L’Extradition: Principes et Applications

L’Extradition: Principes et Applications
Préparé par: Rayanne B. ASSAF
chercheur

L’extradition[1] est la remise par un Etat (l’Etat requis), d’un individu qui se trouve sur son territoire à un autre Etat (l’état requérant), qui recherche cet individu soit afin de le juger pour une infraction qu’il aurait commise, soit afin de lui faire subir la condamnation que ses tribunaux ont déjà prononcée à son encontre.

Aussi bien l’Etat requérant que l’Etat requis y ont un intérêt : l’état requérant parce que le criminel sera jugé, et l’état requis puisqu’il se débarrassera d’une personne dangereuse.

L’extradition reflète l’esprit de coopération entre les divers Etats du monde.

Elle se distingue :

  • De l’expulsion qui intervient pour des raisons (souvent administratives) internes à l’Etat qui expulse
  • Du refoulement qui consiste à refuser à un individu d’entrer à la frontière
  • Du rapatriement qui se situe dans un contexte non pénal
  • Du transfert qui est une notion issue du statut du tribunal international chargé de juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaires commises sur le territoire de l’ex Yougoslavie depuis 1991 ou autres ; il s’agit de transférer au tribunal une personne poursuivie initialement par une juridiction nationale, en vertu du principe de la primauté du tribunal sur les juridictions nationales pour la poursuite des crimes entrant dans sa compétence
  • De la remise telle que développée par l’union européenne dans le cadre du mandat d’arrêt européen, qui vise à supprimer les procédures formelles de l’extradition en adoptant le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions pénales.

 

L’extradition suppose un acte de poursuite à l’encontre d’un individu ; s’il est simplement recherché pour être entendu comme témoin, la question doit être réglée par une commission rogatoire et non par l’extradition.

Nous entendons très souvent parler ces derniers temps de l’extradition. Ainsi, les demandes d’extradition de Muhammad Zuhair al Seddik et Rana Koleilat, ont attiré toute l’attention.

D’autre part, qui ne se pose pas la question de savoir si des Etats étrangers peuvent demander l’extradition de personnes libanaises pour les juger : nous vient à l’esprit la question récente de la ‘poursuite’ de Walid Joumblatt, Ali Hamadé, et Fares Khachan par les tribunaux syriens.

Un autre problème nous retient : le tribunal à caractère international dans l’affaire Hariri est sur le point d’être constitué : ce tribunal pourra t-il demander l’extradition de toutes les personnes où qu’elles soient sans risque de refus, en d’autres termes un Etat pourra t-il rejeter une demande d’extradition présentée par le tribunal international ?

L’actualité de tous ces points nous a incité à traiter de l’extradition, ses principes et ses applications.

Ceci étant, nous étudierons en premier lieu les principes de l’extradition (1), avant de développer la procédure (2).

 

1. Les principes de l’extradition.

Le droit de l’extradition a plusieurs sources.

Outre la courtoisie internationale basée sur la réciprocité, les sources du droit de l’extradition sont de deux sortes : le droit international et la loi nationale.

S’agissant des lois nationales sur l’extradition, leur contenu est très variable : elles peuvent par exemple fixer les règles de procédure d’extradition, définir les conditions devant figurer dans les traités d’extradition à venir.

Quant aux textes de droit international, ils peuvent être de plusieurs sortes : traités bilatéraux d’extradition (à noter que l’ONU a mis au point en 1990 un traité- type d’extradition constituant un cadre susceptible d’aider les Etats intéressés à négocier et à conclure des accords bilatéraux d’extradition), mais aussi conventions multilatérales d’extradition (ex. convention européenne d’extradition, commonwealth Scheme for the rendition of fugitive offenders, convention d’entraide judiciaire de la ligue arabe, convention interaméricaine d’extradition, convention d’extradition de la communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest) ou conventions internationales qui, sans être des conventions d’extradition, comportent des dispositions ayant trait au droit d’extradition.

