Le Grand Liban : Vision d’une stratégie française ? Analyse historique de 1860 à 1920

Le Grand Liban : Vision d’une stratégie française ? Analyse historique de 1860 à 1920
Préparé par: Col. Jihad Merhi
Officier à l'Armée libanaise

Introduction

Après la Première Guerre Mondiale, suite à la chute de l’Empire ottoman et dans le cadre du partage du Levant prévu par les Accords franco-britanniques de Sykes-Picot signés en 1916, le général Henri Gouraud, Haut-Commissaire de la France en Syrie et en Cilicie, proclame le 1er septembre 1920, l’État indépendant du Grand Liban. La proclamation donne au petit Liban de la Moutassarrifiyyat des frontières élargies en attribuant les villes côtières, l’Akkar au nord, le sud du Liban et les quatre cazas de l’Est à Baalbeck, Béqaa, Hasbaya et Rachaya.

Dans l’apparence, c’était une simple annonce sur le perron de la Résidence des Pins à Beyrouth. Mais elle fut effectivement le résultat d’un long processus qui croisa deux visions: l’une française et l’autre libanaise. Dans cet article, nous allons nous intéresser à la vision française, car il n’existe pas encore une référence explicitant précisément son rôle.

Or si nous retraçons la démarche de la politique française au Levant, il apparaît qu’elle a contribué à promouvoir une certaine vision des frontières libanaises fondée sur les observations et les travaux de certaines personnalités françaises. Dans ce contexte où règne un grand flou sur le rôle français dans l’élaboration des frontières libanaises de 1920, puis dans l’élargissement territorial du petit Liban, quatre hommes ont apporté une contribution décisive par leur vision, leurs projets et leur action entre le Second Empire et la Troisième République. Il s’agit de: Melchior de Vogüé, le général de Beaufort d’Hautpoul, Robert de Caix et le général Henri Gouraud.

 

I - Un «nouvel État» selon Melchior de Vogüé

Le précurseur français d’une idée d’un Grand Liban fut Melchior de Vogüé. Dans son article «Les événements de Syrie», publié dans Le Correspondant en 1860, de Vogüé résume en quelques pages ses observations générales sur le Liban et ses habitants, sans évoquer des détails. Il dit:

«Le Liban est plus avancé dans la voie de la liberté qu’aucun autre pays soumis à la Porte; il a des traditions d’indépendance et de self government que la persécution n’a pas éteintes; à aucune époque de son histoire il n’a été considéré purement et simplement comme une province de la Turquie… [1]».

En revenant à l’histoire du Liban, de Vogüé retrace le rôle des événements à partir de l’année 1840 et l’intervention ottomane dans cette montagne avant de proposer d’annexer les territoires entourant le Mont-Liban: «On joindrait au Liban proprement dit la plaine de Baalbeck, les villes chrétiennes de Hesbeya et Rascheya dans l’Anti-Liban, toute la côte depuis Tripoli jusqu’à Tyr, et on formerait ainsi un État chrétien indépendant[2]».

De Vogüé précise donc l’objectif de sa proposition d’élargissement du domaine du Mont-Liban pour un «nouvel État», selon son expression, en résumant trois idées principales:

«Servir la cause de la civilisation chrétienne, secourir pour eux-mêmes nos alliés séculaires, nos frères en Jésus Christ et voir associer le nom de la France à d’utiles et généreuses entreprises[3]». Il ciblait donc la protection des intérêts de trois parties: la France, le christianisme et les habitants de la Montagne par la création d’un État-allié. D’ailleurs, comment cette proposition se reflète-t-elle dans le projet du général de Beaufort d’Hautpoul ?

 

II - Beaufort d’Hautpoul: le Liban, un ancrage territorial de la relation de la France et des chrétiens

L’expédition française de 1860 constitue un tournant dans l’histoire du Liban moderne. Le Second Empire cherchait à raviver les relations avec les chrétiens du Levant. C’était la deuxième fois qu’une révision française reconsidérait ces relations[4].

 

A- L’expédition du point de vue diplomatique français

Au début de son règne, Napoléon III a adopté une politique fondée sur trois principes: l’entente franco-britannique, la présence française économique plus que militaire dans le monde et l’amitié avec des États musulmans. Il soutient les autorités ottomanes sous le titre du troisième principe. Néanmoins, après les massacres au Liban et en Syrie en 1860, il nuance sa position envers l’Empire, ses habitants chrétiens et le «devoir d’intervenir» devient une priorité. Dans ce cadre, le ministre des Affaires Étrangères, Édouard Thouvenel, porte deux finalités principales auprès des gouvernements européens et de la Sublime Porte: le retour au calme et une révision du statut politique dans la Montagne.

Thouvenel justifie auprès des puissances européennes le devoir d’intervention par les difficultés de La Porte dans la gestion des crises intérieures et par sa crise financière et économique. En plus, pour lui «la Porte n’a pas eu le choix de laisser les Puissances intervenir en 1841, elle n’a pas non plus le choix en 1860[5]». Thouvenel argumentait aussi auprès de ces puissances les craintes françaises selon lesquelles les incidents et les affrontements risquaient de se propager en dehors de l’Empire.

 

B- Le projet de l’«organisation définitive» envisagé par Beaufort d’Hautpoul

Pour explorer ce projet, nous nous fondons sur quatre de ses rapports parus dans l’ouvrage de Yassine Soueid (2013), sur l’ouvrage d’Ernest Louet (1862) et sur d’autres monographies.

