Vers une « libanisation » des systèmes politiques au Moyen Orient?

Vers une « libanisation » des systèmes politiques au Moyen Orient?
Préparé par: Dr.Valérie Azhari
Docteur en science politique

Introduction

Dans «Les Crises d’Orient»[1], Henry Laurens fait un parallélisme entre l’instabilité que connaît la région de nos jours et les crises d’Orient au XIXe siècle: La syntaxe des relations internationales et les crises d’Orient du XIXe siècle se poursuivent jusqu’à maintenant, pour le grand malheur des peuples qui aimeraient certainement vivre dans la qui étude d’une histoire plus immobile.[2]

La question d’Orient, qui est devenue centrale dans la politique des grandes puissances européennes au XIXe siècle est donc encore l’apanage de l’Occident. Cette instabilité quasi permanente au Moyen-Orient connaît des cycles différents en fonction des époques et du jeu des Grands de ce monde.

Comment se fait-il que cette région soit autant fertile aux crises ?

Du point de vue historique le monde oriental a toujours connu la domination, les guerres, les conquêtes… Les trois plus grandes religions monothéistes sont nées en Orient, et depuis leur apparition les conflits ont été au centre de l’évolution historique des peuples de la région. On peut citer par exemple le conflit entre Muawiya[3] et Ali[4] pour le titre califal qui va diviser l’Islam entre les Sunnites et les Chiites ou encore les Croisades, vécus comme un vrai choc des civilisations…

Avec l’Empire Ottoman le sunnisme triomphant sur les autres communautés de l’Empire, celles-ci vont acquérir des statuts, et ce système va engendrer le regroupement des communautés autour de leur identité religieuse au détriment de leur identité ethnique[5]. Il est important de présenter la nomenclature démographique des communautés dans l’Empire Ottoman. Pour la Sublime Porte[6] les communautés musulmanes non Sunnites (Chiites, Druzes, Alaouites et autres…) n’ont pas de reconnaissance officielle. Dans la plupart des provinces arabes, elles vivent reclues dans les montagnes d’accès difficiles, à l’exception des Chiites de Najaf et Karbala en Irak – qui de par leur statut de villes saintes – sont tolérés par les autorités ottomanes. Les Chrétiens et les Juifs ont un statut à part. Ils sont désignés comme taife ou ceemat. Tous ces non-musulmans sont les dhimmi[7], concept inventé dès le début de la conquête arabe au VIIe siècle mais qui prend son véritable sens à l’époque ottomane. Les dhimmi ont un statut inférieur. Au lieu de renforcer les liens de solidarité qui unissent ces communautés elles vont se replier sur elles-mêmes et former des groupes confessionnels[8].

Au XIXe siècle deux phénomènes contradictoires se mettent en place: la religion s’intègre dans la définition des «nations» musulmanes dans un processus d’occidentalisation de l’Orient. Cependant que l’occident invente la Terre Sainte[9], la religion devient centrale dans la quête d’identité des nations d’Orient.

Au début du XXe siècle la Renaissance arabe (Nahda) marque un changement dans la pensée politique. L’arabité prend le devant sur l’ottomanisme et des identités nationales apparaissent (Égyptien, Damasquin…). Le mouvement «panarabe» met en avant l’identité arabe et remporte très vite les suffrages des élites, remplaçant peu à peu le sentiment d’appartenance à l’islam. Ce sentiment est théorisé à la fois par des chrétiens et par des musulmans, lui conférant des colorations laïques.

Après la Première Guerre mondiale, l’Empire Ottoman est dépecé, des États sont créés sous l’égide de la France et de la Grande-Bretagne qui assouvissent enfin leur désir impérialiste au détriment des populations locales.

Ce découpage presque arbitraire a forcé des populations à accepter de vivre sous un nouveau drapeau auquel ils ne s’identifiaient pas nécessairement. Malgré cette malformation congénitale ces États finissent par acquérir des institutions, ils se dotent d’une carte politique, de nouvelles capitales fortes, des provinces de plus en plus connectées (développement des infrastructures, axes routiers, échanges commerciaux…). Ils vont mêmes réussir à obtenir leur indépendance formelle: l’Irak en 1932, le Liban en 1943, la Syrie et la Jordanie en 1946. Mais le défi de l’indépendance réussi est une autre affaire.

La Deuxième Guerre mondiale marque une nouvelle rupture, le Moyen-Orient n’échappe pas au nouvel ordre mondial établi par les États-Unis d’Amérique. Mais ce qui va bouleverser la région c’est la création de l’État d’Israël en Palestine.

Du point de vue idéologique le panarabisme se renouvelle: l’idéologie de l’unification du monde arabe face à un ennemi commun devient le leitmotiv de la plupart des pays arabes.

À partir des années cinquante un vent révolutionnaire s’impose sous la forme de coups d’État: l’Égypte en 1952; la Syrie en 1949, 1963, 1966; l’Irak en 1958, 1963, 1966 et la Libye en 1969.

Plusieurs mouvances nationalistes apparaissent telles que le «baassisme» ou le «nasserisme». La plupart de ces mouvements se revendique laïc mais en réalité ce sont de véritables systèmes autoritaires qui se mettent en place, rompant définitivement avec la démocratie. Au niveau de la société, un écart va se développer entre les tenants du pouvoir (une famille) et les «oubliés» (le peuple). Ceux-ci, frustrés et vulnérables, vont bientôt se révéler de parfaits collaborateurs pour des interlocuteurs étrangers.

La seule exception dans cet Orient est le Liban. En effet, le pays échappe à ces renversements car il s’est construit autrement. Qu’en est-il ? Comment expliquer cette spécificité ?

 

1.    L’invention de la démocratie au Liban

Le processus de formation du Liban est complexe: les différentes étapes de sa construction et de son pouvoir central ont souvent gravité autour d’un compromis de coexistence garantissant les droits de chacun.

1.1. Approche historique

 Encore à l’état embryonnaire et suite aux troubles confessionnels que connaît le Mont-Liban au XIXe siècle les puissances européennes proposent un nouveau système pyramidal qui règle le statut des minorités, c’est le régime de la Moutasarrifiya. Ce nouveau compromis introduit le partage des pouvoirs entre les différentes confessions qui composent le pays. Ce partage est introduit dans le majlis al-idara al-markazia (Conseil administratif) qui est composé de douze membres: quatre maronites, deux druzes, deux grecs-orthodoxes, deux sunnites un grec-catholique et un chiite. Celui-ci va révéler son efficacité puisque le Mont-Liban a su rester stable jusqu’en 1914.

 Suite aux Accords de San Remo en 1920, le Liban (Grand Liban) dans ses frontières actuelles voit le jour et la France est mandatée par la SDN d’une mission d’aide et de développement. Ce nouvel État inclut le Mont-Liban, la vallée de la Bekaa, et le littoral qui inclut les villes mythiques de Tyr, Saïda, Beyrouth, Byblos et Tripoli. Dans ce Grand Liban, la démographie a changé et dix-sept confessions sont reconnues: les maronites, les sunnites, les druzes, les grecs-orthodoxes, les chiites, les grecs-catholiques, les latins, les grecs-orthodoxes arméniens, les grecs-catholiques arméniens, les syriaques jacobites, les syriaques catholiques, les assyriens, les chaldéens, les coptes, les ismaéliens, les alaouites, et les juifs. Cet événement marque une vraie rupture avec l’ordre établi, l’unité organique de la montagne est perturbée car l’équilibre communautaire établi depuis 1865 doit être réajusté. Un premier problème apparaît et il est démographique. Le second est identitaire. En effet, certaines régions sont encore attachées aux anciennes provinces arabes de l’Empire Ottoman – notamment le Bilad al Sham[10] – certaines familles vivant dans les régions frontalières sont séparées, ces nouveaux Libanais ne se sentent pas à l’aise sous ce nouveau drapeau. Enfin, le dernier problème est politique et ce pour deux raisons. Au début du mandat la France institue un Conseil consultatif qui intègre les dix-sept communautés religieuses du pays en s’inspirant du Conseil administratif de la Moutasarrifiya (celui-ci comprenait douze élus et non pas douze commu¬nautés). En perpétuant la tradition de coexistence, le commu¬nautarisme est d’emblée institué en politique. En second lieu la présence française va faire naître des sentiments anti-occidentaux au Liban, par rapport à l’identité arabe et diviser les Libanais entre Occident et Orient. Malgré cela, le Liban se construit, en 1926 le pays se voit attribuer une Constitution et le pays est défini comme république parlementaire[11]. Les années trente sont favorables au développement politique et les contours de cette République se dessinent très rapidement. Une opposition se met en place et celle-ci manifeste très vite son désir d’indépendance. Dès 1936 il est question d’un traité d’amitié franco-libanais qui donne l’illusion aux opposants que l’Indépendance est proche. Ce traité ne sera pas ratifié par le Parlement français et le début de la Deuxième Guerre mondiale suggère que l’indépendance sera reléguée aux calendes grecques.