Deux hypothèses principales sont à traiter en la matière. Celle de l’existence d’un traité qui régit le ‘crime’ commis par la personne dont l’extradition est demandée, et celle de l’inexistence d’un tel traité.  

Au cas où un traité existe, l’extradition est obligatoire pour l’Etat requis[2]. Un traité d’extradition existe par exemple entre le Liban et la Syrie conclue le 25 février 1951, entre le Liban et le Koweit datant de 1964, le Liban et la Jordanie conclue le 31 Août 1953 ; avec la Turquie le 4 novembre 1937 ; avec la Belgique le 17 novembre 1964 ; le traite avec la Tunisie conclu le 28 mars 1964. Il existe aussi une convention entre les pays de la ligue arabe (dite convention arabe de Ryad pour la coopération judiciaire) qui date de 1983 ratifiée par les divers Etats. Cette convention ne déroge pas aux règles générales qui régissent la matière dans les pays arabes ou dans les autres pays.

Dans le cas contraire, l’extradition lui est facultative.

Nous vient à l’esprit préliminairement la question de la possibilité du refus par l’Etat requérant d’une demande d’extradition présentée par un tribunal international institué par l’ONU, ou plutôt de la possibilité de refuser une telle demande. Répondre à cette question est intéressant, étant donné que la constitution du tribunal à caractère international dans l’affaire Hariri est en cours.

Nous croyons qu’un Etat membre de l’organisation des Nations Unies ne peut refuser une demande d’extradition présentée par un tel tribunal, puisqu’il est tenu par un devoir de coopération à l’encontre de l’organisation. Ainsi par exemple le Brésil connu par son refus de principe pour l’extradition, et qualifié de refuge pour les criminels, ne peut pas à notre avis, refuser l’extradition lorsque le requérant est un tribunal institué par l’ONU.

Dans le cas de l’inexistence de traités,  s’il existe une multitude de dispositions relatives à l’extradition et chaque affaire doit être considérée comme un cas d’espèce selon les dispositions qui s’appliquent, il existe cependant six principes fondamentaux  que l’on retrouve généralement dans le droit de l’extradition :

 

L’influence de la nationalité sur l’extradition

Dans de nombreux pays, le principe est que l’Etat peut refuser d’extrader ses propres ressortissants. Dans ce cas, il s’engage à juger lui-même son ressortissant dans les conditions fixées dans sa propre législation. Il s’agit de l’application de l’adage : « Aut tradere, aut judicare » (soit remettre, soit juger)

Ainsi l’article 32 du code pénal libanais dispose que « ne peuvent donner lieu à extradition les infractions rentrant dans la compétence … personnelle de la loi libanaise ».

Mais cette règle peut être mise en échec par un traité d’extradition. Ainsi par exemple, le traité entre le Liban et la Syrie  permet l’extradition au détriment de la compétence personnelle.

 

La nature de l’infraction extradable

Il est admis dans le droit international de l’extradition que les infractions politiques ne peuvent donner lieu à extradition.

L’article 34 alinéa 1er du code pénal libanais considère que l’extradition n’est pas accordée lorsqu’ « elle est demandée à raison d’une infraction ayant un caractère politique, ou qu’elle parait avoir été demandée dans un but politique ».

Aucune définition précise de l’infraction politique n’étant donnée par le droit international, c’est à l’Etat requis d’apprécier s’il est en présence ou non d’une infraction politique. Mais aussi, elles ne sont définies par aucun code. Ce sont grosso modo les infractions qui portent atteinte à l’ordre politique de l’Etat ( trahison, espionnage…). C’est la jurisprudence en France qui s’est chargée de définir. Elle distingue selon que l’intérêt en jeu est un intérêt de droit interne ou un intérêt de droit international. Si l’intérêt est un intérêt de droit interne, la jurisprudence consacre exclusivement un critère objectif, et considère comme infraction politique toute infraction qui porte atteinte aux affaires de l’Etat[3].  Par exemple, l’assassinat, par sa nature et quels qu’en aient été les motifs, constitue un crime de droit commun. Il ne perd pas ce caractère du fait qu’il a été commis sur la personne du Président de la République[4].

