de sa frontière, Assad affirmant qu'il le considérerait comme une agression contre son pays. Il a en revanche promis d'augmenter les patrouilles syriennes sur la frontière et de travailler conjointement avec les Libanais pour faire respecter l'embargo sur les armes[20].

D’autre part, la ministre israélienne des Affaires étrangères a estimé qu'il était "grand temps" de renouer le dialogue avec les Palestiniens en ajoutant qu'aucune condition préalable ne devait être fixée à une rencontre avec le président Mahmoud Abbas.  Mais Tzipi Livni a ajouté que l'Autorité palestinienne ne devait pas nourir d'attentes particulières, comme la libération de prisonniers palestiniens détenus en Israël, à moins que le caporal israélien soit relâché par le commando qui l'a enlevé le 25 juin 2006. "Il serait grand temps que nous trouvions un moyen de discuter avec les Palestiniens et avec le président Mahmoud Abbas, afin de déterminer s'il est possible ou non de lancer un processus qui puisse aboutir à l'avenir à une solution à deux Etats"[21]. Dans ce contexte, l’Égypte va proposer devant l’ONU d’inverser le calendrier établi par la « feuille de route » pour définir au préalable les frontières du futur État palestinien et relancer ensuite les négociations israélo-palestiniennes sur les modalités de son établissement[22].

Actuellement dans l’impasse, ce plan prévoyait plusieurs étapes de négociations menant à l’établissement, en 2005, d’un État palestinien aux côtés d’Israël. Le chef de la diplomatie égyptienne, Ahmad Aboul Gheit, a multiplié ces derniers jours des déclarations appelant à un accord sur « la conclusion de la “feuille de route” », c’est-à-dire sur « les frontières du futur État palestinien ». « La “feuille de route” doit avoir une conclusion qui ne peut être que la création de l’État palestinien. Il faut se mettre d’accord sur le concept et les frontières de cet État et négocier ensuite les moyens de réaliser ce but[23] . « Tout le monde doit œuvrer à la réalisation du but définitif du processus de paix, à savoir l’établissement d’un Etat palestinien.

Le Caire souhaite également la mise en place d’un gouvernement d’union nationale palestinien sur la base d’un accord clair sur la ligne à adopter vis-à-vis d’Israël pour pouvoir relancer le processus de paix. Critiquant implicitement le Hamas, M. Aboul Gheit a appelé au réalisme politique. Il faut assurer l’indépendance de la décision palestinienne et il ne faut permettre à aucune partie étrangère, qu’elle soit arabe ou régionale, d’intervenir dans cette décision, a-t-il poursuivi, dans une allusion aux liens entre le Hamas d’une part, la Syrie et l’Iran d’autre part.

Mais il est évident que la solution définitive pour le sud Liban ne peut être que globale. En effet les négociations sur le Golan seront capitales pour une avancée décisive vers l'établissement juste et durable de la paix dans la région. Faut-il parler ici de Jérusalem ? A mon avis pas pour l'instant. C'est un problème qui ne pourra être traité que dans un fort long délai. Alors, mais alors seulement, nous pourrons envisager efficacement les perspectives économiques.

 

Pour une coopération régionale ?

L’Association européenne de libre-échange revendique une limitation du rôle de l’Europe, coupable à ses yeux de trop de connivences avec les pays arabes et avec l’OLP. Mais pour l’Europe, cet engagement correspond aussi à une thématique fondamentale; la sécurité de la région ne peut se fonder que sur la paix, la coopération régionale et le développement économique[24].

 
C’est dans cet esprit, d’ailleurs, que l’Europe avança le projet d’une zone de libre-échange israélo-arabe sur le modèle européen, dans le cadre d’un partenariat euro méditerranéen, sachant que l’Europe, principal bâilleur de fonds des pays tiers méditerranéens, entend toujours encourager l’avancée vers la paix dans cette région, en favorisant, à la fois l’amélioration de la situation économique et sociale dans les territoires palestiniens, les conditions du développement économique, la mise en place de structures démocratiques et d’une autorité palestinienne responsable devant ses mandants. Pour l’Europe, “l’amélioration des conditions de vie des Palestiniens est la meilleure garantie de sécurité à long terme pour Israël”.