Mais les circonstances de la Guerre vont changer la donne et permettre l’indépendance. En effet, la France est divisée entre Pétainiste[12] et Gaulliste[13]. Alors que la France Libre[14] est aux prises avec des problèmes à Alger, les choses se précipitent au Liban. Avec le soutien des Britanniques, une alliance entre Musulmans et Chrétiens se met en place. Ce front commun va être déterminant pour l’avenir du pays puisque l’indépendance est acquise mais surtout parce que cette union presque sacrée va définitivement sceller le destin confessionnel du Liban. Relevant du droit coutumier, le Pacte national de 1943 est une consécration du confessionnalisme politique. Ce n’est pas un hasard si ce système a été choisi par les hommes politiques de l’époque, il découle d’une tradition historique de coexistence. Il traduit une volonté de cohabiter en politique pour être stable à l’intérieur et pour être fort à l’extérieur. En somme, une république parlementaire ou tout le monde y trouve son compte, le pouvoir est partagé: c’est la démocratie de consensus.

Alors que l’année 1947 commence sous les meilleures auspices – évacuation de toutes les troupes étrangères – le pays doit affronter deux crises majeures: l’une à l’intérieure (élections tronquées de 1947[15]) et l’autre à l’extérieure (engagement dans la première guerre israélo-arabe suite au partage de la Palestine). L’union sacrée commence à montrer des signes de faiblesses mais le pays résiste.

Par la suite le pays subit des crises intérieures à répétition et est confronté à l’instabilité régionale (montée du panarabisme, guerre froide, coups d’État en Syrie et en Égypte...). La première crise commence en 1949 lorsque le président Béchara el-Khoury proroge son mandat présidentiel. L’opposition pousse alors le président à la démission (1952). Par la suite, la présidence de Camille Chamoun subit les soubresauts de la région et les attaques à l’intérieur. Le pays est au bord de l’éclatement au point de nécessiter l’intervention américaine. Ces événements vont fragiliser le pays et mettre en péril à plusieurs reprises le Pacte de coexistence. Mais là encore, le miracle libanais opère. Le pays survit et la présidence de Fouad Chehab donne un peu de répit. Il tente de rester fidèle aux textes et applique la neutralité positive, sans oublier sa politique des grands travaux qui va permettre au Liban de se développer dans tous les domaines. Mais ce sursaut est de courte durée. La fin des années soixante marque une vraie rupture et l’union sacrée ne résiste pas face aux problèmes régionaux[16] qui se sont immiscés dans la vie des Libanais. Le divorce est amorcé en 1975 et le pays éclate.

L’année 1990 marque la fin «des guerres» au Liban, et ce, grâce au nouveau compromis final, celui qui a été concocté à Taëf: le Document d’entente nationale. Celui-ci est une réécriture de la Constitution et est censé jeter les bases de la politique libanaise (guide). Cet Accord consacre le système de consensus: il établit le Liban dans un régime parlementaire mixte. La lente reconstruction du pays s’enclenche et malgré quelques débordements et plusieurs impasses, les dirigeants opèrent à coup de compromis. Le pays semble être sorti de la guerre.

 

1.2. Spécificités du système

Le Document d’Entente Nationale signé à Taëf est la référence au Liban. Il est le fruit de longues négociations entre les différentes composantes du pays. À la fin des années quatre-vingt il était impératif que la guerre s’arrête et que la réconciliation s’opère. Il a une dimension politique, juridique et est encadré par les instances internationales puisque l’ONU l’a validé. Il a modifié la Constitution et trente-et-un articles y ont été amendés. De plus, il intègre le Pacte nationale dans son préambule. Les changements concernent surtout le préambule et la redistribution des pouvoirs.

Deux notions sont à souligner dans le préambule:

-      D’abord le Liban y est défini comme patrie souveraine, libre, indépendante, qui s’engage à respecter les droits de l’homme.

-      Ensuite le Liban est défini comme une République démocratique parlementaire fondée sur le respect de la liberté et sur l’égalité des citoyens.

Dans ces nouvelles dispositions de la Constitution, le peuple est défini comme la source du pouvoir. Il y a six articles de la Constitution qui classifient le régime constitutionnel (Préambule, articles 10, 19, 49, 65 et 95): Selon Antoine Messara, il y a plusieurs notions importantes dans le système libanais: il y a la notion de reconnaissance des droits religieux et culturels en vertu de l’article 9 et 10 de la Constitution, c’est une catégorie constitutionnelle qu’on appelle autonomie personnelle ou fédéralisme personnel et qui existe dans une trentaine de pays sous des formes variées et qui a son cadre juridique constitutionnel. La deuxième […] est la notion de discrimination positive ou «affirmative action» c’est à dire la règle du quota afin d’éviter l’exclusion permanente, cette règle-là a aussi son cadre juridique, ses formes d’applications dans une trentaine de pays et ce n’est pas une règle hors-la-loi. […][17]. Le Liban a ses particularités, c’est le même régime que la Suisse mais avec ses propres mécanismes.[18]

Le pouvoir est partagé entre les trois grandes confessions du pays: le président de la République est maronite, le Premier ministre est sunnite et le président du Parlement est chiite. Le rôle du président est central (article 49) et ses pouvoirs (articles 50 et 63) sont réduits mais pas inexistants. Le Pouvoir exécutif est transféré au Conseil des ministres (article 17) pour trois raisons: transférer le pouvoir exécutif d’une personne à un groupe, transférer le pouvoir à un organe responsable devant la Chambre des députés et encourager la participation confessionnelle au pouvoir (articles 64 à 69).

Un Conseil constitutionnel est créé (article 19).

Selon l’article 95 une égalité dans la répartition des sièges au Parlement entre musulmans et chrétiens doit être appliquée c’est la propor-démocratie[19] (proportionnellement aux communautés de chaque groupe et proportionnellement entre toutes les régions).

Il y a donc quatre caractéristiques importantes: le gouvernement de large coalition, la proportionnalité, le véto mutuel et l’autonomie du statut personnel.[20]

Le préambule de la Constitution mentionne cette suppression graduelle du confessionnalisme politique suivant un plan par étape. Il s’agit plutôt de déconfessionnaliser la société pour faire évoluer la mentalité confessionnelle, elle n’est pas vraiment politique mais administrative et sociale. Un Sénat qui représente désormais les grandes familles confessionnelles doit être créé afin que le vote au Parlement ne soit plus d’ordre confessionnel (le Sénat est là pour ça).

 

1.3. Limites

En théorie, l’ère post-Taëf aurait dû remettre en place les institutions et permettre au pays de se reconstruire. Mais plusieurs facteurs ont rendu cette reconstruction lente et difficile. Les ingérences étrangères de tout bord ont contribué au ralentissement des choses: Les adversaires du Liban, et surtout les plus proches voisins, sont devenus experts dans la manipulation du pluralisme communautaire libanais, avec un mode d’emploi ou plutôt de dé-emploi fort habile, exploitant la scène libanaise, les rivalités internes, la gestion complexe d’un système. C’est ainsi que nombre de techniques de manipulation ont été et sont déployées visant à transformer des pathologies des systèmes parlementaires mixtes de gouvernement en normes de gouvernance et à rendre ainsi tout le système libanais ingouvernable, à moins de l’intervention d’une Sublime porte.[21]

Le spectre de la guerre civile est encore présent dans les esprits et plane au-dessus du Liban comme une épée de Damoclès, en voulant éviter à tout prix l’escalade, le remplacement des gouvernants et la mise en place des institutions se négocient à coup de blocages.

L’Accord établit à Taëf est presque «mort-né» puisque le texte a été mal appliqué et manipulé en fonction des besoins des uns ou des autres. Les dirigeants vont détourner les compromis à leur guise, pour servir leurs intérêts. Lorsque le système se grippe c’est la crise et c’est la faute du système: Le Liban d’aujourd’hui n’a pas un problème constitutionnel majeur au niveau des textes, mais d’énormes problèmes de gouvernance, c’est-à-dire de pilotage, de leadership et de gestion de la chose publique.[22]

Le retour à la légalité doit être une priorité absolue qui nécessite de la part des dirigeants un effort colossal quitte à repenser à froid quelques parties du Texte. L’application des Textes, la mise en place d’une société civile, le développement du pays… sont autant de défis à relever afin que le pays continue sa pacification et puisse ainsi permettre le retour de la confiance et la stabilité. Malgré tout, le Liban semble dénoter dans une région actuellement en crise.

De nos jours, l’Irak en voie de reconstruction, après trois guerres successives est très instable. Qu’en est-il ?