Si un intérêt international est en jeu, c’est une question d’extradition. Dans ce cas, lorsque la question se pose de savoir si l’infraction est politique ou non, la jurisprudence considère comme infraction politique une infraction qui a un objet politique[5]. Parallèlement, la jurisprudence consacre aussi le critère subjectif dans certaines conditions. Il s’agit des infractions portant sur des intérêts privés et accomplis dans un but politique. Dans un premier temps, elle avait admis le critère subjectif sans restriction[6]. Depuis 1978, la jurisprudence a limité le critère subjectif[7]. Le conseil d’Etat a déclaré que le fait que les crimes reprochés auraient eu pour but de renverser l’ordre établi en Allemagne ne suffit pas, compte tenu de leur gravite à leur conférer un caractère politique. Juridiquement, cette formule implique que le critère de l’infraction politique est le mobile, sauf si l’infraction reprochée est une infraction grave. Pour les infractions complexes (infractions de droit commun par nature mais à motivation politique), la tendance actuelle est de restreindre la portée de la notion d’infraction politique afin de permettre l’extradition (cf. par ex. la convention européenne pour la répression du terrorisme qui dresse une liste d’infractions qui, aux fins d’extradition, ne seront pas considérées comme des infractions politiques). Par ailleurs, alors que les traités plus anciens dressaient une nomenclature des infractions donnant lieu à extradition, les traités plus récents définissent les infractions extradables en termes généraux en fonction de leur gravité et de la peine encourue (par ex, durée minimale de la peine d’emprisonnement).

La règle selon laquelle l’extradition n’est pas accordée si l’infraction pour laquelle elle est demandée présente un caractère politique constitue t-elle un principe à valeur constitutionnelle ?

La réponse est donnée dans un avis de l’assemblée générale du Conseil d’Etat français saisi par le premier ministre. Il a considéré que le principe selon lequel la France n’accorde pas l’extradition pour des infractions a caractère politique trouve sa formulation dans la loi du 10 mars 1927 relative a l’extradition des étrangers, en particulier dans l’article 5 aux termes duquel : « l’extradition n’est pas accordée :…2e. Lorsque le crime ou le délit a un caractère politique ou lorsqu’il résulte des circonstances que l’extradition est demandée dans un but politique ». Toutefois, l’article 1er de ladite loi dispose que : « en l’absence de traité, les conditions, la procédure et les effets de l’extradition sont déterminés par les dispositions de la présente loi. La présente loi s’applique également aux points qui n’auraient pas été réglementée par les traités. Il résulte de la combinaison de ces articles que la règle énoncée à l’article 5 précité n’a qu’une valeur supplétive par rapport aux conventions d’extradition.

Après la convention du 27 septembre 1996, qui devait rendre les extraditions entre Etats membres de l'Union européenne plus faciles, il n'est plus possible d'arguer du caractère politique d'une infraction pour refuser une extradition (article 5). Cependant, la France a déposé une déclaration indiquant que cette « clause de dépolitisation » ne s'appliquera que pour les infractions à caractère terroriste.

 Lorsque cette convention a été conclue, les membres de l'Union européenne appliquaient principalement entre eux des conventions du Conseil de l'Europe (convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, convention européenne pour la répression du terrorisme du 27 janvier 1977). La nouvelle convention visait ainsi à compléter ces règles pour les pays de l'Union européenne, afin de tenir compte de la mise en place progressive d'un espace européen de sécurité et de justice. Depuis par exemple, le mandat d'arrêt européen est allé beaucoup plus loin en supprimant la procédure d'extradition entre Etats membres de l'Union européenne.