Dans le premier rapport intitulé Note sur la situation de la Syrie qu’il a rédigée[6], et après la collecte des renseignements, le général de Beaufort demande une réorganisation du «pays» qui ne peut plus subir les actions turques, en particulier les chrétiens qui se veulent «forts» grâce à l’expédition et le gouvernement français. Il associe ensemble 4 facteurs.

Le premier est une «organisation définitive» pour le Liban fondée sur celle antérieure à 1840 (pendant le mandat de l’Émir Béchir II) qui représenterait une garantie pour les chrétiens du Liban. Ce qui garantit également leur situation dans cette partie du Levant. Ceci étant le second facteur. Ensuite, le troisième facteur lie le renforcement des chrétiens du Liban à celui des chrétiens de la Syrie. Quant au quatrième facteur, Beaufort continue avec une certaine audace en reliant la nouvelle organisation définitive du Liban à la résolution européenne de la question de l’Orient. Implicitement pour de Beaufort d’Hautpoul, le Liban est donc une clé française pour l’Orient.

 

Ensuite, dans son deuxième rapport de 27 janvier 1861 destiné au Ministre de la Guerre, le général présente des preuves sur le fait que les massacres de 1860 ont été provoqués et dirigés par le gouvernement ottoman et que la politique de l’affaiblissement des chrétiens était dans l’air du temps. Il explique pourquoi le régime de l’arrangement de 1842 a conduit aux «tristes événements» de 1845, 1851, 1859 et 1860. En se basant sur ces informations, Beaufort souhaiterait une réorganisation de la totalité des provinces syriennes mais il se limite au Mont-Liban qu’il nomme «le Liban» en prévoyant l’élargissement de ses frontières. De Beaufort précisait que les populations ont vécu là en coexistence depuis des siècles et ce jusqu’en 1840.

Il insiste alors sur deux points. Le premier consiste à annuler la division du Mont-Liban en deux Qaïmaqamiyyas. Le deuxième consiste à avoir un unique chef chrétien de ce pays tout en suggérant la candidature de l’Émir Médjid Chéhab. D’ailleurs lors de son arrivée à Beyrouth, les cheikhs et les émirs de la Montagne lui rendirent visite le 18 août 1860[7], d’où probablement sa connaissance approfondie de la réalité libanaise. De Beaufort propose ensuite l’organisation intérieure (sécurité, judiciaire, finance) de cette entité gouvernée. Finalement, pour préserver le rôle de «protecteur» joué par son gouvernement, de Beaufort lie le fonctionnement de cette organisation à l’aide d’une commission européenne et une force étrangère afin de, respectivement, régler les détails et assurer la tranquillité.

L’explication détaillée, concernant surtout les frontières sujet de notre article, est fournie dans son troisième rapport: Notes et renseignements sur le pays qui doit former le gouvernement du Liban, du 10 février 1861. Il propose un «pays» englobant les régions précisées suivantes. Au nord: Nahr El-Kébir et les crêtes de l’Anti-Liban, les crêtes de l’Hermon et une préservation des «limites actuelles» des districts de Baalbeck, la Béqaa, Hasbaya et Rachaya. Au sud: les «limites actuelles» de Houlé et de Belad Bechara (la région de Jabal Amel) et à l’Ouest: la Méditerranée. De Beaufort présente deux types d’arguments pour défendre sa proposition: les régions historiques et la protection des chrétiens.

 

Pour le premier, il s’agit des régions qui avaient été placées sous le régime de l’émir Fakhreddine, des régions sous l’autorité directe de l’émir Béchir II et des régions sous l’influence de cet émir. D’ailleurs, de Beaufort considère que Beyrouth a été réunie par Fakhreddine au Liban et fit ainsi partie de l’Émirat jusqu’en 1797 lorsque Ahmad Pacha Al-Jazzar l’a détachée pour l’adjoindre à son vilayet d’Acre. Beyrouth était alors le siège du gouvernement et portait les principaux monuments élevés par Fakhreddine et par les émirs. En outre, le fait que la plupart des Chéhab ont été enterrés à Beyrouth a constitué une raison de plus pour le général afin d’annexer la ville au projet du Mont-Liban élargi. Quant à Tripoli et Saïda, ces deux villes ont été, selon Beaufort, réunies pendant la domination égyptienne (1830-1840), au gouvernement de la montagne sous l’Émir Béchir. Pour ces raisons, affirme le général, l’ensemble des trois villes (Beyrouth, Tripoli et Saida) doit être «réannexé» au Liban.

Dans ce contexte, les régions qui formaient le Liban historique selon de Beaufort sont au nord le Akkar, à l’est la chaîne de l’Anti-Liban et les crêtes de l’Hermon avec les limites des districts de Baalbeck, Rachaya et Hasbaya, plus au sud la région de Bilâd Bechara (Jabal Amel) et la région littorale entre l’Ouest du lac Houlé au sud de Tyr et la plaine de Akkar avec toutes les villes littorales dans cette marge.

Quant aux arguments liés aux chrétiens, le rapport du 10 février 1861 démontrait que la vision de Beaufort ciblait à réunifier et élargir le Liban sous la gouvernance de la famille des Chéhab pour constituer une entité autonome reconnaissant toutefois la suzeraineté du Sultan auquel elle paiera une redevance ou un tribut annuel.

Pour maintenir les conditions de viabilité tant du côté de l’alimentation que de la sécurité économique et stratégique, Beaufort affirmait l’importance d’annexer la plaine de la Béqaa et les ports des villes littorales principales liées au territoire revendiqué pour former le pays du Liban. Pour lui, la Béqaa et les ports des villes littorales étaient aussi une nécessité pour que le gouvernement du Liban puisse être indépendant.