 

2.    La question irakienne

Depuis la fin de l’ère Saddam, l’Irak a du mal à se reconstruire et le pays semble être dans l’impasse. Aujourd’hui les spécialistes mettent en avant la question irakienne car tout comme Liban le pays est pluricommunautaire mais pas seulement, il est aussi pluriethnique, ce qui nous pousse à remonter aux origines de la question irakienne. Selon Pierre Rondot: Dans aucun autre Etat du monde arabe ne se trouve une aussi grande variété de peuplement: les différenciations religieuses, sociologiques, linguistiques et donc le plus souvent ethniques, accumulées par une très longue histoire d’invasions, d’exodes, de reflux, de conversions et d’absorptions, s’entrecroisent, se superposent et s’enchevêtrent en cette marche de l’Asie.[23]

2.1. Approche historique

Tout comme le Liban à l’époque moderne la Mésopotamie est intégrée à l’Empire ottoman. La période XVIII-XIXe est marquée par une conversion à l’islam chiite en Irak. Mais la bourgeoisie reste sunnite. Rapidement un pays chiite homogène vit le jour: il s’étendait des portes de Bagdad jusqu’au Golfe où les sunnites ne constituaient plus que d’infimes minorités. Au début du XXe siècle, les chiites représentaient près des trois quarts de la population arabe du pays.[24]

En 1914, les troupes britanniques commencent à occuper des provinces irakiennes. Tout comme le Liban, l’Irak est né suite aux Accords de San Remo (avril 1920) mais cette fois-ci le tuteur est Anglais. Dès l’établissement du mandat, le peuple réclame un État irakien islamique (chiite), c’est la «Révolution de 1920». Il faudra plusieurs mois à l’armée britannique pour mater la révolution. Fayçal sera nommé à la tête du royaume d’Irak.

Selon Pierre-Jean Luizard, l’Irak est «un Etat construit contre sa société»[25]. En effet, en s’appuyant sur la bourgeoisie sunnite, jadis alliée des ottomans, et minoritaire en pays chiite, ils ont écarté d’emblée les chiites du pouvoir. Le premier problème qu’ont créé les Britanniques est identitaire: L’identité ethnique, celle des Arabes, était mise en avant, aux dépens d’une identité qui prévalait jusqu’alors[26]. En effet dès la fondation de l’Irak, les chiites ont été exclus du gouvernement, et de tout poste de pouvoir. Ce n’est qu’à partir des années quarante que les chiites vont commencer à intégrer les écoles gouvernementales mais dans une moindre mesure. Ils vont se rabattre sur les domaines artistiques ou dans les affaires (commerces), ce qui pourra permettre à une partie d’entre eux de devenir prospère (fortune et/ou notoriété). Cette sectorisation va générer des tensions confessionnelles, c’est le deuxième problème. De plus, les populations avaient développé un sentiment patriotique local au détriment du patriotisme national: […] Près des quatre cinquièmes des habitants vivaient en dehors des villes et se définissaient avant tout par rapport à leur tribu d’origine et à leur religion, l’Islam […][27]. Enfin le dernier problème est à la fois ethnique et confessionnel. Lorsque le pétrole fut découvert à Kirkouk, les Britanniques vont s’intéresser au Kurdistan et cette province va être intégré à l’Irak créant un nouveau problème à la fois identitaire et ethnique. Cet Etat, dont les frontières ont été artificiellement définies, portait donc en lui les germes de la division.[28]

En 1932 l’indépendance formelle de l’Irak[29] est acquise et le pays devient membre de la SDN L’Irak se dote d’une Constitution, il existe un Parlement, des élections… une vraie vie politique se met en place. Parallèlement l’armée irakienne[30] formée sous les soins des Britanniques devient un pivot de la société irakienne (un phénomène particulièrement présent au Moyen-Orient). En 1958, les Officiers libres proclament la République et la Monarchie est renversée, le roi et une partie de sa famille sont massacrés.

L’époque est propice à l’union et les clivages confessionnels mis en exergue[31]. La République est proclamée par le général Abd al-Karim Kassem, il installe un pouvoir personnel et s’allie aux communistes qui sont majoritairement chiites et aux Kurdes du PDK. La Constitution est modifiée Arabes et Kurdes sont associés dans la nation[32] mais pour un moment seulement[33]. Le régime ne peut se maintenir et ne peut surmonter les profondes divisions politiques qui déchirent la société irakienne. Les clivages confessionnels refont surface. Une guerre reprend au Kurdistan irakien à partir de 1961. En 1963, le général Kassem est renversé par le Baas irakien[34]. Ils sont chassés à nouveau et reviendront au pouvoir avec Ahmad Hassan al-Bakr et Saddam Hussein en 1968 marquant un tournant dans l’histoire de l’Irak. En 1972, le pays se tourne d’abord vers la Russie (accord de coopération) et nationalise son pétrole. Sur le plan arabe, Bagdad dirige le front du refus arabe (face à Israël) avec comme alliés la Libye, l’Algérie, l’OLP, le Yémen du sud, et la Syrie.

En 1979 Saddam Hussein pousse à la retraite son allié Ahmad Hassan al-Bakr et prend les rênes du pays. Entre temps, il s’est mis à dos les Kurdes, et l’ayatollah Rouhollah Khomeiny – qu’il a chassé de Najaf. Mais, le chah d’Iran expulsé en 1979 est remplacé par le guide de la révolution, l’ayatollah Khomeiny, celui-ci inaugure la République islamique. Voyant les bénéfices de l’alliance entre les États-Unis et l’Afghanistan, le président Saddam se tourne vers l’occident et décide d’en faire de même. Cette relation va être déterminante pour l’avenir de l’Irak et pèse encore de nos jours sur l’instabilité du pays.

 

2.2. La lente désintégration

Entre 1980 et 2003, l’Irak connaîtra successivement trois guerres qui va mettre l’État à genoux et enclencher la crise irakienne.

L’arrivée au pouvoir du guide de la Révolution Khomeiny pousse le président Saddam Hussein à s’allier aux États-Unis l’entrainant à s’engager dans une guerre contre Téhéran. L’allié américain met à sa disposition tout l’arsenal militaire dont il disposait (entre autres des armes de destruction massive). Ce nouvel allié accorde aux Irakiens le statut de nation la plus favorisée pour les céréales… Le président Saddam va même utiliser des armes chimiques contre les troupes iraniennes avant de viser les Kurdes en 1988. La guerre Iran/Irak durera huit ans et s’achèvera sans vainqueur, ni vaincu, avec plus d’un million de morts. Les deux pays sont ruinés. Mais à la fin de la guerre vient le temps des comptes et l’Irak doit payer la facture américaine et les factures de ces autres alliés (Arabie Saoudite, Koweït).

Devant le refus de Saddam Hussein de rembourser les dettes au nom de la solidarité arabe, le Koweït inonde le marché de pétrole. Bagdad accuse son voisin de lui faire de la concurrence déloyale et de lui voler son pétrole et son argent. Trompé par les Américains le président irakien envahit le Koweït le 2 août 1990: […] April Glaspie, l’ambassadrice américaine à Bagdad, rassure son hôte: elle garantit à Saddam Hussein qu’une action irakienne contre le Koweït ne serait pas considérée comme un casus belli par Washington. Trompé par dix ans d’alliance stratégique avec les États-Unis, Saddam prend ces assurances pour un feu vert[35]. La deuxième guerre du Golfe éclate et l’armée irakienne est vaincue par Washington après une guerre éclaire d’à peine deux mois. La population irakienne choisit ce moment pour se soulever contre le régime de Saddam Hussein (mars 1991). Les Américains assistent alors aux massacres des Kurdes et chiites sans intervenir. Cette répression permet au régime baassiste de sauver son existence. Mais Bagdad se voit imposer des sanctions internationales qui vont finir par enfoncer le pays: embargo, «nourriture contre pétrole» …

En 1991, la partie au nord du 36e parallèle est reconnue au Kurdistan qui devient autonome, ce qui permet la naissance d’un pouvoir de coercition. Les États-Unis imposent leur version de l’occupation.

Le troisième conflit intervient à la suite du 11 septembre où l’Irak est accusé de fabriquer des armes de destructions massives et de soutenir Ben Laden: la guerre préventive. Les États-Unis renversent le régime de Saddam Hussein. Les Américains sont «invités» à administrer l’Irak et finissent d’achever l’État.

Un processus de reconstruction nationale est engagé depuis 2003. Ce processus est parrainé par les États-Unis qui opèrent comme en véritable administrateur jusqu’en 2011.