 

Le principe de double incrimination

Selon ce principe, l’infraction extradable doit être punissable dans l’Etat requérant et devrait être punissable dans l’Etat requis si elle avait été commise dans cet Etat. En vertu de ce principe, si la prescription est acquise dans l’Etat requis, l’extradition peut être refusée. Ce principe s’affaiblit progressivement.

De plus, le droit libanais pose des conditions relatives au degré d’incrimination en droit libanais. L’article 33 du code pénal dispose : «  L’extradition n’est pas accordée :

  • Lorsque l’infraction n’est pas punie par la loi libanaise d’une peine criminelle ou délictuelle : il en est autrement si les circonstances de l’infraction ne peuvent se produire au Liban en raison de ses conditions géographique
  • Lorsque la peine encourue aux termes de la loi de l’Etat requérant, ou la loi de l’Etat sur le territoire duquel les faits ont été commis, ne s’élève pas à un an d’emprisonnement pour l’ensemble des infractions faisant l’objet de la demande. En cas de condamnation, la peine prononcée ne doit pas être inférieure à deux mois d’emprisonnement.
  • Lorsque l’infraction a été irrévocablement jugée au Liban, ou que l’action publique ou la peine sont éteintes aux termes de la loi libanaise, de la loi de l’Etat requérant, ou de la loi de l’Etat sur le territoire duquel elle a été commise ».

 

Le principe « ne bis in idem »

En application de ce principe, l’extradition doit être refusée lorsque l’individu pour lequel l’extradition est demandée a déjà été jugé pour les mêmes faits. Cela dit, s’il a bénéficié d’une grâce, il peut, selon certains traités récents être rejugé.

L’article 33 alinéa 3 du Code pénal libanais dispose que l’extradition n’est pas accordée lorsque : « l’infraction a été irrévocablement jugée au Liban, ou que l’action publique ou la peine sont éteintes aux termes de la loi libanaise, de la loi de l’Etat requérant, ou de la loi de l’Etat sur le territoire duquel elle a été commise ».

 

Le principe de spécialité.

Ce principe signifie que l’individu pour lequel l’extradition a été demandée ne peut être poursuivi, jugé et détenu que pour les faits qui ont motivé l’extradition  ou qui sont postérieurs à l’extradition. Si l’individu a été extradé en vertu d’une condamnation, seule peut être exécutée la peine prononcée par la décision pour laquelle l’extradition a été accordée. Le principe de spécialité veut que l’individu soit jugé pour les seuls faits visés dans la demande d’extradition et sous la qualification qui leur a été donnée. Si l’Etat requérant découvre postérieurement à l’extradition des agissements antérieurs à cette date qui paraissent devoir être poursuivis, il demande à l’Eta requis l’autorisation de poursuivre sur ces faits nouveaux.  (Demande d’extension de l’extradition).

L’article 35 alinéa 2 du code pénal libanais dispose : « Pour toute infraction antérieure à l’extradition autre que celle qui en a fait l’objet, l’inculpé ne peut être poursuivi contradictoirement, ni subir une peine, ni être ré extradé, à moins que le gouvernement de l’Etat requis n’y consente… ».

 

Le refus d’extrader en cas  de peine capitale[8].

Si l’Etat requis n’inflige pas la peine capitale pour ses propres justiciables ou s’il n’exécute pas cette peine bien que l’ayant parmi les peines applicables, l’Etat requis peut refuser l’extradition lorsque l’individu pour lequel l’extradition est demandée encourt cette peine dans l’Etat requérant, sauf si ce dernier donne des assurances suffisantes que cette peine ne sera pas exécutée.

C’est pour cette raison que la France a refusé la demande d’extradition de Mohammad Zuhair al Suddik qui a été présentée par l’Etat libanais qui punit les crimes dont il était accusé de la peine de mort.