De plus, le général explicite pourquoi l’ensemble des plaines de la Béqaa et de Baalbeck, les districts de Hasbaya et Rachaya et les régions à l’extrême nord (Tripoli) et à l’extrême sud (Bilâd Bechara et Chekif, Aklim Chamar, Gebaa, Houlé, Aklim Teffah et Marjayoun) doit être annexé, se basant sur le lien entre les habitants de la montagne et ceux de la plaine de Baalbeck et de la Béqaa. Ensuite, il explique que les populations de Hasbaya et de Rachaya ont «toutes leurs relations avec les populations du littoral» et que «l’influence des Chéhab y subsiste toujours».

 

De même, en ce qui concerne les chrétiens de ces régions, suite à leur exode vers le littoral, de Beaufort voyait qu’ils iront se réinstaller à Hasbaya et Rachaya lorsqu’ils auront la garantie que la sécurité de l’avenir est assurée. Pour lui, l’exode a été dû au fait que les Ottomans auraient travaillé à supprimer l’influence des Chéhab dans cette région dont ils sont originaires.

Finalement, les régions à l’extrême nord et sud comme précité sont à annexer parce que «les 35000 chrétiens qui s’y trouvent» ne vont pas se sentir en sécurité sauf si «comme autrefois, ils sont sous la protection directe du chef de la Montagne», parce que d’après Beaufort «ils ont les mêmes intérêts, les mêmes relations, les mêmes habitudes que les populations du Liban». Cette protection des chrétiens visée par de Beaufort a une dimension régionale: les chrétiens de la Syrie.

Dans le quatrième rapport du 15 février 1861, le commandant indique des statistiques sur les districts à intégrer. En allant des Bilâd de Akkar au nord jusqu’au Houlé au sud, Beaufort présente les effectifs de la population de chaque communauté, le nombre total de la population et le nombre de fusils présents.

Ce rapport fournit un croquis des divisions administratives à annexer pour former ce pays composé de 36 districts. D’après le tableau statistique établi, les Maronites sont les plus nombreux et sont présents dans tous les districts sans exception. Ils forment un groupe de 208.180 soit 43% de l’ensemble de 8 communautés d’un total de 487.600 personnes. Par ailleurs les 7 autres communautés formaient un total de 279.420 habitants. Beaufort s’est appuyé sur la première carte établie pour le Liban par son corps expéditionnaire (Figure 1)

 

Figure 1: Carte des limites des districts retracées en gras avec la limite du «pays» décrit par Beaufort d’Hautpoul[8] sur la carte du corps expéditionnaire français (1860 et 1861)       
Source: Limites retracées par Jihad Merhi et Grace Al-Khawand sur la carte de la Bibliothèque Nationale de France

 

III - Robert de Caix: un projet pour contrer les influences britanniques et les nationalistes arabes

A- Vision de Robert de Caix

En se fondant sur la position de la Société de Géographie considérant que la Syrie doit être incluse dans la zone française dans le projet de partage de l’empire, Robert de Caix déclare que:

«À aucun moment de l’histoire, la Syrie n’a été indépendante. De plus elle est très divisée entre races et confessions diverses… Le pays peut donc être comparé à un agrégat de municipes… la paix entre ces groupes ne peut être maintenue que par l’action d’une autorité extérieure et supérieure… La France doit avoir cette mission[9]».

Il considérait que la Syrie est incapable d’être autonome, et qu’elle est une mosaïque de communautés disparates et souvent hostiles qui doit être toujours gouvernée par une puissance étrangère comme elle l’était sous l’Empire ottoman. Il ne trouva en Syrie que «quelques entités cohérentes: le Liban, la montagne des Ansarieh (Alaouite), la région de Damas, d’Alep». Pour clarifier sa vision concernant les frontières d’un Liban élargi, nous nous reportons à la division qu’il préconise pour l’ensemble de la région dans ses écrits et, surtout, sur sa note rédigée le 17 juillet 1920.

 

B- Le projet de division de Robert de Caix

1- Le contexte (1918-1920)

Entre la mission de négociations avec le prince Fayçal, les dangers qu’il voit dans le projet de royaume arabe Fayçal et sa lecture de la Syrie géographique et de sa population, la vision du Robert de Caix le conduit à soutenir le projet d’une fédération syrienne sous tutelle française aux côtés d’un Liban élargi. En fait, trois facteurs guident sa vision pour l’organisation et la gouvernance de la Syrie.

 

- Premièrement, il s’agit de ce qu’il considère comme des concessions faites par Clemenceau aux Britanniques, il considère qu’«en laissant aller, sans tenter aucune résistance la Palestine à un mandat britannique, nous sommes les dindons de la farce et nous avons les meilleures raisons de résister à toute autre concession[10]».

 

- Deuxièmement, il s’agit des intérêts coloniaux politiques et économiques de la France. De Caix, qui est une personnalité du courant colonial, voyait l’entrée de la France au Levant comme primordiale dans sa concurrence ouverte avec la Grande Bretagne.