En effet, l'avenir de la région dépendra largement de sa capacité à traiter un certain nombre de problèmes qui doivent répondre à une démarche coordonnée et ne peuvent être résolus que par l'intérêt commun, qui postule souvent l'acceptation de compromis.

  • La question de l'eau est vitale dans une région qui constitue l'un des enjeux majeurs de la négociation pour la paix.
  • Les transports constituent un deuxième domaine de mise en æuvre d'un projet, susceptible de renforcer le potentiel de la région.
  • L'environnement constitue un autre domaine privilégié de la future coopération régionale, soutenu par les partenaires extérieurs du processus de paix, par exemple par l'Union européenne.
  • La région peut jouer un rôle de lien privilégié de transit et de rencontre, carrefour d'activités, entre des services financiers et commerciaux, etc.

Ces questions pertinentes, qui relèvent de la coopération entre les pays de la région, s’inscrit dans une logique de paix.  Les modalités d'une initiative européenne, dans laquelle la France aurait un rôle particulièrement important à jouer, devraient prendre trois formes :

        1- Des propositions et des coordinations réalisant la synthèse des multiples aspects à prendre en compte, et à intégrer dans des démarches cohérentes et non partisanes.

        2- Un rôle de bons offices permanent et une présence active dans toutes les étapes des négociations économiques dans la région.

        3- Une participation effective, technique et financière à la réalisation des programmes adoptés[25].

 

Conclusion

Quoiqu’il en soit, faut-il insister davantage sur le rôle que pourra jouer l’Union européenne, dans la reprise des négociations, que nous espérons positive, du processus de paix. Le Moyen-Orient se définit aujourd’hui par trois conflits centraux : le conflit israélo-arabe, la guerre en Irak et la crise iranienne. La fusion du programme nucléaire iranien (et des ambitions régionales iraniennes) et de la situation en Irak ainsi que du Hezbollah au Liban débouchera sur un « nouveau Moyen-Orient » qui, selon toute probabilité, provoquera une confrontation majeure. Cela impliquera bien davantage que les acteurs et conflits régionaux habituels. La guerre au Liban a abondamment démontré jusqu’où ce dangereux état de choses a déjà progressé. La mission au Liban est à haut risque pour les forces de l’ONU et pour l’Europe en particulier. La guerre n’a pas provoqué de vraie décision. Ni le Hezbollah, ni la Syrie, et encore moins l’Iran, n’ont intérêt dans le succès de la mission de l’ONU. La résolution du Conseil de sécurité présuppose, outre la séparation des combattants, la mise en application de la souveraineté interne et externe du gouvernement libanais élu, sans préciser « comment » cela va pouvoir se faire avec un Hezbollah politiquement renforcé et militairement supérieur aux forces militaires libanaises.

Toute tentative de désarmement du Hezbollah par les forces de l’ONU signifierait une guerre contre le Hezbollah (et avec la Syrie et l’Iran en arrière-plan), une tâche qu’elles soient incapables d’accomplir. Mais si l’ONU et l’Europe devaient se résigner au rôle de simples observateurs au Liban, elles perdraient toute crédibilité. En outre, il y a fort à parier qu’au bout de quelques mois, les soldats de l’ONU se retrouveraient à nouveau entre les lignes de tirs ennemis. La mission devra par conséquent marcher sur des œufs pour mener à bien son solide mandat de stabilisation du pays. Le risque d’échec sera constant et le risque militaire élevé. Pourtant, vu la situation, il n’existe pas de meilleure solution. Étant donnés les risques encourus par ses soldats, l’Europe sera forcée d’influencer et même d’apporter de manière active des changements stratégiques à l’environnement politique dans tout le Moyen-Orient.