L’article 11 de la convention européenne d’extradition de 1957 dispose :

 « Si le fait à raison duquel l'extradition est demandée, est puni de la peine capitale par la loi de la Partie requérante et que, dans ce cas, cette peine n'est pas prévue par la législation de la Partie requise, ou n'y est généralement pas exécutée, l'extradition pourra n'être accordée qu'à la condition que la Partie requérante donne des assurances jugées suffisantes par la Partie requise, que la peine capitale ne sera pas exécutée ».

Ainsi, a plusieurs reprises, la cour de cassation française a accepté l’extradition demandée par des pays admettant la peine de mort, mais en émettant des réserves exigeant l’inexécution de ladite peine sur la personne extradée[9]. C’était le cas dans les arrêts Einhorn[10], Dos Santos[11], Nivette[12], et Stacy[13] rendus par la cour de cassation française  et traitant de l’extradition vers les Etats-Unis de personnes passibles de la peine de mort.

Dans l’arrêt Dos Santos, la cour affirmait :

 "En ce que l'arrêt attaqué a donné un avis favorable à l'extradition de Antonio Dos Santos Jorge ;

 "aux motifs qu'il est expressément précisé par les autorités requérantes qui ont produit les textes applicables :

 - que l'infraction criminelle de meurtre reprochée à Antonio Dos Santos Jorge constitue un crime de catégorie A aux termes du droit de l'Etat du Connecticut, passible d'une peine d'emprisonnement d'une durée minimale de ving-cinq ans et d'une durée maximale de soixante ans ;

 - que l'Etat du Connecticut n'a pas inculpé et ne peut inculper Antonio Dos Santos Jorge de meurtre capital parce que les faits en l'espèce ne viennent pas justifier une telle inculpation ;

- qu'en conséquence la peine de mort ne se trouve pas applicable ;

 - qu'il résulte ainsi des termes dépourvus d'ambiguïté de la demande d'extradition que les faits reprochés à Antonio Dos Santos Jorge ne sont pas passibles de la peine de mort ; qu'ainsi la demande d'extradition n'encourt pas la violation alléguée au regard de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme ».

Dans l’arrêt Nivette, le demandeur au pourvoi considérait qu’ « alors que, l'avis émis par la chambre d'accusation sur la demande d'extradition doit être favorable ou défavorable, sans pouvoir être assorti d'une condition, qu'au surplus, l'Etat saisi n'aura pas le pouvoir effectif d'obtenir le respect par l'Etat saisissant (…) que, dès lors, en émettant "un avis favorable à l'extradition de James Nivette vers les Etats-Unis d'Amérique, sous réserve que la peine de mort ne soit ni requise ni appliquée", la chambre d'accusation a violé les textes susvisés". Mais la cour de cassation a rejeté ce raisonnement et affirmé qu’ « alors que, la seule prévision de la peine de mort dans le système pénal de l'Etat dont émane la demande d'extradition constitue un obstacle juridique à tout avis favorable de la chambre d'accusation ».

C’est l’Etat requis qui apprécie si les garanties données par l’Etat requérant pour l’écart de la peine de mort pour la personne dont l’extradition est demandée sont suffisantes.   

Dans l’arrêt Bondar rendu le 16 mars 1999, la chambre d’accusation de Paris avait rendu un avis défavorable à la demande d’extradition vers la Russie « aux motifs que les autorités requérantes n'ont pas suffisamment garanti que la peine de mort ne sera pas prononcée contre l'intéressé ni que cette peine, si elle était prononcée, ne sera pas exécutée »[14].

Un arrêt du conseil d’Etat français rendu en 1993[15], a considéré que la demande d’extradition doit être refusée si le crime dont est accusée la personne dont l’extradition est demandée, est sanctionné par la peine de mort, sauf si l’Etat requérant garantit la non application ou la non exécution de ladite peine. Et en l’espèce, l’Etat de Texas (USA) avait donné cette garantie et le procureur général avait  assuré qu’il n’allait pas demander une telle peine.