 

- Troisièmement, il s’agit de l’intérêt de la clientèle française au Levant: les Maronites du Liban, les Arméniens en Turquie et les Assyro-Chaldéens en Syrie. En fait, cette clientèle n’était pas prioritaire pour de Caix. Il ne répondait pas à leurs demandes que si celles-ci étaient concordantes avec l’intérêt de la France. Les chrétiens d’Orient n’étaient pas un sujet qui le motivait. Chez lui rien n’est accordé gratuitement à cette clientèle. Par exemple, en ce qui concerne la plaine de la Béqaa dont beaucoup de Libanais croient qu’elle a été annexée au Liban uniquement pour gagner des terrains fertiles et pour prévenir une nouvelle famine, de Caix dévoile une autre raison à son annexion: «La Béqaa est essentielle à joindre au Liban, pour grossir celui-ci et en même temps pour diminuer la cohésion de l’État chrétien de l’intérieur»[11].

 

2- La fédération syrienne

L’objectif de Robert de Caix était alors le renforcement des minorités, par la division du domaine français au Levant pour empêcher l’établissement d’un grand État arabe, afin de préserver le statut de la clientèle et celui de la France au Levant sans toucher aux limites de 1916 (malgré les modifications de 1918). La division qu’il proposait dans son Esquisse de l’organisation de la Syrie sous le mandat français[12] prévoyait une série d’autonomies liées dans une confédération syrienne et un Grand Liban. Il considérait que la division cantonale des provinces syriennes en États autonomes devait être accompagnée par un système fédéral sous la tutelle suprême du Mandat. La confédération évoquée par de Caix est alors constituée de l’union de 8 ou 9 autonomies (Figure 2) formées:

- De 5 municipes: Alep, Damas, Homs, Hama et Tripoli

- Du sandjak d’Alexandrette

- Du groupe d’Ansarieh

- Du Hauran: qui peut être divisé en 2 parties, musulmane et druze.

 

La totalité de la Syrie serait gouvernée par l’organisme fédéral d’un pouvoir central français, le Haut-Commissariat. D’après de Caix, ce système fédéral suggéré pour la Syrie serait la meilleure solution car, en premier lieu, il assurait la protection des non-musulmans qui comptaient environ 900.000 habitants. En second lieu, les effets du nationalisme arabe, devaient être amortis par une telle division.

En ce qui concerne le Grand Liban, de Caix l’excluait de la confédération syrienne en raison d’un manque de cohérence dans les deux ensembles. Les limites du Grand Liban qu’il a évoquées sont explicitées par la suite.

 

3- Le Liban élargi, «la forteresse des Français»

Pour le Liban, de Caix parle d’une organisation de l’indépendance sous le contrôle français. Pour lui, le Liban est un pays qui peut se franciser dans une très large mesure. Reste que le gouvernement français devrait remplir deux conditions.

- Établir une autorité française importante dont le siège reste à Beyrouth.

- Réaliser ce que les Libanais attendent des Français depuis 1860 c’est-à-dire à créer le Grand Liban.

À partir de là, de Caix définit les sections territoriales à laisser hors du Liban et celles à y inclure. D’une part, les sections à ne pas joindre au Grand Liban sont les deux villes littorales: Beyrouth et Tripoli. Pourquoi ? Selon sa note du 17 juillet 1920, de Caix évoque ses arguments. Concernant Beyrouth, il écrit:

«Il est très douteux qu’une grosse ville comme Beyrouth qui aura sans doute avant de longues années autant d’habitants que le Liban tout entier, soit une capitale désirable pour la montagne. Le caractère de celle-ci pourrait en être fort altéré. Il est douteux aussi que la majorité de la population de Beyrouth, voire même de celle du Liban, désire cette annexion»[13].

Pour ce qui est de Tripoli, Robert de Caix écrit: «On ne voit pas de raisons d’annexer Tripoli au Liban. C’est un centre musulman sunnite[14]». Avec 40 à 50.000 sunnites à Tripoli, de Caix voyait que cette ville est désignée pour être placée sous le régime de Municipe autonome et annexée à la confédération syrienne comme Damas, Alep, Homs et Hama (Figure 2)

 

 

Figure 2: La vision de Robert de Caix pour la zone française Source: Réalisée par Jihad Merhi et Grace Al-Khawand, fondée sur la synthèse des écrits de Robert de Caix dans Gérard D. Khoury, 2006.

 

Par ailleurs, les sections qui seront à joindre au Liban sont: le Djebel Akkar, l’étendu entre Saida et le caza de Tyr, et la Béqaa qu’il nommée la Coelé–Syrie[15].

Pour le Djebel Akkar qui compte parmi ses résidents une population chrétienne (majoritairement orthodoxe), de Caix pensait qu’on ne peut pas l’annexer ni à Tripoli ni à Homs mais qu’il serait peut-être intéressant de mettre en contact direct le Liban avec les Ansarieh (Alaouites) qui viennent de leur côté jusqu’au Nahr El Kébir, et d’isoler ainsi le centre sunnite de Tripoli, des pays musulmans de l’intérieur. Cette séparation entre les coreligionnaires de Tripoli et l’intérieur syrien reflète-t-elle une politique de «diviser pour régner» afin d’éviter de renforcer le nationalisme entre les musulmans de Tripoli et ceux de l’hinterland syrien ? Ça peut être probablement la finalité visée.

Quant au Sandjak de Saida et la population majoritairement chiite entre Tyr et Sidon avec une minorité chrétienne, de Caix suggéra au début un petit État métouali, mais finalement, vu la présence des chrétiens, il a suggéré l’annexion de tout le sandjak de Saida au Liban.