Quoiqu’il en soit, les Arabes tentent d’arracher à Israël un engagement à accepter les frontières de 1967 pour pouvoir relancer le processus de paix, selon l’initiative du roi Abdallah ben Abdoul Aziz prise a Beyrouth lors du sommet des chefs des Etats Arabes en 2002. Après la guerre du Liban, les régimes arabes se sont retrouvés dans une situation embarrassante en raison du blocage du processus de paix et cherchent un quelconque moyen pour le relancer.

Toutefois, n’est-il pas temps que l’Union européenne pèse de tout son poids et vienne à la rescousse d’une paix ébranlée et menacée de toutes parts ? Est-elle encore à la recherche de moyens qui obligeraient l’Etat Hébreu à renoncer à sa politique expansionniste ? l’Europe pourrait-il, donc, apporter une contribution décisive d’être un acteur et non médiateur a la solution du conflit israélo-arabe ?

 

[1] L’engagement de l’Europe au Proche-Orient ne date pas d’aujourd’hui. En 1973, à l’occasion du sommet de Copenhague, l’Europe a approuvé une résolution sur la nécessité urgente du retrait d’Israël des territoires occupés, du Golan et du Liban, sur le respect de la souveraineté des Etats de la région dans des frontières sûres et reconnues internationalement, ainsi que sur les droits légitimes des Palestiniens.

[2] W.Arbid, « France-Liban : une nécessaire entente cordiale », in  Méditerranée, Moyen-Orient : deux siècle des relations internationales, Ed. L’harmattan, Paris 2003. pp. 573-586.

[3] L’ambassadeur de la France au Liban qui est, Bernard Émié, venu faire un point de la situation au lendemain de la levée du blocus maritime contre le Liban pour laquelle la France a beaucoup fait, a évoqué avec son hôte le patriarche Mgr Sfeir les perspectives d’application de la résolution 1701 de l’ONU.  Il a dit à Mgr Sfeir combien la France était mobilisée pour la pleine application de cette résolution dans toutes ses dimensions, (…) afin de permettre à l’État libanais d’exercer toute sa souveraineté, toutes ses compétences et toute son autorité sur l’ensemble du territoire. il d’ajoute qu’il avait aussi informé le patriarche des efforts  extraordinaires  de la France dans le domaine humanitaire et dans celui de la reconstruction. Bernard Émié a rapporté sur ce plan l’appréciation de Mgr Sfeir pour les efforts et l’engagement de Paris aux côtés du Liban pendant toute la crise qu’il a traversée.

[4] Le port de Beyrouth a accueilli, le samedi 9 septembre, ses premiers gros cargos depuis la levée, la veille, du blocus qu'Israël imposait depuis huit semaines au Liban. Dès la levée du blocus, une force navale internationale dirigée par l'Italie a pris le contrôle des eaux territoriales libanaises pour empêcher tout trafic d'armes à destination du Hezbollah. L'économie libanaise dépend à 85 % des importations et 80 % d'entre elles transitent par le port de Beyrouth, qui accueille habituellement environ six cargos par jour.

[5] Vincent Joly, professeur d’histoire des relations internationales à l’université de Rennes 2, a été l’invité de l’Université libanaise du 1 au 6 mai 2006, afin de donner une conférence à la faculté des Lettres et des Sciences Humaines de l’Université Libanaise.

[6] Ibid.

[7] Ibid.

[8]  L’Orient-le Jour, le 5 septembre 2006.

[9] Ibid.

[10] Ibid.

[11] W.Arbid et J.Thobie, Le Liban et l’UE, éd. Al Maha. Beyrouth 2001.

[12] Ibid.