 

2.3. Les communautés ethniques et religieuses

L’Irak est une mosaïque, pays à la fois pluriethnique et pluricommunautaire, il regroupe des Arabes, des Kurdes, des Yézidis[36], des Turkmènes et jusqu’au début des années cinquante des Juifs…. De plus, musulmans et chrétiens s’y côtoient… La majorité est arabe et musulmane. L’Islam irakien comprend les chiites et les sunnites. Bien que difficile à évaluer (car il n’y a pas de chiffres exacts et le recensement n’est pas le fort des pays pluriels dans les régions du Moyen-Orient) l’on peut cependant selon des estimations approximatives présenter la démographie communautaire de l’Irak. Les Arabes sont nettement majoritaires et les musulmans aussi: 96% de musulmans (chiites 60-65 %, sunnites 37-32 %)[37]. Ces chiffres doivent être cependant nuancés car parmi les sunnites moins d’un tiers est Arabe, deux tiers sont Kurdes et le reste est Turkmène. Les chrétiens (chaldéens en majorité) représentent moins de 3% des Irakiens (en majorité arabes). Bien que la majorité des ethnies non arabes soient sunnites, il existe parmi eux des éléments chrétiens (Kurdes), quelques chiites (Kurdes) et sans oublier les Yézidis. On peut aussi noter que les Arabes chiites sont répartis au sud, dans la basse Mésopotamie et auprès du Golfe. Les Arabes sunnites sont essaimés au sud-ouest et sont regroupés au centre et à l’ouest, autour de Bagdad, le long du cours moyen des fleuves et dans la steppe, auxquels se joignent divers éléments chrétiens. Enfin, les Kurdes (en majorité sunnite mais aussi des chrétiens, des Yézidis et des Turkmènes) sont présents au nord et au nord-est, sur le versant des montagnes et dans le piémont. Chacun de ces groupes irakiens, on le remarquera, trouve une sorte de prolongement chez des populations analogues établies au-delà des frontières: les Arabes sunnites, par l’intermédiaire des Bédouins de la steppe et des paysans et citadins riverains de l’Euphrate, vers le Koweït, l’Arabie Saoudite et la Syrie; les Arabes chiites, vers l’Iran qui appartient à la même branche de l’Islam et où figure d’ailleurs un de leurs essaims; les Kurdes, vers leurs frères de race en Syrie du Nord, en Turquie et en Iran.[38]

Document 1: Les communautés irakiennes[39]

 

2.4. Une politique confessionnelle «à la libanaise[40]»

À la suite de l’effondrement de l’État irakien, les Américains prennent très vite conscience de l’importance d’une solution politique en Irak. Après plusieurs consultations auprès de certains dirigeants de la région Washington propose une solution inspirée du multipartisme à la «libanaise». L’idée fait très vite son chemin et convient aux communautés Kurdes et chiites, trop longtemps réprimées par le régime de Saddam. En s’inspirant du système libanais les chiites se voit accorder une représentation importante sur une base confessionnelle. Les dirigeants chiites de retour d’exil s’engagent dans un dialogue avec leur administrateur. Dès les élections de décembre 2005, la majorité va à une coalition de partis chiites (Alliance irakienne unifiée). La situation irakienne commence dès lors à échapper aux Américains. Des divisions internes commencent à apparaître, les Kurdes s’éloignent de plus en plus, et les autres communautés sont sous représentées.

De plus la reconstruction à «la libanaise» n’est pas en Irak, fixée par des quotas officiels. Elle est laissée au gré des rapports de forces entre communautés, attisant les rivalités.[41] Le problème de Kirkuk et de Mossoul, villes multiethnique et riche en pétrole est l’objet de toutes les convoitises. Sans oublier les exclus de l’ancien système dont les mouvements fondamentalistes (d’abord Al-Qaeda, et aujourd’hui l’État islamique) se sont saisis pour défendre leurs causes. Désormais, les luttes opposent de façon croissante des sunnites à d’autres sunnites et des chiites à d’autres chiites.[42] Le pays est touché par une vague d’attentats de grande ampleur perpétrés par l’État Islamique qui mue ses tactiques de nuisance à mesures que son emprise territoriale se réduit. Les revendications confessionnelles menacent de plus en plus l’unité du pays.

Bien que l’Irak soit sorti de la troisième guerre du golfe, l’instabilité, les ingérences étrangères et la présence de l’État islamique menacent les efforts entrepris depuis 2003 et tout reste encore à faire. Suite au départ des Américains en 2011, le gouvernement est accusé (même dans son propre camp) d’être responsable du développement de Daech en marginalisant systématiquement la communauté sunnite. Une crise intérieure est ouverte et ne cesse d’occuper la scène politique irakienne. De plus, depuis 2016, le Premier ministre irakien qui s’est engagé dans la mise en place de réformes (gouvernement de technocrates) se trouve dans l’impasse. Du côté des Kurdes, les tensions ont également atteint un niveau inédit car depuis août dernier ils réclament l’indépendance. Pour la seconde fois, un référendum est prévu prochainement (normalement 25 septembre). Si le peuple est majoritairement pour l’autodétermination le gouverneur du Kurdistan affirme qu’il faudra aller négocier à Bagdad[43]. Enfin, la coalition occidentale qui veut en finir avec l’État Islamique ralentit le processus de reconstruction. L’avenir de l’Irak est de plus en plus compromis.

Le système mis en place doit être ajusté en fonction des divergences communautaires et doit tenir compte des quotas (propor-démocratie). Le processus sera long et difficile. Ainsi, les conflits communautaires, les rancunes des uns et des autres éloignent de plus en plus la solution d’une mise en place d’une démocratie laïque. La réconciliation nationale doit passer par la mise en place d’un nouveau pacte de coexistence s’inspirant du pluralisme politique en s’inspirant peut-être de l’expérience libanaise. La question kurde doit aussi être mis à jour.

Aux frontières de cet État, un autre pays est en proie à une grave crise, une guerre aux contours confessionnels, qu’en est-il ?

 

3.    La question syrienne ?

Bien que s’inscrivant dans la lignée des printemps arabes qui ont secoué le monde arabe, la situation syrienne s’en distingue par ses implications internationales. La Syrie est confrontée à une crise politique et confessionnelle sans précédent. En fait, elle reproduit étrangement la même crise qu’a connu le Liban dans les années quatre-vingt pour des raisons aussi complexes et dans un contexte actuel différent. Certains analystes commencent à parler de «libanisation généralisée» ou de «libanisation» syrienne en référence à la guerre civile ou plusieurs facteurs locaux, régionaux et internationaux opèrent.

3.1. Approche historique

A l’instar de l’Irak et du Liban, la Syrie fait partie de l’Empire Ottoman. À cette époque le pays devient l’une des provinces d’un vaste empire hétéroclite par les origines ethniques et confessionnels[44]. Dès le XIX, Damas relaie à travers ses intellectuels une renaissance arabe –la Nahda – deux principaux courants de la pensée arabe moderne: le courant réformateur religieux et le courant moderniste laïque. Le Congrès général arabe tenu à Paris du 18 au 24 juin 1913 témoigne de ce réveil de la Nation arabe.[45]

Suite aux Accords de San Remo, la Syrie n’échappe pas au découpage de l’Empire ottoman et est mise sous tutelle française. Tout comme le Liban et l’Irak, le Mandat est appliqué en Syrie. Cette situation va être immédiatement contestée par les Syriens qui proclament en 1920 l’indépendance du pays et portent sur le trône Fayçal. La défaite de Maysalun[46] porte un coup fatal aux aspirations arabes et au royaume arabe de Damas. Fayçal et ses alliés sont chassés de Syrie. Rapidement la France s’impose mais il lui faudra trois ans pour mater les insurgés. La Syrie est divisée en plusieurs mini-États: le Territoire autonome des Alaouites, l’État druze, l’État sunnite d’Alep, l’État sunnite de Damas et le Sandjak d’Alexandrette. Par la suite (1922) un premier regroupement a lieu avec la réunification des États de Damas, d'Alep et de Lattaquié en une Fédération syrienne. En 1925, la minorité druze de Syrie s’insurge contre la puissance mandataire et réclame en bonne et due forme le rétablissement de l’unité de la Syrie. Cette agitation se propage rapidement sur l’ensemble du territoire ce qui pousse les Français à bombarder Damas. Pour apaiser les tensions, les Français autorisent en 1928 la tenue d’élections d’une Assemblée constituante, mais la victoire des nationalistes réclamant l’unité de la Syrie exaspère les Français. Par conséquent, l’Assemblée est dissoute et un duel franco-syrien occupera la période mandataire. Ces tensions n’empêchent pas au pays de se moderniser dans les domaines économiques, culturels (urbanisation de Damas, restauration des monuments historiques, développement des infrastructures, réforme de la justice, formation des troupes spéciales, création de grands hôtels, théâtre, émancipation des femmes etc.) et de bénéficier d’un climat favorable au développement des idées politiques. À ce niveau c’est le panarabisme qui domine le projet étatique fondé sur les critères de la langue et l’histoire. Tout comme les Libanais en 1936, il est question d’un traité d’amitié franco-syrien, mais celui-ci ne sera pas ratifié par le Parlement français. Au début de la Deuxième Guerre mondiale les Syriens sont dépités par l’attitude des Français qui ont cédé le Sandjak d’Alexandrette aux Turcs afin de s’assurer de leur neutralité. Malgré les préoccupations des Français Libres, ils ne cèdent pas aux Syriens, Damas est même bombardé en 1945. La Grande-Bretagne qui s’est portée garante de l’indépendance somme les Français de cesser les combats. Finalement en juillet, le commandement de l’armée passe aux mains des Syriens et en 1946 les troupes françaises évacuent définitivement la Syrie. L’indépendance acquise est propice au développement du parti Baas syrien fondé par Michel Aflak (chrétien) et Salah Bitar (sunnite): Pour les fondateurs du Baath, la nation arabe possède une histoire et un patrimoine culturel et intellectuel qui lui permettent d’envisager son propre modèle politique et économique[47]. À partir de ce moment le Baas va jouer un rôle prépondérant dans la vie politique de la Syrie.