D’un autre côté, de Caix fait référence à la Béqaa actuelle comme étant la Coelé-Syrie, pourtant cette dénomination inclut aussi les deux cazas de Rachaya et de Hasbaya qui devraient s’annexer à la Béqaa. Il considérait que les autorités chérifiennes doivent être expulsées de la Béqaa et que le rattachement de cette région au Liban rencontre l’approbation de la population locale.

 

IV - Henri Gouraud et le besoin d’un pied à terre sécurisé

Après la récupération de la zone française «arabe», quelle division administrative est adoptée par le Haut-Commissaire, et quelles circonstances l’ont amené à réaliser sa vision des frontières pour la région et pour le Grand Liban ?

 

A- Dès l’arrivée de Gouraud (novembre 1919) jusqu’au l’ultimatum

Le général Henri Gouraud arrive avec ses troupes à Beyrouth, le 21 novembre 1919. Entre novembre 1919 et juillet 1920, c’est presque dix mois de négociations qui se terminent finalement par le fameux ultimatum de Gouraud à Fayçal. Trois facteurs principaux ont marqué la démarche qui a poussé Gouraud à mettre cet ultimatum.

En premier lieu, Clemenceau insistait à compléter les négociations avec Fayçal sous la couverture anglaise de Lloyd George et du général Allenby. Dans ce contexte, l’accord de 26 novembre 1919 entre Clemenceau et Lloyd George conclut que les zones de Baalbeck et Rayaq, restent sous l’administration chérifienne, alors que les Français maintiennent leur présence sous forme d’inspecteurs militaires à Rayaq pour assurer la protection sur le passage des trains. Entre parenthèse, Rayaq, ville à l’est de Beyrouth dans la plaine de la Béqaa, est un nœud ferroviaire du chemin de fer joignant la Turquie au nord et le Hedjaz au sud-est. Ayant une importance géostratégique pour les Français, ce nœud permettait à leurs troupes d’atteindre le Nord syrien et le front franco-turc, à partir de Beyrouth.

En conséquence, Clemenceau a demandé à Gouraud que les troupes françaises n’entrent pas, temporairement, dans la Béqaa avant qu’un engagement secret de reconnaissance du droit des Français à l’occupation de la Béqaa ne soit conclu avec Fayçal. Malgré son opinion opposée à tout accord avec cet Émir dont la sincérité est en question, et le fait qu’il considère que tout report de l’occupation causera une grave atteinte à la situation morale et physique de ses troupes car la pression militaire kémaliste sur les bataillons français en Turquie était forte et les pertes étaient lourdes, Gouraud en militaire discipliné, applique les recommandations de son Gouvernement et abandonne temporairement l’idée de l’occupation de la Béqaa.

Par ailleurs, Fayçal n’a pas tenu ses promesses et le flux logistique français a été perturbé, parfois même bloqué par les Chérifiens à Rayaq, ce qui a participé à l’accélération de la décision d’évacuer Fayçal et ses troupes de la Béqaa.

 

En second lieu, le Congrès général syrien, qui siège à Damas, rejette tout accord avec la France, voulant renforcer la position de Fayçal, proclamant le 7 mars 1920, l’indépendance du royaume de Syrie, sous la houlette de ce prince. Français et Britanniques refusent cette proclamation. Côté français, Clemenceau a quitté le pouvoir après avoir signé avec Faysal un accord, le 6 janvier 1920, et c’est la droite coloniale française qui est désormais aux affaires. Le général Gouraud, de sa part, a contesté la légitimité de la représentation des communautés au Congrès. Il a indiqué que les 200.000 musulmans sunnites ont 13 représentants, les autres 610.000, chrétiens (510.000) et chiites (100.000), ont 3 députés (2 maronites et un seul chiite) et qu’il y avait 326.000 habitants qui ne sont pas représentés[16].

En troisième lieu, le contexte politique dans la région contraint finalement Gouraud à reporter l’occupation de la Béqaa, même après le départ de Clemenceau, en attendant l’attribution officielle du mandat sur la Syrie et la Cilicie à la France, par le Conseil Suprême interallié, à San Remo le 25 avril 1920.

D’ailleurs, les troupes françaises sur le terrain, entre le Liban, la Syrie et la Cilicie, n’étaient pas suffisantes pour affronter sur deux fronts les guérillas anticoloniales syriennes, et la guerre d’indépendance conduite par les kémalistes notamment en Anatolie. C’est pourquoi Gouraud demande des renforts militaires en maintenant le statu quo de l’attente.

 

Finalement les renforts militaires débarquent à Beyrouth successivement entre le 25 juin et le 9 juillet[17]. Il est prêt à lancer son ultimatum le 14 juillet 1920. Il s’agissait de répondre aux demandes françaises dans un délai de 4 jours comme:

1- L’abolition de la conscription

2- L’acceptation du Mandat français

3- L’acceptation de la monnaie syrienne

4- Le châtiment des coupables

5- La disposition absolue de la voie ferrée de Rayaq à Alep.

 

B- Entre la bataille de Damas (Khan Maysaloun) et la création des États modernes

Après la chute du gouvernement de Damas, le 24 juillet 1920, les Français s’attellent à l’organisation de la région. Gouraud a défendu la réalisation d’un Grand Liban de majorité chrétienne, refusant la division suggérée par de Caix. Sa vision s’est dévoilée principalement à travers quatre télégrammes: les 3 juillet et 7, 13, 25 août 1920, dans le cadre de ses correspondances avec Millerand.