Notons aussi, que dans la plupart des législations, on constate un refus d’extrader pour les infractions rentrant dans la compétence territoriale, personnelle ou réelle de la loi de l’Etat requis.   L’article 32 du code pénal libanais dispose « Ne peuvent donner lieu à extradition les infractions rentrant dans la compétence territoriale, réelle ou personnelle de la loi libanaise… »

                         

2. La  procédure d’extradition.

Généralement, la procédure d’extradition dans l’Etat requis peut être de trois sortes :

  • Soit cette  procédure est purement administrative
  • Soit cette  procédure est purement judiciaire
  • Soit cette  procédure allie le judiciaire et l’administratif : c’est le cas le plus répandu. Dans cette procédure, le refus de l’autorité judiciaire d’accorder l’extradition lie l’administration , tandis qu’en cas d’accord de l’autorité judiciaire, l’administration peut, au delà de la simple question de la légalité, examiner la question de la réciprocité ou de l’opportunité d’extrader.

 

Selon les législations sur l’extradition on trouve deux types d’examens :

  • Un examen formel qui se fonde sur les pièces remises avec la demande d’extradition et qui a pour objet de vérifier si les conditions formelles de l’extradition sont réunies (système des pays de droit continental)
  • Un examen matériel qui s’attache au fond de l’affaire et qui contrôle les preuves afin de vérifier si les soupçons sont suffisamment fondés (système anglo saxon du commitment for trial)

 

En droit libanais[16], conformément à l’article 35 du code pénal libanais, modifié par le décret-loi numéro 112 du 16 septembre 1983, la demande d’extradition est transmise au procureur général auprès de la cour de cassation, qui est chargé des investigations nécessaires sur l’existence ou l’inexistence des conditions légales exigées pour admettre l’extradition, et il peut décerner un mandat d’arrêt à l’encontre de la personne dont l’extradition est demandée après l’avoir interrogé, et il remet le dossier au ministre de la justice avec son rapport. 

L’extradition est accordée par un décret pris en conseil des ministres sur proposition du ministre de la justice.

On peut facilement dire que l’extradition en tant qu’institution, et surtout en tant que procédure, est d’une grande complexité. Elle aurait été très difficile sans le concours de l’Interpol.

En fait, il existe un organisme de coopération policière internationale, INTERPOL, qui diffuse aux pays membres les mandats d’arrêt internationaux délivrés par les autorités judiciaires internationales. Dans l’union européenne, chaque pays possède sa ou ses polices nationales, et EUROPOL est l’organisme de coopération des différentes instances policières de l’union.

Parmi les moyens d’enquête mis en œuvre par Interpol pour aider la communauté policière internationale pour élucider les affaires, la notice rouge est utilisée pour demander l’arrestation ou la mise en détention provisoire en vue d’extradition d’individus recherchés. Elle est fondée sur un mandat d’arrêt. C’est l’un des principaux moyens par lesquels Interpol informe ses pays membres qu’un mandat d’arrêt a été décerné à l’encontre d’une personne par une autorité judiciaire. S’il ne s’agit pas d’un mandat d’arrêt international, de nombreux pays membres de l’organisation, en revanche, la considèrent comme une demande d’arrestation provisoire recevable. Récemment, l’Interpol vient de publier les toutes premières notices relatives à des personnes recherchées que lui ait demandé de diffuser la cour pénale internationale, concernant cinq individus soupçonnés de s’être livrés a des crimes de guerre et a des crimes contre l’humanité dans le nord de l’Ouganda. Ces notices ont été diffusées a l’ensemble des 184 membres d’Interpol et valent demandes d’arrestation et de mise en détention des individus en question, s’ils sont retrouvés, en attendant leur remise a la CPI[17].

Lorsqu’il est procédé à une arrestation en vertu d’une notice rouge, c’est par la police nationale du pays concerné, Interpol ne peut exiger d’aucun de ses pays membres qu’il arrête un individu faisant l’objet d’une notice rouge.