Commence alors une longue succession de coups d’État qui vont soit échouer, soit réussir. Cette période va rendre le pays instable pendant plus de vingt ans et l’empêcher de se construire véritablement. Le premier coup d’État militaire a lieu en mars 1949 par le colonel Hosni Zaim (un Kurde originaire d’Alep) et ensuite onze chefs d’États vont se succéder. Entre temps, la Syrie tente l’expérience de l’unification avec l’Égypte qui prendra fin en 1961 suite à un coup d’État militaire.

À partir de 1963 le comité militaire du parti Baas syrien (surtout composé d’alaouites et de druzes) s’empare du pouvoir en lançant un coup d’État[48]. Un énième coup d’État se passe en 1966 ou les commanditaires revendiquent le pouvoir. Finalement le 16 novembre 1970, le général Hafez el-Assad porte le Baas au pouvoir grâce à un coup d’État bien préparé. Il fonde un pouvoir personnalisé, répressif et autoritaire. Contrairement à son voisin irakien, le président tente la carte de proximité avec les sunnites majoritaires en les intégrant au pouvoir, ou en se montrant proche de l’Islam et ce, dans le but de mieux les contrôler[49].

Suite à son décès en 2000, c’est Bachar el-Assad (son fils) qui lui succède et malgré sa volonté de réformer il est rattrapé par les vieux démons du passé en héritant des institutions formées par son défunt père.

En 2011, le printemps de Damas commencé en mars va se révéler incompatible avec la dictature des Assad et le pays va plonger dans une guerre ou les acteurs locaux, régionaux et internationaux se sont mêlés.

Malgré l’effort entrepris par le régime pour développer le sentiment national au détriment de l’appartenance communautaire, l’explosion a montré que les problèmes confessionnels étaient latents.

 

3.2. Les communautés ethniques et religieuses

Terre d’asile pour les minorités de l’Empire Ottoman, plusieurs chiismes de l’Islam s’y sont installés (ismaélisme, chiites duodécimains, druzes et alaouites)[50]. De plus, les chrétiens d’Orient ont une présence antérieure à l’Islam car le pays a été l’un des foyers majeurs du? Christianisme dès le début de l’évangélisation (comme en témoigne la conversion de Saul de Tarse à Damas connu sous le nom de Saint Paul dans la liturgie).[51] Les Sunnites représentent plus des deux tiers de la population[52]. Il faut mentionner la présence des Kurdes et des Arméniens. Comme le montre le document 2, les Arabes représentent 89% de la population, les Kurdes un peu plus de 8%, les Arméniens moins de 2% et le reste (moins de 1%) sont les Turcomans et Tcherkesses. Au niveau communautaire (document 3), 82% de la population est sunnite, un peu plus de 10% est alaouite, les chrétiens représenteraient 4,6% de la population, les druzes moins de 2%, les moins de 2% restant sont par ordre décroissant, ismaélite (0,9%), chiites (0,4%), Yézidis (0,1%).

 

Document 2: Répartition des communautés ethniques 2012[53]

 

Document 3: Répartition des communautés religieuses 2012[54]

 

3.3. Vers une «libanisation» de la crise syrienne ?

Lorsque le fameux printemps arabe commence à se propager dans la région, en Syrie le mouvement semble être pacifique (appel à l’unité, rejet du confessionnalisme…) mais la manifestation de juillet 2011 à Hama qui entraine la militarisation de l’événement va faire basculer ce vent de révolution en une guerre, dont les contours ressemblent étrangement au conflit libanais des années 80. L’armée syrienne va se diviser rapidement: Face aux défections, le régime tente de confessionnaliser le conflit et s’appuie sur des milices alaouites et chiites (Hezbollah libanais et milices irakiennes). La manipulation du symbole religieux par ces derniers […] ainsi que le soutien logistique, militaire et économique de l’Iran ne font que renforcer les hostilités et attiser les tensions intercommunautaires en Syrie mais aussi dans la région.[55] […] Rapidement, la population syrienne interprète cette situation comme une guerre contre le sunnisme dont la conséquence est l’apparition de groupes armés s’attribuant des dénominations à connotation religieuse sunnite. Cette référence à la religion n’est pas sans rapport avec les financeurs extérieurs provenant des pays du Golfe et appelant à la guerre et à la vengeance contre les chiites[…] Dans un tel contexte, la dimension confessionnelle et le sectarisme prennent de l’ampleur, y compris du côté de certains groupes armés de l’opposition, notamment contre les alaouites (massacres, enlèvements, prise d’otages).[56]

Du point de vue local, la Syrie se divise entre le gouvernement de Damas et l’opposition au régime d’Assad qui réclame la démission du président. Mais l’ingérence étrangère va rapidement transformer cette crise en un bourbier à la «libanaise». L’implication régionale et occidentale dans l’aggravation des tensions en Syrie ne fait aucun doute. Au fur et à mesure que la guerre s’installe des réseaux de soutien à l’insurrection s’organise à l’étranger. Ils sont parrainés par les États-Unis, la France, l’Arabie Saoudite, le Qatar, la Grande-Bretagne et la Turquie qui veulent renverser le président Bachar el-Assad.

Suite à de nombreuses concertations, le Conseil national syrien (CNS) est créé en octobre 2011 à Istanbul. Ce CNS est composé de 230 membres, incluant plus de 30 groupes d’opposition dont les Frères musulmans, des libéraux, des partis kurdes et assyriens. Reconnu par la France fin 2011, il est par ailleurs soutenu par l’ASL (Armée syrienne libre). Ce Conseil s’active rapidement pour s’imposer comme représentant légitime du peuple syrien mais les divisions internes (entre partis et figures politiques) limitent son efficacité. Un an après sa formation 13 nouveaux groupes d’opposition sont intégrés au CNS (il est désormais composé de 400 personnes). Finalement, suite à de nombreuses tractations, le 11 novembre 2012, la Coalition nationale des forces de l’opposition et de la révolution regroupant le CNS et d’autres organisations de l’opposition voit le jour. Dès le lendemain elle est reconnue par les pays arabes (l’Arabie Saoudite, le Bahreïn, les Émirats arabes unis, le Koweït, Oman et le Qatar), suivie des pays occidentaux (Turquie, Vatican, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie et par extension l’Union Européenne).

La Coalition est très rapidement fragilisée car les divisions s’accentuent au sein de l’opposition et l’entente est de plus en plus compromise au point que l’Arabie Saoudite suspend son financement. Déstabilisée, elle a du mal à faire face à la puissance des alliés de Damas (Russie, Iran, Hezbollah) et son efficience est exposée. Les ingérences de part et d’autre enfoncent le pays qui est désormais tributaire des enjeux internationaux. L’internationalisation de la crise syrienne est le résultat d’un double processus: le départ forcé de millions de Syriens dans les pays voisins et l’intervention d’acteurs extérieurs dans la guerre.[57] Les financements étrangers des mouvements d’insurrection entrainent une radicalisation de l’insurrection qui est de plus en plus disparate. [ … ] En particulier, le PKK et l’EIIL[58] imposent un agenda ethnique et sunnite radical, alors que le soutien de l’Iran et du Hezbollah enferment le régime dans une guerre confessionnelle[59]. Un autre problème contribue à complexifier la crise syrienne, des groupes comme le l’EIIL et le PKK intervenant à la frontière irako-syrienne occasionnent des conflits dont les ramifications s’étendent en Irak, au Liban, en Jordanie et en Turquie. Cette crise devient rapidement globale [ … ] en raison de l’interaction, souvent violente d’acteurs de natures différentes (États, institutions régionales, groupes armés, tribus, partis) autour de cinq enjeux, définissant des espaces transnationaux de lutte. D’abord, les États-Unis (alliés aux Européens) et la Russie (alliée à l’Iran et à la Chine) s’opposent sur des règles du jeu international, notamment la possibilité de renverser un régime autoritaire. Ensuite, l’Iran et l’Arabie Saoudite, appuyés par leurs alliés respectifs, sont en compétition pour le leadership régional. Enfin, la question des réfugiés étend la crise aux pays d’accueil – en premier lieu la Jordanie, le Liban, la Turquie et l’Irak.[60]

La question kurde refait surface, le PKK sort de son isolement et soutien le régime de Damas alors que le Kurdistan irakien est soutenu par la Turquie. La question de l’EIIL redéfinit les priorités des uns et des autres, surtout que leurs actions sont au cœur de l’Europe. Les discours des Grands de ce monde qui revendiquaient jadis la chute du régime d’Assad, envisagent de le laisser en place. Le président français, Emmanuel Macron a d’ailleurs déclaré le 13 juillet dernier que le départ d’Assad n’est «plus une condition préalable pour la France»[61].