Le 3 juillet 1920, Gouraud a défendu l’annexion au futur Grand Liban de la zone sud entre Saida et la Palestine. Il propose de prendre en compte «des considérations religieuses, politiques, administratives et géographiques particulières à la région, (et) des intérêts français» pour ne pas: découper les chiites entre Saida et Tyr en deux, mutiler les deux circonscriptions de Sour (Tyr) et de Merdjayoun, donner au nouveau tracé une orientation inexplicable et pour ne pas perdre «les terrains fertiles de Tibnine, Bent Jbeil, Maron, Yaron, du plateau de Meis, de Kadès[18], du Houlé»[19].

Puis, le 7 août 1920, il répond au télégramme de Millerand du 6 août 1920 en défendant sa vision sur la base d’une gestion raisonnée pour la France en coût et en personnel. Gouraud défend le projet d’un Grand Liban tel que formulé dans le télégramme 1504 et dans lequel il annonce qu’il a l’intention de diviser les territoires sous mandat français en trois États principaux (Grand Liban, État de Damas et État d’Alep) plus un territoire des Ansariés. Dans ce télégramme, Gouraud laisse la porte ouverte à des «retouches» à la conception qu’il a présentée. Il propose également des services communs entre ces États.

Dans le télégramme du 13 août 1920, Gouraud évoque le sujet des «limites de l’État libanais» à partir des trois questions: l’une concerne Tripoli (en conservant son autonomie administrative) et son entourage comportant des chrétiens en nombre considérable; la deuxième concerne Beyrouth (qu’il a considéré la capitale du Grand Liban et le siège du Haut-Commissaire); et la troisième concerne les amis libanais de la France.

En ajoutant Tripoli et Beyrouth au Grand Liban, le Général a considéré que les «amis libanais» de la France vont être satisfaits et qu’il aurait l’opportunité «de progresser vers une répartition meilleure» de ses moyens. Il demande à Millerand l’autorisation de proclamer «très prochainement l’existence du Grand-Liban avec Beyrouth comme capitale et Tripoli de Syrie comme dépendance». Il marque qu’il est prêt à les annoncer le 15 août 1920.

À ce point, nous ouvrons une parenthèse pour évoquer la question de la capitale du Grand Liban. Il est notable que la discussion à un certain moment autour du choix entre Beyrouth et Damas comme capitale étant donné la carte de 1860 –1861, ait inclut les deux villes. Dans ce contexte, apparemment Damas était proposée comme capitale du Grand Liban, mais pour plusieurs raisons, cette proposition fut écartée. Michael Davie raconte dans son article, De la carte au territoire national: l’invention du Liban:

«Devant Émile Éddé, membre de la délégation libanaise à la Conférence de Versailles, le Général Gouraud hésita un instant face à la question d’inclure Damas dans le Liban, puisqu’elle figurait sur la carte. Mais cette ville, capitale du Proche-Orient, ne pouvait coexister dans un même État avec Beyrouth, capitale provinciale: fayçalienne, et donc hostile à la présence française, elle aurait déstabilisé le fonctionnement du Grand-Liban. La décision fut rapidement prise pour l’exclure du Liban et d’instaurer une frontière entre les deux villes. La ‘frontière naturelle’ de l’Anti-Liban (le Jabal ech-Charqî dans sa toponymie locale) et de l’Hermon (Jabal ech-Cheikh) – la dénomination européenne ou biblique n’est pas innocente – serait l’obstacle exploitable au plan militaire…»[20].

Ainsi donc, Gouraud déclare sa résolution concernant la capitale de sa vision du Grand Liban: «Après examen approfondi de la question j’ai décidé, il y a une semaine, de ne pas proposer Damas comme capitale de l’État confédéré du Liban[21]».

Le 15 août passe sans proclamation de la part de Gouraud, apparemment parce qu’il n’a pas reçu de réponse de Millerand. C’est pourquoi, il renvoie le 19 août 1920 un autre télégramme dans lequel il insiste à nouveau sur la nécessité de proclamer le Grand Liban d’autant que les demandes se multiplient. «La proclamation annoncera solennellement le rattachement au Liban actuel (la Mutassarrifiyyat) des régions dont la population a clairement exprimé ses suffrages en faveur de cette réunion, c’est-à-dire Beyrouth avec une large autonomie municipale, le municipe de Tripoli, Akkar, Merdjayoun, Saida et Tyr». Il annonce à Millerand qu’il va proclamer le Grand Liban le 23 août 1920, et c’est le dernier délai avant qu’il quitte pour Alep.

Entre le télégramme de 19 août et le dernier décisif du 25 août 1920, deux télégrammes du 20 et 23 août sont échangés par Gouraud et Millerand respectivement. Dans le premier, Gouraud explique les inconvénients de la division en 8 à 9 autonomies en citant trois arguments:

- un argument politique: ladite division va «servir le désir d’unité» des populations.

- un argument d’équilibre: Il est plus «facile de maintenir l’équilibre entre trois ou quatre États assez vastes».

- un argument financier et du personnel (étant plus coûteuse): environ 600 personnes doivent être prévues pour gérer ces autonomies. Pour lui, c’est une «impossibilité».

Dans le deuxième télégramme, Millerand évoque la division administrative et il doute encore de la réussite de l’annexion de Beyrouth et Tripoli au Liban, mais il propose une «période d’essai» de même pour l’État de Damas et du Djebel Druse (Figure 3).

Millerand donne un feu vert à Gouraud en écrivant: «Dans l’ensemble, je crois désirable de régler les choses de manière que, même si la liquidation de la tentative chérifienne nous amenait à créer d’abord des États étendus, nous conservions, en constituant de larges autonomies locales, la possibilité de composer plus tard la confédération d’éléments plus nombreux».