L’Interpol, (abréviation de l’anglais international criminel police organization), est une organisation internationale créée en 1923 dans le but de promouvoir la coopération policière internationale. Deuxième organisation internationale après l’ONU, Interpol a 184 membres. Basée à la cité internationale de Lyon (France) depuis le 1er mai 1989, elle est financée par les contributions des pays membres, représentant approximativement trente millions d’euros soit environ quarante millions de dollars américains.

A cause du rôle politiquement neutre qu’elle doit jouer, la constitution d’Interpol lui interdit d’intervenir dans les affaires ne concernant qu’un pays membre, ou les crimes militaires, politiques, religieux ou raciaux. Ses activités tournent autour du trafic et production de drogue, du terrorisme, du blanchiment d’argent, du crime organisé.

C’est pour cette raison qu’il n’a pas été donné suite à la demande d’extradition du député libanais Walid Joumblatt qui y a été déposée par la Syrie récemment. Joumblatt n’était pas accusé de crime relevant de la compétence de l’Interpol.  

Il faut ajouter que, contrairement à son nom, Interpol n’est pas à proprement parler une organisation policière. Il s’agit plutôt d’une structure d’étude et d’analyse sur la criminalité et le terrorisme. C’est une sorte de grande base de données pour les pays membres, qui produit de l’expertise et de la connaissance. Il n’y a pas de ‘service action’ dans cette organisation, les interventions sont menées par les polices de chaque pays et ce de façon plus conjointe.

De plus, il est intéressant de suivre l’évolution de cette organisation au regard de la construction européenne. En effet depuis une quinzaine d’années s’est constituée une structure exclusivement européenne : Europol. Il faut d’emblée préciser que ce n’est pas une sous branche d’Interpol mais une organisation dissociée de la première, née de la volonté des états européens de se doter d’instruments efficaces au sein de l’union. Cependant d’autres facteurs ont contribué à la création d’Europol et en particulier le rapport de forces entre américains et européens à l’intérieur d’Interpol. Les américains financent l’organisation à hauteur de leurs moyens et sont donc les premiers bailleurs de fonds, ce qui leur donne une influence importante sur le fonctionnement, les priorités ou encore les paradigmes (par ex. la définition du terrorisme) de la structure. Les états européens se sont opposes un certain nombre de fois aux USA et ont fini par conclure a la nécessité de créer leur propre organisation, qui continue toutefois a collaborer avec interpol.

 

La situation actuelle d’Interpol est marquée par d’importants problèmes structurels tenant essentiellement à deux raisons :

  • Le budget notoirement insuffisant
  • Le nombre élevé de pays participant rendant le fonctionnement de moins en moins fluide.

 

On est la en face d’un troublant paradoxe : les discours sur la nécessité de mondialiser la lutte contre le terrorisme abondent mais cette même mondialisation de la lutte entraîne les conflits entre états voire des ralentissements de cette lutte.

Finalement, nous avons voulu donner une idée de cette institution dont on entend fréquemment parler ces derniers temps. Cette institution a le mérite de participer à la mise en place d'un même espace de liberté, de sécurité et de justice dans le monde.

La criminalité a parfaitement réussi à s'adapter à la mondialisation, voire à prospérer grâce à elle. Utilisant les réseaux financiers, de télécommunications et de transports qui couvrent la planète, les criminels se jouent des frontières et agissent dans une gamme très diverse d'activités, illégales et légales, ce qui rend la lutte contre la criminalité extrêmement complexe.

Qu'il s'agisse du terrorisme, du trafic de drogue, des réseaux de prostitution ou de « passeurs » d'immigrés clandestins, du blanchiment d'argent sale etc., les activités criminelles connaissent le plus grand développement et ne peuvent pas être combattues à l'intérieur des seules frontières nationales.