[13] La France, deuxième force militaire européenne, se présente comme la seule puissance capable avec la Grande-Bretagne de faire réellement avancer le dossier de la défense européenne. Contrairement aux Britanniques, les Français ont une vision de la PESD qui tend davantage vers l’autonomie.  La France se présente indéniablement comme l’Etat pilote. En effet, rappelons qu’en 1966, la France du général de Gaulle proclame son autosuffisance au niveau militaire et quitte l’OTAN, retrouvant sa liberté militaire et son autonomie d’action. Tout comme elle avait refusé de ratifier la CED, en 1954, au nom de l’indépendance nationale, la sortie de 1966, ne doit pas nous surprendre. Pendant plus de trente ans, les successeurs du général maintiennent cette position au niveau de leur politique étrangère et adoptent une approche cloisonnée, c’est-à-dire limitée au minimum d’engagement nécessaire pour afficher une solidarité avec les Alliés.

[14] L’Orient le Jour, op-cit., le 5 septembre 2006.

[15] W.Arbid et J.Thobie, L’UE et le Liban, éd. Al Maha, Beyrouth 2001.

[16] Ibid.

[17] W.Arbid, « L’UE, le Moyen-Orient et le Liban : perspectives d’avenir », in L’UE et le Liban, Ed. Al Maha, Beyrouth, 2001.

[18] Agence France Presse, 15 septembre 2006.

[19] Ibid.

[20] Ibid.

[21] Toujours mercredi, dans la nuit du 14 septembre 2006, le président américain, George W. Bush, a réaffirmé son engagement en faveur de la sécurité d’Israël et s’est entretenu des « menaces » iraniennes et syriennes avec la ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni, selon la Maison-Blanche.

[22] L’Orient-lejour, le 16 septembre 2006.

[23] Ibid.

[24] Née en 2002 de la volonté de développer un espace de prospérité et de stabilité aux frontières de l’UE élargie, la politique européenne de voisinage vise à renforcer la coopération politique, sécuritaire, économique et culturelle entre l’UE et ses nouveaux voisins immédiats ou proches. A l’origine destinée aux nouveaux voisins de l’Est, puis étendue aux pays du Sud de la Méditerranée (Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Israël, Autorité palestinienne, Liban, Jordanie, Syrie) à la demande de la France, cette initiative s’est développée à compter de 2003.

[25] Par ailleurs, le président du Parlement européen Josep Borrell achevait  une visite de "solidarité" de deux jours dans le pays du Cèdre, dévasté par 34 jours de guerre entre le 12 juillet et le 14 août. Il devait assurer les dirigeants libanais du "soutien de l'Union européenne qui a octroyé une aide 107 millions d'euros, hors contributions directes des Etats membres", pour la reconstruction du pays.

هل يمكن أن يصبح الإتحاد الأوروبي قوة سياسية لترسيخ الإستقرار في الشرق الأوسط؟

تظهر الأحداث الأخيرة التي جرت في لبنان أن الإتحاد الأوروبي يلعب دوراً كبيراً جدّاً في حلّ النزاع الإسرائيلي العربي. من هنا كان تطوّر بناء الإتحاد الأوروبي خلال السنوات الأخيرة مُنطبعاً بنوعٍ جديدٍ من العلاقات بين الإتحاد الأوروبي والشرق الأوسط، على ضوء التطوّرات الحاصلة في الساحة الدولية، وفي الشرق الأوسط بصورة عامّة وبوجه الأخصّ في لبنان.  

كما يسعى الباحث بالدرجة الأولى أن يبيّن من خلال هذه الدراسة العلاقة التي تربط الإتحاد الأوروبي بالشرق الأوسط  بصورة عامّة وبلبنان بوجه الأخصّ، ويظهر إمكانيّات إحلال السلام، لاسيّما من الناحية السياسية والإقتصادية. وفي النهاية، يشدّد الباحث على الدور الذي يمكن أن يلعبه  الإتحاد الأوروبي في إحياء مسيرة السلام بطريقة إيجابية.