Figure 3: Divisions du domaine mandataire élaborées par Gouraud Source: Réalisée par Jihad Merhi et Grace Al-Khawand, fondée sur Gérard D. Khoury, 1993, p. 400.

 

Pour sa part, Gouraud considère l’annonce du 23 août comme le feu vert qu’il attendait. Il envoie le 25 août 1920 un télégramme à Millerand dans lequel il le remercie de la confiance dont témoigne sa réponse favorable concernant la proclamation du Grand-Liban, et lui annonce que la proclamation «aura lieu très prochainement».

Effectivement, vers fin août, il établit les quatre arrêtés liés aux frontières libanaises consistant de réunir les cazas de Hasbaya, Rachaya, Béqaa et Baalbeck au Liban (Arrêté No 299), de la dissolution des deux circonscriptions administratives du vilayet de Beyrouth (Arrêté No 320) et du Territoire autonome du Liban (Arrêté No 321) et la proclamation du Grand Liban (Arrêté No 318) annoncée à la Résidence des Pins le 1er septembre 1920.

 

Conclusion

Depuis l’idée lancée par de Vogüé, 60 années séparent le projet envisagé par le général d’Hautpoul pour élargir le Mont-Liban et la proclamation du général Gouraud créant une nouvelle entité dans ses frontières d’un Grand Liban indépendant de son entourage.

Entre ces deux périodes, plusieurs scénarios de frontières libanaises ont été envisagés, et celui qui fut le plus proche d’être réalisé, était celui de Robert de Caix. Les quatre personnalités ont tous trouvé, chacun à partir de son approche, que le Grand Liban formerait un pied-à-terre sécurisé pour les Français au Levant, et qu’il constituerait un domaine protégé pour les chrétiens de la région.

En fait, depuis la chute de l’Empire ottoman, les contextes international et régional et même local, ont été en pleine instabilité. Cela s’est reflété par plein de turbulences au Levant. Les hésitations françaises n’ont trouvé leur fin qu’avec Gouraud, lequel à partir de sa connaissance des conditions du terrain, et de ses moyens en tant que Haut-Commissaire, a pu trancher sur la question ouverte des frontières en général, et celles plus spécifiquement libanaises avec les régions à annexer.

Le règlement des frontières se fit toutefois en déployant tous les efforts possibles, afin de préserver les intérêts français, les relations franco-britanniques au sujet de la frontière sud du Liban, et les demandes de la partie libanaise à la Conférence de la Paix.

La vision française d’une entité libanaise élargie, ne s’est pas constituée d’une «obéissance» française à une simple demande libanaise-maronite. C’est plutôt la rencontre d’intérêts franco-libanais, et l’incapacité franco-arabe (avec Fayçal) à établir un accord. Tout ceci, associé à un concours de circonstances stratégiques, a fini par faire pencher la balance en faveur de l’établissement de l’État du Grand Liban. C’est de là sans doute que l’ancrage territorial des relations franco-libanaises est né…

 

Références

- ANDURAIN (d’) Julie, «Négocier en Syrie en 1920: Gouraud et Fayçal avant la bataille de Damas», dans Emmanuel Vivet (dir.), Négociations d’hier, leçons pour aujourd’hui, Paris, Larcier, 2012, p. 225 - 237.

- CAIX (De) Robert, Organisation des territoires du Mandat – Esquisse de l’organisation de la Syrie sous le mandat Français, 17 Juillet 1920.

- DAVIE Michael, De la carte au territoire national: l’invention du Liban, dans BORD Jean-Paul et BADUEL Pierre Robert, Les cartes de la connaissance, Paris, Karthala, 2004, p. 489-505.

- FORTIN-GAGNÉ Valérie, L’expédition de la France au Liban sous Napoléon III (1860–1861), mémoire en vue de l’obtention du garde de maître ès sciences en histoire option enseignement collégial, Université de Montréal – Faculté des arts et des sciences, 2015.

- HOKAYEM Antoine, BOU MALHAB ATALLAH Daad, et CHARAF Jean, Documents diplomatiques français relatifs à l’histoire du Liban et de la Syrie à l’époque du mandat: 1914-1946. Tome I – le démantèlement de l’empire Ottoman et les préludes du mandat 1914-1919, Beyrouth, Les Éditions Universitaires du Liban et Paris, L’Harmattan, 2003.

- KHOURY Gérard D., La France et l’Orient arabe. Naissance du Liban moderne, 1914-1920, Paris, Armand Colin, 1993.

- KHOURY Gérard D., Une tutelle coloniale, le mandat français en Syrie et au Liban: écrits politiques de Robert de Caix, Paris, Belin, 2006.

- LOUET Ernest, Expédition de Syrie Beyrouth le Liban – Jérusalem 1860-1861, Paris, Amyot – Éditeur – 8 – Rue de la Paix, 1862.

- MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, Centre des Archives Diplomatiques de Nantes, Syrie-Liban, vol. 31.

- SOUEID Yassine, Corps expéditionnaire de Syrie [Texte imprimé]: rapports et correspondance, 1860-1861 / documents recueillis, Beyrouth, Naufal, 1998.

- VOGÜÉ (De) Melchior, «Les événements de Syrie», Le Correspondant, 1860, tome 50, p. 776 – 802.

 

[1]-   Melchior de Vogüé «Les événements de Syrie», Le Correspondant, 1860, tome 50, p. 776 – 802, p. 799.

 

[2]-   Melchior de Vogüé, 1860, tome 50, p. 800.