Les contradictions apparaissent dans la guerre qui oppose les sunnites et les chiites dont les parrains sont l’Arabie Saoudite versus Iran et les États-Unis versus Russie. Cette équation doit être cependant nuancer mais le conflit en Syrie montre bien que les stratégies des uns et des autres peuvent déterminer la tournure des événements. Le jeu des Grands de ce monde est donc un facteur déterminant dans la stabilité des pays du Moyen-Orient dont les institutions sont encore fragiles.

Bien qu’il soit encore trop tôt pour aborder la question syrienne en toute objectivité et de parler de conflit communautaire, l’on ne peut s’empêcher de constater que la Syrie est plongée dans une guerre dont les tenants et les aboutissants restent à déterminer et dont les enjeux et les solutions sont à envisager dans une réconciliation nationale au gré de la politique régionale (Arabie Saoudite/Iran) et internationale (Russie/États-Unis). Il n’en reste pas moins et l’avenir nous le dira, que le défi du confessionnalisme politique devra être pris en compte dans l’équation de réconciliation.

 

Conclusion

Dans La nouvelle question d’Orient, Georges Corm met en avant l’enchevêtrement entre les facteurs internes et externes qui sont responsables des maux de l’Orient: Si la prédominance des facteurs externes ne fait aucun doute, l’importance des facteurs internes est aussi à prendre en compte, mais en ne perdant jamais de vue la dépendance des acteurs locaux par rapport aux sources externes qui influencent, voire qui manipulent le jeu des factions rivales internes.[62]

Si les États-Unis ont pu remplacer les Français et les Britanniques au Moyen Orient en promoteur du bien face à l’axe du mal c’est au détriment des populations locales et des États qui sont dans une situation très instable. Le proverbe diviser pour mieux régner prend tout son sens en Orient. Comment affaiblir un État ? En le divisant à l’intérieur. Le premier État de l’ère postcoloniale à en faire l’expérience est le Liban. Les ingérences de tout bord ont fait éclaté le pays, mais si cela a été possible c’est que les Libanais ont montré des signes de faiblesses. Cette expérience en dit long sur la politique des uns et des autres. L’on ne peut s’empêcher de s’interroger sur ce facteur interne: aurait-il été possible au Liban d’échapper à l’éclatement ? On ne peut connaître la réponse mais on sait que les guerres doivent servir les hommes et les intérêts des nations afin de les rendre plus fort. Le multipartisme au Liban est à la fois une force et une faiblesse. Il faut exploiter cette faiblesse et la détourner afin qu’elle devienne une force. Une démocratie forte, avec des institutions solides qui encadrent les gouvernants et les gouvernés est la seule solution pour faire barrage aux ingérences étrangères. Doit-on pour autant prôner le confessionnalisme politique libanais ?

Comme nous avons pu le constater, le Liban est un pays historiquement multiconfessionnel et avant même sa «naissance» a déjà pratiqué un système de partage des pouvoirs au XIXe siècle: c’est le régime de la «Moutassarifiya Jabal Loubnan»[63]. Le pays s’est inspiré du modèle français et du système de 1864. Tiraillé entre tendances libanistes et unionistes, le pays va se construire autour d’un système de partage des pouvoirs scellé par le Pacte national en 1943. Cette formule s’appuie sur le partage des pouvoirs en politique et au sein de l’administration entre les différentes confessions qui composent le pays. L’histoire de la cohabitation et du «vivre ensemble» n’est pas un long fleuve tranquille et c’est à tatillon que le système se pratique. Il connaît ses limites et commence à s’effriter à partir des années soixante-dix. Le Liban devient très vite le théâtre d’une guerre pour les autres ou toutes les communautés vont s’affronter. Le pays éclate, les alliés d’hier deviennent des ennemis et la réconciliation semble impossible. Le pacte de réconciliation scellé à Taëf en 1990 redéfinit le système du «vivre ensemble». Commence alors la longue reconstruction politique du pays. Malgré toutes les complications qu’impliquent la cohabitation, malgré les difficultés d’applications de cet Accord et les longues négociations afin d’aboutir aux compromis, le pays semble aujourd’hui sur la voie de la légalité. Certes le système connaît ses limites mais la Constitution libanaise de 1926 est encore la référence et même si le système consensuel n’est pas le meilleur modèle démocratique qu’il soit, au Liban il est le seul rempart dans un pays autant pluriel. Ce modèle démocratique de consensus étonne encore les occidentaux qui y voient une contradiction et le considère limité. Mais alors qu’est-ce qu’une démocratie ? La démocratie est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. À notre époque, il n’existe pas cette forme parfaite de l’exercice du pouvoir puisque, pour cela, il faudrait qu’un peuple se gouverne lui-même. En réalité, les démocraties reposent sur le principe de la souveraineté populaire, de la séparation des pouvoirs[64], d’égalité[65] et de liberté[66]. La démocratie est un type de régime politique, qui peut être définie comme l’ensemble des éléments d’ordre idéologique, institutionnel et sociologique qui concourent à former le gouvernement d’un pays donné pendant une période déterminée[67]. Selon cette notion, on peut déduire que dans les régimes démocratiques il y a différents modes de gouvernement selon les règles constitutionnelles de ces États. On en déduit aussi qu’il existe différents principes de légitimation du pouvoir et que les modalités de fonctionnement effectifs varient d’un pays à l’autre. Deux autres facteurs sont déterminants dans l’invention de la démocratie contemporaine: l’histoire et la sociologie.

En effet, l’histoire joue un rôle très important dans la maturité politique d’un pays. La mise en place de la démocratie varie d’un pays à l’autre et des événements historiques déterminent les principes et les valeurs de la démocratie dans ces pays. On ne peut nier l’impact de la révolution française sur l’invention de la démocratie en France. L’analyse sociologique, est primordiale afin de comprendre la mise en place du laïcisme en France, dont la séparation de l’Église de l’État –donc de la religion et de l’État– est un principe fondamental de la démocratie.

Alors de ce point de vue la démocratie consensuelle au Liban est en contradiction avec les principes de la démocratie occidentale puisque dans le régime libanais le pouvoir se partage entre les dix-huit confessions du pays. Mais, c’est cette contradiction qui fait du Liban son exception puisque l’invention de la démocratie au Liban se fait par le biais d’autres mécanismes[68]. Le pays se soumet à des élections régulières, l’alternance politique se fait, l’État est le lieu de représentation communautaire et se maintient plus ou moins depuis 1990 grâce à une fragile équation communautaire.

Il est important de rappeler que le Liban n’a pas l’exclusivité de l’application d’un tel système. La gestion démocratique du pluralisme existe dans d’autres pays. Plusieurs pays appliquent un tel système mais avec des variantes.

Selon Antoine Messara Le modèle libanais et sa survie[69] le modèle consociatif est appliqué en Europe (Autriche, Suisse, Pays-Bas, Belgique) et dans des sociétés à structure pluriethnique, pluriconfessionnelle ou plurilinguistique (Canada, Malaisie, Colombie, Chypre, Tchécoslovaquie, Inde, Vietnam, Nouvelle-Zélande, Iles Fidji, Ile Maurice, Soudan, Afrique du Sud, Nigeria, Kenya...). L’Inde qui est considéré comme la plus grande démocratie du monde applique un tel système en tenant compte de toutes les spécificités du pays, géographie, castes…[70]

Aujourd’hui, plus qu’hier, l’enjeu démocratique est primordial surtout au Moyen-Orient où les conflits communautaires (religieux et ethniques) occupent le terrain de l’actualité régionale et internationale. De l’Irak au Yémen en passant par la Syrie ou le Bahreïn, le retour à la guerre confessionnelle est réel. Alors que dans les années cinquante l’idéologie unioniste arabe, toutes confessions confondues, représentait jadis l’idéal commun, aujourd’hui il semble obsolète face au repli identitaire qui se généralise. Dans cet Orient en crise, le Liban et la Jordanie semblent stables. L’Irak qui a subi trois guerres successives est au bord du gouffre (politique et économique...). La Syrie est embourbée dans une guerre qui ressemble étrangement à ce qu’a connu le Liban dans les années quatre-vingt. La question palestinienne n’est toujours pas résolue. L’Égypte est instable depuis son printemps arabe, le repli communautaire se fait de plus en plus ressentir…

Pour mettre fin à ces conflits et rétablir la paix civile, la démocratie consensuelle basée sur le pluralisme religieux et culturel, ce «vivre ensemble» à la libanaise semble être le seul rempart face aux dangers de l’autoritarisme ou de l’obscurantisme. Alors, le Liban peut-il servir de «laboratoire» pour ces pays éclatés ? Est-il encore envisageable d’appliquer en Irak ou en Syrie un système démocratique laïque alors que les communautés confessionnelles ou ethniques revendiquent de plus en plus la légitimité du pouvoir?