L’extradition est l’un des meilleurs exemples de l’existence et des aspects d’une coopération internationale et plus particulièrement judiciaire entre les divers Etats du monde pour lutter contre cette criminalité.

 

[1] J.-H. Robert, « Droit pénal général », Thémis, Puf, p. 259-261; G. Stefani, G. Levasseur, B. Bouloc, « Droit pénal général », DALLOZ, 17e éd. ; J. Larguier, « Droit pénal général, 17e éd. Mémentos, DALLOZ, p. 245s ; et en droit libanais :

محمود نجيب حسني , شرح قانون العقوبات , القسم العام , المجلد الأول ,منشورات الحلبي الحقوقية , بيروت , ص.241 →229

مصطفى العوجي , "القانون الجنائي" ,الجزء الأول, النظرية العامة للجريمة , دار الخلود , ص. 407→ 385

سمير عاليه , شرح قانون العقوبات , القسم العام , المؤسسة الجامعية للدراسات والنشر والتوزيع , ص .163 → 155

محمد الفاضل , تسليم المجرمين , محلضرات في تسليم المجرمين , منشورات معهد البحوث والدراسات العربية بجامعة الدول العربية 1967.

[2] V. sur les traités conclus par le Liban, Moustapha El Augi, préc, p. 391s.

[3] V. Ch. Crim. 20 Août 1932, Gorguloff, D.1932 p. 430. 

[4] Ch. Crim. 4 février 1971, Bull Crim. 1971 n. 41; JCP, 1972, II, n. 17. 272; C. Cass. 7 mars 1972, Bull. Crim. N. 85.

[5] Ch. D’acc. Cour d’appel de Paris, 18 novembre 1998.

[6] CA Paris, Ch. D’acc. 3 juillet 1967, JCP 1967 II, n. 15.274 ; CA Paris, 4 décembre 1967, (affaire Inacio Da Palma Herminio), JCP 1967 II 15. 387.

[7] C.E. 7 juillet 1978.

[9] Les arrêts sont publiés sur  www.peinedemort.com.

[10] Cassation française, 27 mai 1999.

[11] Cassation française, 20 Octobre 1998.

[12] Cassation française, 12 mai 1998.

[13] Cassation française, 20 septembre 1995.

[14] V. l’arrêt de la cour de cassation française rejetant le pourvoi contre la décision.

[15] CE. 15 octobre 1993, JCP, 1994. 22257 note P. Espuglas.

[16] Cf. Moustapha El Augi, op. préc. p. 385s ; S. Aalia, op. préc., p. 155s.

[17] V. www. Interpol. int

تسليم المجرم
إنّ تسليم المجرم عملية تقوم بموجبها دولة (الدولة المطلوب منها) بتسليم شخص موجود على أرضها إلى دولة أخرى (الدولة المطالبة) تبحث عن هذا الشخص، سواء لمحاكمته على مخالفة يكون قد ارتكبها أو لينفّذ حكماً أصدرته المحاكم بحقّه.
يكثر الكلام مؤخّراً عن عملية تسليم المجرمين، منها طلبات تسليم رنا قليلات ومحمّد زهير الصّديق. وفي هذا الإطار يُطرح السؤال التالي :هل بإمكان الدول الأجنبية والعربية أن تطلب تسليم شخص لبناني للمحاكمة خارج لبنان (ك"ملاحقة" الوزيرين جنبلاط وحماده والصحافي خشّان من قبل المحاكم السورية).

كما تُطرح مسألة أخرى تتعلّق بالمحكمة ذات الطابع الدولي المعنيّة باغتيال الرئيس الأسبق رفيق الحريري: أيمكن أن تطلب هذه المحكمة تسليم كل الأشخاص أينما كانوا دون أن تواجه الرفض، أي بمعنى آخر هل يمكن أن ترفض دولة ما طلب تسليم المجرمين أو المتّهمين لمحكمة دولية؟