 

[3]-   Melchior de Vogüé, 1860, tome 50, p. 802.

 

[4]-   La première fut lors du choix français pendant l’expédition égyptienne de 1830 – 1840.

 

[5]-   Valérie Fortin-Gagné, L’expédition de la France au Liban sous Napoléon III (1860–1861), mémoire en vue de l’obtention du garde de maître ès sciences en histoire option enseignement collégial, Université de Montréal – Faculté des arts et des sciences, 2015, p. 71.

 

[6]-   Yassine Soueid, Corps expéditionnaire de Syrie [Texte imprimé]: rapports et correspondance, 1860-1861 / documents recueillis, Beyrouth, Naufal, 1998, p. 110 – 114. Yassine Soueid indique que la date probable de ce rapport est fin septembre 1860.

 

[7]-   Ernest Louet, Expédition de Syrie Beyrouth le Liban – Jérusalem 1860-1861, Paris, Amyot – Éditeur – 8 – Rue de la Paix, 1862, p. 41.

 

[8]-   Nous avons mis en relief le tracé des limites intérieures (des districts) en rouge et les limites extérieures en noire, pour donner une idée des frontières perçues par le général d’Hautpoul. Nous notons que la limite est du district de Houleh n’avait pas été tracée sur la carte originale. Nous avons choisi de la tracer car ce district est inclus dans le projet du général selon son rapport de 15 février 1861.

 

[10]-  Gérard D. Khoury 2006, p. 159 – 160.

 

[11]-  Gérard D. Khoury 2006, p. 61.

 

[12]-  Gérard D. Khoury, 2006, p. 261.

 

[13]-  Ministère des Affaires Étrangères, Centre des Archives Diplomatiques de Nantes, Syrie-Liban, vol. 31, p. 45, 17/07/1920.

 

[14]-  Robert de Caix, Organisation des territoires du Mandat – Esquisse de l’organisation de la Syrie sous le mandat Français, 17 Juillet 1920, p. 23.

 

[15]-  Le terme Coelé-Syrie qui veut dire à l’époque hellénistique «la Syrie creuse» ou la Syrie intérieure, a connu avec le temps des acceptions différentes et fut utilisé par certains pour désigner toute la vallée de la Béqaa.

 

[16]-  Voir la lettre du général Gouraud envoyé le 13 mars 1920 à son gouvernement; présente chez Antoine Hokayem, Documents diplomatiques français relatifs à l’histoire du Liban et de la Syrie à l’époque du mandat: 1914-1946. Tome II – les bouleversements de l’année 1920 au Proche-Orient: le sort des territoires ottomans occupés, Beyrouth, Les Éditions Universitaires du Liban et Paris, L’Harmattan, 2012, document 109, p. 146 – 147.

 

[17]-  Voir Gérard D. Khoury, La France et l’Orient arabe. Naissance du Liban moderne, 1914-1920, Paris, Armand Colin, 1993, p. 381 – 382.

 

[18]-  Un des 7 villages détachés durant les travaux de démarcation franco-britanniques.

 

[19]-  Antoine Hokayem, 2012, Tome II, document 331, p. 447.

 

[20]-  Michael Davie, De la carte au territoire national: l’invention du Liban, dans BORD Jean-Paul et BADUEL Pierre Robert, Les cartes de la connaissance, Paris, Karthala, 2004, p. 489-505, p. 497.

 

[21]-  Antoine Hokayem, 2012, Tome II, document Nº 434, p. 588.

 

 

لبنان الكبير: رؤية لاستراتيجيةٍ فرنسية؟ تحليل للأحداث التاريخية بين 1860 و1920

 

بعد انتقال المشرق العربي من السيطرة العثمانية إلى تقسيم سياسي جديد للمنطقة، واستلام كل من القوَّتَين المنتدبتَين فرنسا وبريطانيا المجال الموكل لكلتيهما، أعلن الجنرال هنري غورو قيام دولة لبنان الكبير بحدودها النهائية.

في الظاهر، هو إعلان حاشد على مدخل قصر الصنوبر في بيروت. ولكن، وبمراجعةٍ مُفصّلة لمسار السياسة الفرنسية في هذا المشرق، يتبيَّن لنا أنه، إلى جانب الرؤية اللبنانية للبنان كبير، هناك جذور لرؤيةٍ فرنسية أسهمت بنشر تصوّر معيَّن للحدود اللبنانية من خلال عدة أعمال ومشاهدات وكتابات شخصيات فرنسية.

لذلك، وبسبب عدم الإضاءة الكافية على الدور الفرنسي في ما خص فكرة لبنان والمسار الذي أوصل إلى قرار الأول من أيلول 1920، نتطرّق في هذه المقالة إلى كيفية تطوّر الرؤية الفرنسية للحدود اللبنانية من خلال أربع شخصيات حملت مشاريع مختلفة في حين ومتشابهة في أحيانٍ أخرى.

في هذا الإطار، نعود إلى - فكرة لبنان - التي كان أول مَن تحدّث عنها من الفرنسيين ميلكيور دو فوغيه، لنراها تتأطّر في المشروع المتكامل الذي فصّله الجنرال دو بوفور دو هوتبول، ومن ثم نعاين رؤية روبير دو كيه لحدود لبنان المحتملة من ضمن مشروعه لتقسيم منطقة النفوذ الفرنسية، لنصل في النهاية إلى رؤية الجنرال هنري غورو التي تجسّدت في إعلان حدود دولة لبنان الكبير.