 

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[1]-   Henry Laurens, Les crises d’Orient 1768-1914, Fayard-Histoire, France, 2017.

[2]-   Ibid. p.11.

[3]-   Muawiya: fils d’Abou Soufyan Ibn Harb (farouche adversaire de Mahomet, il se convertit à l’islam et devient un de ses plus fidèles compagnons). Converti à l’islam en 630, Muawiya combat aux côtés des musulmans pour la conquête des territoires de l’Empire Byzantin dont le but est l’expansion de l’Islam, c’est ce que l’on dénomme la conquête arabe.

[4]-   Ali: cousin et gendre de Mahomet, il prend le titre califal en 656 suite à sa victoire sur les partisans de Aïcha, veuve de Mahomet (bataille du Chameau). Il transfère le foyer du règne de Médine à Koufa. En 657 la bataille indécise de Siffin entre les partisans d’Ali et ceux de Muawiya, entraine une scission au sein de l’islam. La perspective d’un arbitrage entre les deux rivaux provoque l’abandon d’Ali par les Kharidjites. En 660 Muawiya se proclame calife à Damas et en 661 Ali est assassiné par un kharidjite à Koufa. Deux branches de l’Islam s’opposent dès lors.

[5]-   Henry Laurens, L’Orient arabe, Arabisme et Islamisme de 1798 à 1945, Armand Colin, Paris, 2000, p. 27.

[6]-   La sublime Porte «bâb-ï ‘Ali» qui, à l’origine, a désigné le palais du sultan; par la suite, elle s’est appliqué au gouvernement de l’État. Cf. Histoire de l’Empire Ottoman, sous la direction de Robert Mantran, p.117.

[7]-   Le dhimmi est un sujet protégé, donc désarmé, de statut social inférieur et qui paye des impôts spéciaux, symbole de son infériorité sociale et humaine […] L’infériorité est marquée par une tenue et un comportement différents des musulmans […] Henry Laurens, L’Orient arabe, Arabisme et Islamisme de 1798 à 1945, Armand Colin, Paris, 2000, p. 28.

[8]-   Les Orthodoxes deviennent les Grecs (Roums), les Catholiques (Latins) n’ont pas d’existence officielle mais bénéficient du Protectorat religieux de la France ainsi que les Maronites et les Églises uniates des provinces arabes de l’Empire. Il existe des Églises locales qui ont leur propre hiérarchie (Église copte par exemple). Les Arméniens sont représentés par un patriarcat à Constantinople. En ce qui concerne les Juifs, au début ce sont des envoyés spéciaux qui plaident leur cause à la Sublime Porte, mais à partir du XIXe siècle c’est le grand rabbin qui les représente.

[9]-   Les Orthodoxes deviennent les Grecs (Roums), les Catholiques (Latins) n’ont pas d’existence officielle mais bénéficient du Protectorat religieux de la France ainsi que les Maronites et les Églises uniates des provinces arabes de l’Empire. Il existe des Églises locales qui ont leur propre hiérarchie (Église copte par exemple). Les Arméniens sont représentés par un patriarcat à Constantinople. En ce qui concerne les Juifs, au début ce sont des envoyés spéciaux qui plaident leur cause à la Sublime Porte, mais à partir du XIXe siècle c’est le grand rabbin qui les représente.

[10]-  Le Bilad al Sham ou «Pays de Damas» regroupait la Syrie, le Liban, la Jordanie et la Palestine.

[11]-  Inspirée des lois constitutionnelles françaises de 1875, cette Constitution témoigne clairement de l’esprit de la IIIe République française. Comme cette dernière, elle institue le système bicaméral au début (art. 16). Aussi prévoit-elle un système parlementaire, avec un président de la République aux forts pouvoirs.

[12]-  Le Maréchal Pétain a accepté l’occupation allemande, c’est le régime de Vichy.

[13]-  Le Général de Gaulle s’oppose à Vichy et crée le mouvement de résistance.

[14]-  La résistance proclamée par le Général de Gaulle prend le nom de la France Libre et le Quartier Général s’installe à Alger (colonie française).

[15]-  Pour plus de détails cf Le système multiconfessionnel, une invention libanais ? Paris, Geuthner, 2016.

[16]-  Plusieurs facteurs vont déterminer cet état de fait: l’installation des réfugiés palestiniens au Liban (en Syrie et en Jordanie), la guerre des Six jours, le sommet de Khartoum, Septembre noir et la politique des fedayins. Le coup fatal porté au Liban est l’Accord du Caire en 1969 qui instaure un État palestinien dans l’État libanais. C’est le début de la fin pour le Liban, car, il porte atteinte à la souveraineté du pays et surtout au Pacte de coexistence. Les dirigeants se divisent, le pays aussi, et la guerre va éclater.

[17]-  Monseur Antoine Messara, lors d’un entretien accordé le 25 septembre 2015.

[18]-  Valérie Azhari, Le système multiconfessionnel, une invention libanaise ? Paris, Geuthner, 2016, p.278.

[19]-  Voir Antoine Messsara, Théorie juridique des régimes parlementaires mixtes, Constitution libanaise et Pacte national en perspective comparée. Librairie orientale, 2009.

[20]-  Ibid.

[21]-  Ibid. p.10.

[22]-  Ibid. p.14.

[23]-  https://www.monde-diplomatique.fr/1973/07/RONDOT/31627

[24]-  Pierre-Jean Luizard, La question irakienne, Fayard, France, 2004. p.17.

[25]-  Ibid. p.35.

[26]-  Pierre-Jean Luizard, L’Irak, in Guerres d’aujourd’hui – Pourquoi ces conflits ? Peut-on les résoudre ?, Éditions Delavilla, France, 2008. p.216.

[27]-  Pierre-Jean Luizard, La question irakienne, Fayard, France, 2004. p.47.

[28]-  Ibid, p.35.

[29]-  Cette indépendance n’est pas totale puisque les Britanniques ont signé des accords d’exclusivités avec l’Irak et gardent beaucoup de monopoles sur l’exploitation du pétrole.

[30]-  A noter: les Assyriens sont enrôlés dans cette armée (4000). (Souvent des officiers étaient placés dans des ministères entre 1923 et 1957. Souvent dans cette armée, ce sont des arabes sunnites originaires de Bagdad ou du Nord de l’Irak). L’armée irakienne ne reposait pas sur un critère confessionnel, toutes les communautés s’y côtoyaient mais les chiites étaient tenus à l’écart de la hiérarchie.

[31]-  Le nationalisme arabe véhicule un sécularisme de gauche.

[32]-  Pierre-Jean Luizard, La question irakienne, Fayard, France, 2004. p.64.

[33]-  Les clivages ethniques vont réapparaitre (affrontements sanglants entres Kurdes et Turkmènes d’Irak à Kirkouk) et Kassem limite les pouvoirs des Kurdes. L’autre allié de Kassem le parti communiste (de tous les pays arabes il est le plus important) parmi lequel se trouvent les plus défavorisés de la population irakienne, en majorité les chiites. Kassem opte pour un soutien à l’armée irakienne, il se met à dos le PCI et le PDK… pour plus de détails cf. Pierre-Jean Luizard, La question irakienne, Fayard, France, 2004.

[34]-  À partir des années 70, le parti Baas s’est entièrement «confessionnalisé» (majorité de sunnites): aucun chiite important ne fait plus partie de sa direction. Pierre-Jean Luizard, La question irakienne, Fayard, France, 2004. p.85.

[35]-  Pierre-Jean Luizard, L’Irak, in Guerres d’aujourd’hui – Pourquoi ces conflits ? Peut-on les résoudre ?, Éditions Delavilla, France, 2008. p.223.

[36]-  Yézidis (Dasni): de langue kurde (le kurmanji), et qui vivent au nord de Mossoul en Irak, à Alep en Syrie, en Turquie, en Iran, en Arménie, en Géorgie et au sud de la Russie, ont conservé une religion syncrétiste appelée yézidisme qui intègre des éléments du paganisme chamanique, du zoroastrisme, du judaïsme, du nestorianisme et de l’islam. Cet ordre religieux fut probablement fondé au Moyen-Âge.

[37]-  http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/irak/presentation-de-l-irak/

[38]-  http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/irak/presentation-de-l-irak/

[39]-  Pierre-Jean Luizard, L’Irak, in Guerres d’aujourd’hui – Pourquoi ces conflits ? Peut-on les résoudre ?, Éditions Delavilla, France, 2008. p.214.

[40]-  Ibid. p.232.

[41]-  Ibid. p.234.

[42]-  Ibid. p.236.

[43]-  http://www.france24.com/fr/20170921-entretien-falah-mustafa-bakir-kurdistan-irakien-referendum-barzani

[44]-  Taha Zakaria, Syrie, Monde arabe/monde musulman, collection dirigée par Mathieu Guidère, 2e édition, De Boeck supérieur, France, 2016. p.11

[45]-  La réunion est discrète et la presse s’en fait un écho limité. Il y a 25 délégués, avec presqu’autant de chrétiens que de musulmans. Pour autant, à la clôture, où se réunissent plus de 200 participants arabes et quelques dizaines de français, la résolution adoptée marque un point de départ important d’une nouvelle page de l’histoire qui s’ouvre. Il s’agit à la fois de construire une autonomie face à l’Empire ottoman, mais aussi, dans une certaine mesure, face aux grandes puissances, néanmoins interlocuteurs voulus dès lors qu’elles pouvaient favoriser l’émergence du nationalisme arabe. Et, dans une certaine mesure aussi, ces puissances s’y prêtaient pour poursuivre leurs propres objectifs.

https://www.franceculture.fr/emissions/lannee-1913/17-au-21-juin-1913-congres-arabe-paris

[46]-  Défaite de Maysalun: bataille entre les troupes arabes irrégulières et l’armée française en juillet 1920, celle-ci s’empare de Damas. Cet échec porte un coup fatal aux Arabes (Fayçal).

[47]-  Voir Zakaria Taha, Syrie, Monde arabe/monde musulman, collection dirigée par Mathieu Guidère, 2e édition, De Boeck supérieur, France, 2016. p.19.

[48]-  […] L’opposition des factions ba’thistes prend un tour confessionnel: les minoritaires (alaouites, druzes, ismaïliens) se regroupent autour du général Jadid tandis que les sunnites soutiennent Hafiz, l’un des leurs. Le premier groupe tient le commandement régional syrien du parti tandis que les fondateurs du parti et les sunnites se concentrent autour du commandement national (panarabe). Aflaq essaye d’imposer son autorité en jouant sur la rivalité des deux principales factions. Il donne finalement son appui au commandement national et dissout le commandement régional. […]Henry Laurens, Paix et guerre au Moyen Orient, L’Orient arabe et le monde de 1945 à nos jours, Armand Colin, France, 1999. p.229.

[49]-  Pour plus de détails voir Voir Zakaria Taha, Syrie, Monde arabe/monde musulman, collection dirigée par Mathieu Guidère, 2e édition, De Boeck supérieur, France, 2016. p.44.

[50]-  Ibid. p.13.

[51]-  Ibid. p.39.

[52]-  La Syrie, ancien protectorat français est un pays pauvre sans ressources pétrolières comme les autres pays du Moyen-Orient. C’est un pays majoritairement musulman avec 75% de sunnites, 12% d’alaouites, 10% de chrétiens et 3% de druzes.http://www.geolinks.fr/geopolitique/proche-moyen-orient/le-chiisme-en-syrie/

[53]-  Zakaria Taha, Syrie, Monde arabe/monde musulman, collection dirigée par Mathieu Guidère, 2e édition, De Boeck supérieur, France, 2016. p.37.

[54]-  Ibid. p.38.

[55]-  Ibid. p.69.

[56]-  Ibid.

[57]-  Adam Baczo, Gilles Dorronsoro, Arthur Quesnay, Syrie Anatomie d’une guerre civile, CNRS Éditions, Paris, 2016. p.181.

[58]-  EIIL: État islamique en Irak et au Levant, al-Dawla al-Islamiyya fil-Iraq wal-Cham.

[59]-  Adam Baczo, Gilles Dorronsoro, Arthur Quesnay, Syrie Anatomie d’une guerre civile, CNRS Éditions, Paris, 2016. p.181.

[60]-  Ibid.

[61]-  http://www.bfmtv.com/international/syrie-pour-macron-le-depart-d-assad-n-est-plus-une-condition-prealable-pour-la-france-1216386.html

[62]-  Georges Corm, La nouvelle question d’Orient, La Découverte, France, 2017.

[63]-  Le régime de la Moutasarrifiya établit un partage des pouvoirs entre les différentes communautés de la montagne. Connu sous le nom de Règlement organique du Mont-Liban, il trouve sa forme définitive en 1864. Ce texte présente des avantages incontestables car le pays a pu rester stable jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale en 1914. Il constitue l’édifice de la vie politique libanaise basée sur le pluralisme religieux et culturel. Certains historiens soulignent que les Protocoles de 1861 et de 1864 ainsi que le Règlement organique de 1861 ont donné au Liban son caractère politique et a permis d’organiser les relations entre les communautés druze et maronite, principales composantes de la montagne libanaise. Pour plus de détails cf Issam Moubarak: Liban: l’Etat et la décentralisation , thèse Paris 1996.

[64]-  Dans De l’esprit des lois, Montesquieu définit la démocratie surtout par la séparation nécessaire des pouvoirs.

[65]-  Égalité devant la loi: Les hommes naissent égaux en droit.

[66]-  Liberté de conscience, liberté d’expression, liberté de la presse, absence d’arrestations arbitraires, etc.

[67]-  Jean-Louis Quermonne, Les régimes politiques occidentaux, Paris, Seuil, 1994, p.10.

[68]-  cf Le système multiconfessionnel, une invention libanaise ?, Paris, Geuthner, 2016.

[69]-  Antoine Messara, Le modèle libanais et sa survie, Librairie orientale, Beyrouth, 1983.

[70]-  L’Inde est une fédération, l’Union indienne, composée de 29 États (depuis mai 2014), auxquels viennent s’ajouter 7 territoires administrés directement par New Delhi. Elle comptait 814 millions d'électeurs lors du dernier scrutin national de 2014 dont 551 se sont déplacés pour voter aux dernières élections législatives d'avril 2014. Ces électeurs élisent leurs représentants à l'échelon fédéral et à celui des États, lors de scrutins au suffrage universel. Les 1687 partis politiques indiens, nationaux comme régionaux, offrent un éventail de choix plus large que dans n'importe quelle démocratie occidentale. La presse qui bénéficie de la liberté d'expression compte plus de 82000 journaux, lus par 130 millions de lecteurs.

http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/le-monde-indien-populations-et-espaces/articles-scientifiques/la-democratie-indienne-est-elle-representative

الاتجاه نحو "لبننة" الأنظمة السياسية العربيّة

أضحت المسألة الشرقيّة ذات أهمية قصوى في سياسات الدول الأوروبية الكبرى منذ القرن التاسع عشر. فلقد كانت النزاعات في هذه المنطقة، التي هي مهد الديانات الثلاثة، مفصلية في تطوّرها السياسي. ولقد حصلت الكيانات الدينية أيام الحكم العثماني على اعتراف رسمي من الدولة العليّة، ممّا سيؤدّي إلى صهر الملل حسب هويّتها الدينية وليس حسب هويّتها الاثنيّة.

بعد الحرب العالمية الأولى وانهيار الدولة العثمانية، أنشئت دول عدّة تحت الانتدابين الفرنسي والبريطاني. كانت لكل من هذه الدول حدود سياسية وعواصم نافذة ومناطق متّصلة ببعضها البعض من خلال تطوّر البنية التحتيّة والطرقات والعلاقات التجاريّة. حصلت هذه الدول على استقلالها الشكلي في العراق في العام 1932، في لبنان في العام 1943، وفي سوريا والأردن في العام 1946.

شكّلت الحرب العالمية الثانية قطيعة جديدة مع الماضي، وعندها دخلت الولايات المتحدة الأميركية منطقة الشرق الأوسط. ومع نكبة فلسطين سنة 1947 تجدّدت الايديولوجية العربية وطالبت بتوحيد العرب في مواجهة عدو مشترك.

وانطلاقًا من خمسينيات القرن الماضي، اجتاحت المنطقة ثورات أخذت طابع الانقلابات كما حصل في مصر سنة 1952 وفي سوريا في السنوات 1949 و1963 و1966، وفي العراق في السنوات 1958 و1963 و1966، وفي ليبيا عام 1969. وفي حين قامت أنظمة سلطويّة في العراق وسوريا، اختار لبنان نظامًا مختلفًا. والسؤال هو: هل يمكن لهذا النظام الخاص بلبنان والذي يُعرف بالتوافقي أن يطرح كبديل لتلك الأنظمة التي تتخبّط في مشاكلها؟